Pour lutter contre le colonialisme, les premiers mouvements de résistance furent tous «religieux». Leurs leaders sont «sortis» d’universités religieuses (El Azhar, pour l’Egypte; la Zitouna pour la Tunisie... sans grand succès. Par Rachid Barnat*
La génération d’après (Nasser, Bourguiba, Ferhat Abbas…), plus «politisée» parce que «sortie» des écoles coloniales, développeront le nationalisme qui aboutira à la libération de leur pays.
Pourtant entre ces deux générations il y a eu des querelles à propos de la modernité. Que les anciens refusaient parce qu’elle est «imposée» par les Occidentaux, leurs colonisateurs.
La relation ambiguë des salafistes avec l’Occident
Pour s’affirmer face à l’Occident et plus particulièrement face à leurs anciens colonisateurs, certains pays nouvellement libérés, adhéreront au panarabisme de Nasser... qui n’a pas eu le succès escompté.
Alors face à cet échec et devant la dictature des régimes en place, un nouveau repli sur soi «religieux» va se mettre en place progressivement, avec toujours en ligne de mire «la modernité» et le rejet de l’Occident. Il touchera en premier l’Egypte, qui inspirera d’autres pays comme la Tunisie. Il se radicalisera jusqu’à assassiner le président Anouar Sadate. En Tunisie il se radicalisera sous Ben Ali...
Mais est-ce que devant chaque échec imputable à leurs chefs, les peuples sont condamnés à se refermer sur eux-mêmes sous prétextes que tous leurs malheurs sont dus aux Occidentaux? Pour espérer une amélioration de leur condition comme le leur proposent les «religieux» dont l’unique programme est la chariâa et l’unique discours est le rejet de l’Occident et de sa «modernité»? Alors que nous savons qu’ils ne leur ont jamais été d’un grand secours, ni permis un quelconque progrès à leur pays?
Ces «religieux» auraient-ils un complexe vis-à-vis de l’Occident et de sa «modernité»? Autrement comment expliquer que les plus farouches d’entre eux se sont réfugiés souvent en Occident (El Banna à Genève, Ghannouchi à Londres…), et y élèvent et scolarisent leurs enfants? Sont-ils schizophrènes à ce point?
Comment se fait-il que Ghannouchi ait choisi pour son exil l’Angleterre? Comment se fait-il qu’il ait envoyé sa fille faire des études dans les meilleures universités occidentales? N’y aurait-il pas un paradoxe de la part de quelqu’un qui inclut dans son discours le dénigrement de l’occident et de sa «modernité»?
L’Histoire nous apprend que les civilisations naissent, progressent et atteignent leur apogée ; puis un jour elles régressent. Et le propre de l’homme est toujours d’aller vers ce qui lui semble un mieux pour lui, en se rapprochant de la civilisation la plus avancée, donc la plus «moderne» ou de ce que certains appellent dédaigneusement la «modernité»! Je suppose que c’est ce que vont chercher en Occident, ceux qui le dénigrent !
La modernité selon Bourguiba
Ce que Bourguiba, clairvoyant, a bien compris quand il a éduqué les enfants tunisiens dans une double culture, sans complexe vis-à-vis de la France, car il faisait le distinguo entre la politique de la France et sa culture! Il y voyait une richesse pour son pays. L’homme n’était pas parfait. Certes, il s’est même des fois trompé et a fini en dictateur. Mais faut-il pour autant le dénigrer et rejeter tout ce qu’il a apporté de positif à son pays? C’est un fait, la Tunisie s’est ancrée dans la modernité grâce à lui. Modernité dont ont bénéficié les jeunes révoltés et leurs parents, plus particulièrement leurs mères; et qui a permis la révolution du 14 janvier.
Modernité dont ont profité ceux-là même qui la dénigrent, incapables d’en faire autant, préférant la critiquer dans des discours rétrogrades et revanchards comme ceux de leurs prédécesseurs.
Et voilà qu’Ennahdha arrive en opportuniste pour récupérer la révolution des jeunes tunisiens avec un discours religieux qu’il assure cette fois-ci «épuré» et «moderniste» pour rassurer ceux que le salafisme effraie ! Ceux qui prétendent le parti Ennahdha «moderne», se trompent ! Quand on n’a comme programme que la chariâa à proposer aux Tunisiens pour régler tous leurs problèmes, comment ce parti peut-il prétendre se moderniser? Il est certain qu’il n’a pas élaboré d’autres politiques depuis qu’il existe, puisqu’il n’a rien d’autre à proposer. Car en tant que salafiste, il se renierait que «d’innover» en quelque domaine que ce soit: puisque les «salafiyoun» ont tout commenté et légiféré sur tout au cours des deux premiers siècles !
