Jamel Ajroud* écrit - En acceptant votre nomination à la tête de la Cnam, monsieur le Pdg de la Cnam, vous vous êtes engagé à servir les Tunisiens avec droiture et dévouement. Alors, tranchez maintenant!


Selon les standards internationaux, une administration moderne qui se respecte est une administration qui offre à ses usagers des conditions d’écoute humaines et une information claire et complète. La Caisse nationale assurance maladie (Cnam), objet de ce courrier, est très loin de ce modèle. Il suffit, pour s’en apercevoir, d’observer deux maux de cette institution: l’opacité de la gestion des remboursements des soins et la qualité du service.

 

Opacité totale et manque de communication
En premier lieu, le traitement des dossiers de remboursement est effectué dans l’opacité totale sans aucune communication avec les assurés sociaux. Pourtant, une notification postale des détails de chaque remboursement (date et nature des soins, honoraires payés et montant remboursé à l’assuré et/ou praticien, motifs du refus, voies de contestation…) est extrêmement utile pour l’assuré et pour la Cnam. Elle améliore les relations avec les assurés, désencombre les services et permet aux malades de prendre conscience de l’ampleur des dépenses publiques de santé.
Les frais postaux sont vite compensés par un meilleur civisme social et une meilleure perception de l’administration par les usagers. L’économie des frais postaux est la raison la plus détestable du défaut d’information. A cause de cette «étonnante économie» beaucoup de dossiers sont jetés, rejetés ou mal traités dans le silence absolu des bureaux. Au pire, l’assuré ne s’en rend même pas compte ; au mieux, il reçoit un virement bancaire, sans plus de détails. Il doit présumer que le calcul est bon et que tous les soins ont été pris en compte. Les plus vigilants des assurés seront méfiants vis-à-vis de l’administration quitte à s’accoutumer aux guichets après chaque soin.
En creusant dans l’ambigüité de la gestion des remboursements des soins, la Cour des comptes et la Cour de discipline financière pourraient éventuellement dénicher des fautes de gestion qui pourraient constituer un crime de concussion puni par le Code pénal (article 95 et suivants). Dans l’attente d’améliorer la transparence dans la gestion des remboursements, une enquête sérieuse sur ce point paraît fructueuse pour confirmer ou infirmer les soupçons.

«Petits pouvoirs» des agents capricieux
En deuxième lieu, il est fréquent de dénoncer la qualité d’accueil dans certains services de la Cnam. Je prends l’exemple du Centre de Sfax-Nord (Rte Teniour). Le très mauvais accueil par des agents aveuglés par leurs «petits pouvoirs» ou leur «forte taille» a poussé des assurés sociaux dont je fais partie à renoncer au «droit» au remboursement y compris pour des actes assez onéreux. D’autres personnes qui n’ont pas les moyens financiers, ne peuvent pas se permettre la passivité et le luxe du «laissez-tomber». Elles doivent alors s’armer de beaucoup de patience et de combativité en s’inclinant moralement et physiquement face à des agents capricieux du guichet, seuls accessibles à l’assuré ordinaire. Le service à distance de la Cnam (téléphone et mail) ne fonctionne pas.
L’inaccessibilité des services de la Cnam perturbe fortement la légitimité de la cotisation à l’assurance maladie. La fraude en matière de sécurité sociale trouve alors de quoi se nourrir.
Je reste à votre entière disposition pour vous parler davantage de nombreuses dérives observées dans les services de la Cnam. Chaque assuré a son paquet de désolations. La faute n’est pas systématiquement à l’usager. La mauvaise humeur de l’agent en est pour partie, la vitre de séparation en est pour beaucoup. L’obligation de se plier presque à genoux pour pouvoir écouter l’agent à travers une petite ouverture conçue pour faire glisser un dossier peu épais ne facilite pas le contact et détruit la dignité.

Le mépris vis-à-vis des assurés
Au Centre Cnam de Sfax Nord (Rte de Teniour), on ne peut pas s’empêcher d’observer le mépris avec lequel les assurés sont traités. A chaque visite des lieux, on remarque à quel point les agents du centre ne sont pas formés pour recevoir des êtres humains (qui cotisent pourtant pour recevoir normalement un bon service). Je vous épargne le récit de douloureux incidents indignes de notre administration. Couvrant ses subordonnés en toute partialité, l’actuel chef du Centre ne prend pas la peine d’écouter la critique pour faire améliorer la qualité de ses services. Tel chef, tels subordonnés disaient les sages.  
Par amour du pays, pour l’intérêt général et par respect de la dignité de l’être humain, ne laissons pas la médiocrité s’installer dans l’un des plus précieux de nos services publics.  
Monsieur le Pdg, en acceptant votre nomination à la tête de la Cnam, vous vous êtes engagé à servir les Tunisiens avec droiture et dévouement. Alors, tranchez maintenant !

* Docteur en droit public, maître-assistant à la faculté de droit de Sfax.