Najet Marin* écrit – Les habitants de Menzel-Bourguiba (nord-ouest de Tunis) n’ont pas trouvé d’autre solution pour se faire entendre que cette lettre ouverte au Premier ministre.. Leur ville est à l’agonie et personne ne semble s’en soucier.


Monsieur le premier Ministre,
Je vous écris avec tout le respect que je dois à votre personne et votre rang, je le fais sous la forme d’une lettre ouverte.
Il ne s’agit en effet que de l’intérêt général de notre ville: Menzel-Bourguiba, une ville aujourd’hui sinistrée, et ce depuis le 12 janvier 2011, jour où une bande de malfrats est venue saccager et brûler une bonne partie des bâtiments administratifs de la ville, ceux de la Mairie, de la recette des finances, les commissariats de police, plusieurs banques, la poste, Monoprix… Un vrai désastre pour les habitants, qui sont obligés aujourd’hui de se rendre dans les villes avoisinantes ne serait-ce que pour poster un courrier.
Notre ville était déjà abandonnée par tous les gouvernements et maires qui se sont succédé. Elle se trouve aujourd’hui dans un état des plus insalubres. Seuls les rats y trouvent leurs plaisirs.
Vos rôles à vous, monsieur le Premier ministre, monsieur le Président de la république, messieurs les gouverneurs, messieurs les maires, sont de satisfaire aux besoins de la population du pays mais aussi à sa sécurité.
Pour cela, vous avez doté de compétences obligatoires, définies par la loi, et de compétences facultatives, en fonction des options politiques choisies par les élus, le rôle de chaque personne vous représentant au sein d’un gouvernorat ou d’une municipalité.
Traditionnellement, les principales compétences d’une ville sont :
- les fonctions d’état civil: enregistrement des mariages, naissances, décès…
- les fonctions électorales: organisation des élections, gestion des listes électorales ;
- l’action sociale: gestion des garderies, crèches, foyers de personnes âgées, aide par l’intermédiaire du Centre communal d’action sociale;
- l’enseignement: la construction, l’entretien, l’équipement intérieur des écoles primaires et maternelles sont de compétence communale, mais l’enseignement est de compétence de l’Etat (programmes, nombre d’enseignants…);
- l’entretien des voies communales;
- la gestion de son patrimoine;
- la protection de l’ordre public;
- la sécurité des habitants.
Or, il s’avère que notre ville ne peut satisfaire conformément pratiquement aucun des points énumérés ci-dessus.
Jusqu’à présent, nombre de maires se sont succédé et presque aucunes de ces tâches n’a été remplies, au point que la population en a baissé les bras et se raccroche aux souvenirs du Ferryville d’antan.
Monsieur le Premier ministre, c’est l’insécurité, la pollution, le chômage et surtout la saleté qui caractérisent aujourd’hui notre ville, ses rues, ses ruelles et l’ensemble de son agglomération.
Les ordures jonchent le sol à plusieurs endroits, notamment les souks et les marchés municipaux, où s’entassent des «montagnes» d’ordures qui ne sont enlevées que tous les trois ou quatre jours, sinon une fois par semaine et même, quelquefois, suivant les endroits, ou jamais…
La ville est au bord du gouffre; le ramassage des poubelles traine; le jus des ordures dégouline, les odeurs sont nauséabondes, et surtout les rats prolifèrent…
Ne parlons pas non plus de l’état de notre réseau routier qui, lui, me fait penser quelquefois à un lendemain de «bombardement»: les trottoirs sont pratiquement inexistants; les gens ne les empruntent même plus; ils préfèrent marcher au milieu de la route au risque de leur vie…
Encore plus inquiétant, la dégradation avancée du réseau d’assainissement qui fait peser une menace sur la santé de tous les citoyens.
Certains quartiers, à la moindre chute de pluie, se retrouvent aussitôt envahis par les eaux usées et les odeurs pestilentielles. Vous n’êtes pas sans savoir, monsieur le Premier ministre, face à cet amer constat, les conséquences qui en résultent sur la santé des citoyens de Menzel-Bourguiba et sur notre environnement. Les eaux usées stagnantes dans les caniveaux s’infiltrent lentement pour devenir une source possible de pollution de la nappe phréatique… Sans oublier toutes les maladies dues à la pollution atmosphériques, au manque d’hygiène, aux diarrhées, bronchiolites du nourrisson, et j’en passe…
Notre municipalité ne peut subvenir à tous ces besoins seule et sans aide de l’Etat.
Monsieur le Premier ministre, votre tâche n’est certes pas facile aujourd’hui, mais nous vous demandons pour une fois, une seule fois, de prendre en considération la misère qui règne dans notre ville.
Menzel-Bourguiba est en pleine agonie, elle souffre d’un mal qu’on appelle  «saleté et pollution»! Vous seul détenez le remède! Il ne tient qu’à vous de la faire renaitre de ses cendres, avec notre aide, cela va de soi.
J’espère, monsieur le Premier ministre, qu’une fois de plus, nous ne serons pas déçus, mais plutôt que vous vous distingueriez des autres premiers ministres qui vous ont succédé, en honorant notre ville comme il se doit, et ainsi lui redonner son faste d’antan.
Monsieur le Premier ministre, j’espère que ces doléances et cet appel au secours seront pris en considération, et vous en remercie par avance. Il en va du bien-être et de tous les citoyens de Menzel-Bourguiba qui sont au bord de la crise de nerf.
Je vous prie de croire, monsieur le Premier ministre, en l’assurance de ma respectueuse considération.

* Habitante de Menzel-Bourguiba.