Jamel Dridi écrit - Chaque Tunisien qui défend Samir Feriani sait que c’est sa liberté qu’il défend. Nous sommes tous Samir Feriani.
Je suis Samir Feriani. Les Tunisiens et Tunisiennes sont tous des Samir Feriani. Je suis Samir Feriani non pas parce que je suis policier mais parce que l’enjeu de son arrestation et de sa détention dépasse son simple cas. Son cas est un test révélateur du changement en Tunisie.
Demain, Samir Feriani, ce sera peut être moi ou quelqu’un d’autre qui n’aura pas voulu se taire face à une injustice. Libérez Samir Feriani car je suis Samir Feriani.
L’arrestation de Samir Feriani comme si c’était un vulgaire délinquant, à la façon cow-boy, en pleine rue est déjà choquante. Sa détention aussi longue alors qu’il n’a fait que dénoncer des dysfonctionnements est elle révoltante.
Pourquoi avoir arrêté Samir Feriani? Si, effectivement, il a commis une faute, est-elle si grave qu’il mérite l’emprisonnement? Alors que d’autres plus compromis que lui dans des affaires criminelles sont libres? A-t-on peur que ce Tunisien moyen qui n’a sans doute pas de comptes en Suisse se sauve en Arabie saoudite, au Qatar ou au Canada et qu’il soit difficile de le faire revenir? En attendant un procès, ne peut-on pas le libérer sous contrôle judiciaire? L’a-t-on tellement tabassé qu’on doit lui laisser le temps de retrouver la santé avant de le libérer? Le maintient-on à l’ombre parce qu’il ne veut pas revenir sur ses propos qui révèlent que rien n’a changé en Tunisie malgré les sacrifices des centaines de jeunes martyrs tunisiens?
Comme vous le voyez, les questions ne sont que des spéculations, mais à défaut de voir cet homme s’exprimer librement, je ne peux émettre que des hypothèses.
Ceux qui détiennent Samir Feriani sont en train de reproduire la même erreur que Ben Ali dans les premiers jours qui ont suivi la mort de Mohamed Bouazizi. Ils minimisent le caractère symbolique de l’affaire. Comme Ben Ali, ils ne comprennent pas que nous nous sommes tous reconnus en Mohamed Bouazizi qui étouffait sous la dictature de la peur. Comme Ben Ali, ils ne comprennent pas que la colère sourde du peuple monte face au cas de Samir Feriani.
Aujourd’hui, Samir Feriani, parce que vous le détenez provisoirement de manière aussi longue, est en train de devenir cet autre symbole. Libérez Samir Feriani avant qu’il ne soit trop tard. Calculez juste, sa détention vous est contre-productive, libérez le!
Dans un article passé dans Kapitalis (‘‘La police clé de la sortie de crise en Tunisie?’’), à contre-courant de ceux qui défendent une éradication pure et simple du système policier pourri et corrompu de l’ancien régime, je défendais l’idée que l’appareil sécuritaire devait être pardonné car c’est la colonne vertébrale de l’ancien système tunisien. Le faire tomber serait le prélude au chaos. La réconciliation nationale sur la question policière, en faisant participer toutes les composantes de la société civile, est préférable.
Je reste convaincu par cette idée. Par contre le pardon ne peut avoir lieu que si la police s’amende de ses errements passés, que les arrestations pour faire peur et faire taire les opposants cessent. La police est au service du citoyen et pas l’inverse !
Chaque Tunisien qui défend Samir Feriani sait que c’est sa liberté qu’il défend. Nous sommes tous Samir Feriani.
Libérez Samir Feriani!