Rachid Merdassi écrit – Nos élites, médias et partis politique, qui ont confisqué la révolution des jeunes et des régions, n’ont pas droit à l’erreur et aux calculs politiciens égoïstes.


Quelle ironie du sort que les révolutions à travers l’histoire soient souvent l’œuvre  de gens du peuple avant qu’elles ne leur soient confisquées par des élites plus opportunistes que nationalistes au nom de la légitimité intellectuelle et idéologique et dont l’empressement a vite effacé totalement le rôle de l’action de ces héros de la première heure met à nu leur supercherie et desseins perfides.

 

Les héros sont-ils fatigués ?
Cette logique dialectique implacable trouve hélas, encore une fois, son entière expression dans la révolution tunisienne, et nos véritables héros d’hier se sont effacés au profit de nouveaux héros à l’idéologie aux antipodes des vrais préoccupations du peuple, de son histoire et de ses aspirations légitimes et qui, hier encore, ne s’imaginaient pas propulsés aux devants de la scène de l’histoire même dans leurs rêves les plus fous.
Où sont passés ces héros de Sidi Bouzid, d’Erregueb, de Kasserine, de Thala... et bien d’autres plus anonymes du web, au verbe enflammé, à l’éloquence parfaite et aux revendications si pertinentes qu’ils ont forcé l’admiration du monde entier et devenus sans le vouloir les fers de lance et précurseurs d’un phénomène que l’histoire retiendra à jamais?
Par quel miracle a-t-on confiné à l’oubli ces hommes et femmes à l’origine modeste mais au sens du sacrifice et bravoure inégales qui nous ont tenu des jours durant en haleine, accrochés à nos écrans, et qui étaient hier encore les héros d’un feuilleton de téléréalité repris en boucle par les télévisions du monde entier?
Le peu d’empressement des Tunisiens à s’enregistrer en vue du vote prochain de l’Assemblée constituante n’est peut-être qu’un signe précurseur, un pressentiment  à cette inquiétude qui doit tarauder plus d’un patriote et nos medias, par leur complaisance et espièglerie, assumeront  une grande part dans le scenario en cours d’écriture pour l’avenir de notre pays.
Aujourd’hui une véritable boite de Pandore s’est ouverte et qui ne risquerait pas de se refermer de sitôt et où la surenchère idéologique est en passe de prendre le dessus sur les principes fondateurs et intangibles qui ont toujours défini le caractère et personnalité du Tunisien à travers ses 3000 ans d’histoire.
Au nom de la religion et de la langue, on veut transposer en Tunisie des mœurs idéologiques et des modes de vie venant de contrées lointaines par la géographie et par le mode de pensée, qui n’utilisent ce fonds de commerce que dans le seul dessein d’assurer la survie de leurs régimes et privilèges et de pervertir notre révolution qu’ils ont cherché à étouffer dans l’œuf  par tous les moyens, ne sachant pas qu’ils ne tarderont pas à être rattrapés, très bientôt, par la déferlante de l’histoire.

La dérive du chantage islamiste
Comment la Tunisie d’Elyssa, de Hannibal, de Jugurtha, de Septime Severe, de Saint Augustin, d’Ibn Khaldoun, d’Ibn Sina et autres pères fondateurs et ancêtres illustres, cette Tunisie, centre des lumières et du savoir au moyen-âge avec ses universités de Kairouan et Ezzitouna et à l’avant-garde des courants réformistes modernes et de l’émancipation de la femme a-t-elle pu glisser vers un extrémisme religieux qui n’a pas sa raison d’être et qui est en train de se propager face à l’indifférence voire la démission de la société?
Notre démocratie naissante s’accommoderait-elle d’une telle dérive indépendante de notre volonté et qu’on cherche à imposer non seulement à la Tunisie mais à tous les pays du Maghreb par l’entremise du chantage islamiste?
Faisant une bonne et lucide lecture de l’histoire, le général de Gaulle a compris que l’indépendance des pays du Maghreb était imparable car disait-il on ne peut pas assujettir un peuple qui a une grande histoire derrière lui et héritier d’une grande civilisation et nous aussi on dit que la Tunisie ne se soumettra jamais aux idéologies importées et extrémistes quelle quelles soient.
Notre immunité, nous l’avons acquise de haute lutte et par la force morale, intellectuelle et héritage génétique à travers les siècles qui ont constitué notre spécificité et notre singularité loin de tout chauvinisme ou nationalisme.
Nos élites, médias et partis politiques n’ont pas droit à l’erreur et aux calculs politiciens égoïstes. Ils ont un rendez-vous avec l’histoire à ne pas manquer s’ils ne veulent pas avoir sur la conscience l’échec d’une espérance portée par tout un peuple qui ne le leur pardonnera  jamais.