Jamel Dridi écrit – La Tunisie a joué un rôle important dans le succès de la révolution libyenne. Mais pourquoi est-elle absente conférences internationales sur l’avenir de la Libye? Que fait notre diplomatie?

La Tunisie a activement soutenu la révolution libyenne par le comportement exemplaire de sa population mais aussi par les actions mises en place par les autorités pour accueillir et gérer au mieux les milliers de réfugiés libyens. De l’avis unanime (organisations internationales, le Conseil national  de transition libyen, les Libyens eux-mêmes), cet accueil fut positif.

Un acteur de premier plan
On peut dire avec certitude que si les Tunisiens avaient décidé de ne pas accueillir les Libyens (et cela aurait été compréhensible vu la situation intérieure tunisienne déjà pas simple), il y aurait eu une catastrophe humanitaire qui aurait rendu plus difficile voire empêcher que l’Otan ait une campagne militaire aussi longue. Des voix de partout dans le monde se seraient élevées pour souligner cela et demander que la campagne militaire s’arrête.
On peut donc dire que la Tunisie a joué son rôle dans cette action en enlevant une certaine pression sur l’Otan pour qu’elle atteigne ses objectifs. La Grande Bretagne et la France doivent le reconnaître.
Si la Tunisie a été par son action un acteur de premier plan, on peut aujourd’hui s’étonner qu’elle ne prenne pas part aux différentes réunions et conférences internationales sur l’avenir de la Libye. Effectivement, la question mérite d’être posée. Pourquoi la Tunisie, n’est-elle pas plus impliquée dans les questions sur la reconstruction de la Libye. Car ne nous voilons pas la face, le but de ces rencontres regroupant les Etats-Unis, la France, la Grande Bretagne, la Turquie, le Qatar n’ont pas d’autres but que d’évoquer des aspects commerciaux et les futurs marchés que vont se partager les grandes entreprises de ces pays.
Il faut bien comprendre que la question est essentielle pour notre pays. Au moment où la question du chômage est dans tous les esprits et où l’on se demande comment développer le sud et les régions intérieures, le pays frère et voisin va avoir des besoins énormes dans les semaines et mois qui viennent. Il serait trop long d’expliquer ici ses besoins mais l’on peut en dire que des centaines de milliers d’emplois vont être créés. Les zones frontalières avec la Libye pourraient connaître un boom économique très rapide et résorber un chômage important. Juste sur l’aspect médical, on peut estimer que des milliers d’emplois peuvent être créés dans le sud de la Tunisie pour gérer les conséquences du conflit libyen (soins médicaux, rééducation…) Mais il y a aussi des domaines comme la construction, l’éducation, les télécommunications qui vont se développer et générer d’énormes opportunités dont pourraient profiter les entreprises tunisiennes et donc les demandeurs d’emplois tunisiens.

La diplomatie tunisienne doit donner de la voix
Pour toutes ces raisons, notre diplomatie qui comporte de bons éléments doit être plus audacieuse et forcer sa participation à ces réunions internationales.
Nous avons joué un rôle reconnu par tous, nous devons de ce fait ne pas être mis de côté dans les questions liées à la reconstruction libyenne.
Notre absence à ces réunions risque de nous coûter des milliers d’emplois qui profiteront à d’autres. Par ailleurs, comme en Europe ou aux Etats Unis, notre diplomatie doit travailler main dans la main avec les chefs d’entreprise tunisiens pour leur permettre d’accéder aux opportunités commerciales. Il est inutile de rappeler ici que lorsqu’un chef d’Etat occidental se déplace dans un autre pays, il est accompagné parfois d’une vingtaine de chefs d’entreprise!
La diplomatie tunisienne est efficace. Elle doit maintenant donner de la voix et défendre ses intérêts. Au moment où l’on se pose des questions sur comment résorber le chômage qui fut un facteur déclencheur important de la révolution tunisienne, nos diplomates, qui sont les premiers ambassadeurs commerciaux de notre pays, peuvent contribuer à aider au traitement de cette question. Ils peuvent aussi profiter de cette occasion pour donner une plus grande visibilité de notre pays sur la scène internationale.