Un cynisme effrayant
Autrement, où serait la modernité dans ce que propose Ghannouchi aux Tunisiennes: de les renvoyer à leur foyer pour résorber le chômage des hommes? D’instaurer la polygamie, pour résorber le nombre de «femmes restées célibataires» et lutter contre la dénatalité par la même occasion? C’est d’un cynisme effrayant !
Or, il faut rappeler les revendications pour lesquelles des jeunes tunisiens se sont sacrifiés : liberté, dignité et travail!
La Tunisie a étonné le monde entier par sa révolution spontanée du 14 janvier, pour une fois «sortie» du peuple sans encadrement politique ni religieux... Ne peut-on laisser ces jeunes la mener à bon port sans leur ressortir les vieux schémas archaïques et improductifs du passé?
Les Tunisiens ont suffisamment d’hommes et de femmes «civils» de qualité pour moderniser leur pays et l’arrimer au monde démocratique.
Il faut juste que les partis rétrogrades leur foutent la paix ! Nous avons suffisamment d’exemples de pays où les religieux ont pris le pouvoir et qui se sont révélés néfastes et liberticides à leur peuple: Pakistan, Afghanistan, Somalie, Soudan…, sans parler des pays du Golfe et de l’Arabie Saoudite.
Et comme par hasard, les religieux de ces pays qui prétendent «sauver» leurs pays de l’emprise de l’Occident, sont tous d’obédience salafiste ! Sauf que les plus nantis d’entre eux, investissent leurs pétrodollars en… Occident!
Il y a comme un paradoxe qui j’espère fera réfléchir ceux qui veulent pour la Tunisie, comme modèle, les pays du Golfe et à leur tête l’Arabie Saoudite.
Alors de grâce les religieux, épargnez-nous les discours passéistes à propos de la modernité et cessez d’imputer tous les problèmes de la Tunisie à l’Occident, faute de programme sérieux ! Même les Saoudiens, que certains veulent nous donner en exemples, investissent massivement en Occident où les plus riches d’entre eux possèdent des palais dans les endroits les plus huppés, preuve s’il en est besoin, qu’ils ne crachent pas sur l’Occident et ni sur sa «modernité».
* - Vétérinaire.
Tunisie. Le parti religieux Ennahdha peut-il être moderne?
Pour lutter contre le colonialisme, les premiers mouvements de résistance furent tous «religieux». Leurs leaders sont «sortis» d’universités religieuses (El Azhar, pour l’Egypte; la Zitouna pour la Tunisie...) : sans grand succès. Par Rachid Barnat*
La génération d’après (Nasser, Bourguiba, Ferhat Abbas…), plus «politisée» parce que «sortie» des écoles coloniales, développeront le nationalisme qui aboutira à la libération de leur pays.
Pourtant entre ces deux générations il y a eu des querelles à propos de la modernité. Que les anciens refusaient parce qu’elle est «imposée» par les Occidentaux, leurs colonisateurs.
La relation ambiguë des salafistes avec l’Occident
Pour s’affirmer face à l’Occident et plus particulièrement face à leurs anciens colonisateurs, certains pays nouvellement libérés, adhéreront au panarabisme de Nasser... qui n’a pas eu le succès escompté.
Alors face à cet échec et devant la dictature des régimes en place, un nouveau repli sur soi «religieux» va se mettre en place progressivement, avec toujours en ligne de mire «la modernité» et le rejet de l’Occident. Il touchera en premier l’Egypte, qui inspirera d’autres pays comme la Tunisie. Il se radicalisera jusqu’à assassiner le président Anouar Sadate. En Tunisie il se radicalisera sous Ben Ali...
Mais est-ce que devant chaque échec imputable à leurs chefs, les peuples sont condamnés à se refermer sur eux-mêmes sous prétextes que tous leurs malheurs sont dus aux Occidentaux? Pour espérer une amélioration de leur condition comme le leur proposent les «religieux» dont l’unique programme est la chariâa et l’unique discours est le rejet de l’Occident et de sa «modernité»? Alors que nous savons qu’ils ne leur ont jamais été d’un grand secours, ni permis un
quelconque progrès à leur pays?
Ces «religieux» auraient-ils un complexe vis-à-vis de l’Occident et de sa «modernité»? Autrement comment expliquer que les plus farouches d’entre eux se sont réfugiés souvent en Occident (El Banna à Genève, Ghannouchi à Londres…), et y élèvent et scolarisent leurs enfants? Sont-ils schizophrènes à ce point?
