Ali Ben Mabrouk écrit – Selon les sondages, près de 60% des Tunisiens seraient indépendants. Ils ne se reconnaissent dans aucun parti et ils sont indécis sur leur vote si jamais ils ont l’intention de voter.


Les partis ont beau essayer de présenter leurs programmes et leurs orientations politiques sans jamais parvenir à capter l’attention de la majorité des Tunisiens. Seul Ennahdha semble attirer vers lui une frange importante de la population grâce à un atout majeur qui est celui du prêche du vendredi. Les islamistes n’ont pas besoin de louer des salles pour organiser leurs réunions car ils disposent des mosquées qu’ils utilisent à bon escient.

Tous contre Mebaza, Caïd Essebsi et Ben Achour
Les questions économiques, celles qui touchent de près tous les Tunisiens, ne sont jamais abordées par les divers partis. On se limite à critiquer les décisions prises par la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution. Le mot «illégitimité» est fredonné par tous les libres penseurs qui se sont convertis du jour au lendemain en experts en droit constitutionnel. Les avocats, juges, activistes politiques, opposants et anarchistes, qui se sont tus pendant 23 ans, n’ont que ce mot à la bouche. Mebaza, Caïd Essebsi et Ben Achour sont les plus visés. Quoi qu’ils disent ou accomplissent, ils sont considérés comme hors de la plaque et on s’attend qu’ils produisent des miracles malgré leur… «illégitimité».
Tous les dirigeants des partis affirment que l’intérêt de la Tunisie doit primer sur tout mais aucune action n’est envisagée dans ce sens. Chaque parti est concerné par son image de marque. On cherche à attirer les électeurs par des promesses populistes. On envisage de limiter les impôts, augmenter le smig et le smag, vendre la baguette à 150 millimes et réduire les inégalités. Des réformes, certes courageuses, mais qui demandent à être concrétisées dans le réel. Aucun parti n’a songé à présenter un jeune à sa tête. Presque tous les dirigeants ont plus que 70 ans et des cheveux blancs quand ils en ont. Ils reprochent à Ben Ali d’avoir accaparé le pouvoir pendant 23 ans et il y a parmi eux qui sont à la tête de leur mouvement depuis autant d’années.

Anciens opprimés, nouveaux oppresseurs
Personne ne se demande pourquoi les réformes n’ont jamais été adoptées dans le passé. Les inégalités et le chômage sont deux maux qui perdurent depuis des décennies et tout le monde s’en accommodait. Qui n’a jamais pensé à aller investir à Sidi Bouzid, Kasserine ou Thala, des zones défavorisées par la nature et par la mentalité des nouveaux riches qui ne cherchent que le gain facile.
Un autre mot qui revient sur toutes les bouches, celui de «l’exclusion» Abdelfattah Mourou a dit un jour: «Il est inadmissible que ceux qui étaient exclus dans le temps de la vie politique cherchent aujourd’hui à exclure les Rcdéistes.»
Ceux qui étaient opprimés se convertissent en oppresseurs. De quel droit sont empêchés de voter ceux qui ont vu leur nom inséré, sans qu’on leur demande leurs avis (ce n’est pas le cas de tous, mais de certains), dans la liste appelant Ben Ali à se représenter pour les élections de 2014?  Qui pouvait dire non à la machine infernale du Rcd? Qui avait le courage de critiquer ou contredire les actions de l’ancien régime?
Il est facile, de nos jours, de s’ériger à la fois en juges et bourreaux, c’est une nouvelle dictature dont la Tunisie peut bien se passer. Ce n’est pas avec des slogans pareils que la Tunisie va sortir de la crise.