Comment se fait-il que Ghannouchi ait choisi pour son exil l’Angleterre? Comment se fait-il qu’il ait envoyé sa fille faire des études dans les meilleures universités occidentales? N’y aurait-il pas un paradoxe de la part de quelqu’un qui inclut dans son discours le dénigrement de l’occident et de sa «modernité»?
L’Histoire nous apprend que les civilisations naissent, progressent et atteignent leur apogée ; puis un jour elles régressent. Et le propre de l’homme est toujours d’aller vers ce qui lui semble un mieux pour lui, en se rapprochant de la civilisation la plus avancée, donc la plus «moderne» ou de ce que certains appellent dédaigneusement la «modernité»! Je suppose que c’est ce que vont chercher en Occident, ceux qui le dénigrent !
La modernité selon Bourguiba
Ce que Bourguiba, clairvoyant, a bien compris quand il a éduqué les enfants tunisiens dans une double culture, sans complexe vis-à-vis de la France, car il faisait le distinguo entre la politique de la France et sa culture! Il y voyait une richesse pour son pays. L’homme n’était pas parfait. Certes, il s’est même des fois trompé et a fini en dictateur. Mais faut-il pour autant le dénigrer et rejeter tout ce qu’il a apporté de positif à son pays? C’est un fait, la Tunisie s’est ancrée dans la modernité grâce à lui. Modernité dont ont bénéficié les jeunes révoltés et leurs parents, plus particulièrement leurs mères; et qui a permis la révolution du 14 janvier.
Modernité dont ont profité ceux-là même qui la dénigrent, incapables d’en faire autant, préférant la critiquer dans des discours rétrogrades et revanchards comme ceux de leurs prédécesseurs.
Et voilà qu’Ennahdha arrive en opportuniste pour récupérer la révolution des jeunes tunisiens avec un discours religieux qu’il assure cette fois-ci «épuré» et «moderniste» pour rassurer ceux que le salafisme effraie ! Ceux qui prétendent le parti Ennahdha «moderne», se trompent !
Quand on n’a comme programme que la chariâa à proposer aux Tunisiens
pour régler tous leurs problèmes, comment ce parti peut-il prétendre se
moderniser? Il est certain qu’il n’a pas élaboré d’autres politiques depuis qu’il existe, puisqu’il n’a rien d’autre à proposer. Car en tant que salafiste, il se renierait que «d’innover» en quelque domaine que ce soit : puisque les «salafiyoun» ont tout commenté et légiféré sur tout au cours des deux premiers siècles !
Un cynisme effrayant
Autrement, où serait la modernité dans ce que propose Ghannouchi aux Tunisiennes: de les renvoyer à leur foyer pour résorber le chômage des
hommes? D’instaurer la polygamie, pour résorber le nombre de «femmes
restées célibataires» et lutter contre la dénatalité par la même occasion? C’est d’un cynisme effrayant !
Or, il faut rappeler les revendications pour lesquelles des jeunes tunisiens se sont sacrifiés : liberté, dignité et travail!
La Tunisie a étonné le monde entier par sa révolution spontanée du 14 janvier, pour une fois «sortie» du peuple sans encadrement politique ni religieux... Ne peut-on laisser ces jeunes la mener à bon port sans leur ressortir les vieux schémas archaïques et improductifs du passé?
Les Tunisiens ont suffisamment d’hommes et de femmes «civils» de qualité pour moderniser leur pays et l’arrimer au monde démocratique.
Il faut juste que les partis rétrogrades leur foutent la paix ! Nous avons suffisamment d’exemples de pays où les religieux ont pris le pouvoir et qui se sont révélés néfastes et liberticides à leur peuple : Pakistan, Afghanistan, Somalie, Soudan…, sans parler des pays du Golfe et de l’Arabie Saoudite.
Et comme par hasard, les religieux de ces pays qui prétendent «sauver» leurs pays de l’emprise de l’Occident, sont tous d’obédience salafiste ! Sauf que les plus nantis d’entre eux, investissent leurs pétrodollars en… Occident!
Il y a comme un paradoxe qui j’espère fera réfléchir ceux qui veulent pour la Tunisie, comme modèle, les pays du Golfe et à leur tête l’Arabie Saoudite.
Alors de grâce les religieux, épargnez-nous les discours passéistes à propos de la modernité et cessez d’imputer tous les problèmes de la Tunisie à l’Occident, faute de programme sérieux ! Même les Saoudiens, que certains veulent nous donner en exemples, investissent massivement en Occident où les plus riches d’entre eux possèdent des palais dans les endroits les plus huppés, preuve s’il en est besoin, qu’ils ne crachent pas sur l’Occident et ni sur sa «modernité».
* - Vétérinaire.