Rym Ben Zid écrit – Le débat sur l’identité gagnerait à se recentrer sur le territoire national : estime de soi, connaissance, reconnaissance et appropriation du modèle culturel et social tunisien, dans sa diversité.
La révolution a eu le bénéfice de mettre en débat sur la place publique de grandes questions de société, occultées pendant des décennies et façonnées au gré de l’évolution de la situation politique intérieure et du contexte international. Et parmi elle, l’identité du peuple tunisien, millénaire, comme chacun le sait.
Le débat houleux qui a eu lieu, il y a quelques semaines, entre Abdelfattah Mourou et Mohamed Talbi était intéressant à plus d’un titre, et contrairement à ce qu’il y paraît, ne portait pas sur une conception différente de l’islam des deux protagonistes mais, bel et bien, sur l’identité tunisienne.
Quête de soi, crise de valeurs et mimétisme
L’identité est dynamique et évolutive et soumise de manière continue à différentes influences. Elle est multiple et composée de plusieurs dimensions, dont la religion et la langue sont les plus apparentes. Il est, de ce fait, difficile de la figer et de l’enfermer dans un concept ou deux. Même notre identité religieuse est complexe et ne saurait être réduite à une obédience ou une doctrine religieuse unique. Il existe en Tunisie des doctrines de l’islam variées autres que le malékisme telles que le hanafisme (doctrine modérée, progressiste, basée sur la maîtrise de soi, l’innovation, le confinement de la religion au domaine du privé et reconnaissant le travail comme valeur suprême), le kharijisme…
Il existe bel et bien dans notre pays une crise de valeurs et les Tunisiens semblent être en mal de repères. Ces derniers, objectifs, sont inculqués dès le plus jeune âge par le système éducatif qui prend le relais sur l’environnement familial et constituent le fondement du système politique national et les bases du contrat social. Ces repères ont tout à voir avec l’intégrité, l’honnêteté, le respect de la parole donnée et le respect des autres au niveau individuel et à un niveau plus élevé, la bonne gouvernance, la transparence, l’équité et la justice.
Se recentrer sur le territoire national
Broyés par le totalitarisme et l’arbitraire, nombre de Tunisiens se sont raccrochés à la religion comme seule source de repères et de valeurs. Ils définissent, également, leur identité en réaction à des évènements survenus à des milliers de kilomètres, qui ne concernent la Tunisie que de manière indirecte, alors qu’ils devraient puiser des éléments identitaires et des repères dans le patrimoine tunisien. Les Tunisiens ont tendance à donner plus de crédit aux modèles culturels et sociaux importés de l’Orient ou d’Occident qu’à leur propre modèle.
Tous les efforts des différents acteurs (intellectuels, décideurs, développeurs…) devraient converger pour aider la société tunisienne à se recentrer sur son territoire national. Ce recentrage passe par l’estime de soi au niveau individuel, la connaissance, la reconnaissance et l’appropriation du modèle culturel et social tunisien, dans sa diversité, comme étant un modèle viable et à développer.
Pour ce faire, il est indispensable que l’histoire proche et lointaine de la Tunisie soit réécrite de manière scientifique, objective et critique et s’inscrive dans les programmes scolaires, en donnant à chacune des périodes (berbère, punique, romaine, grecque, espagnole, arabe, turque, française) l’attention et la place qui lui revient.
Il convient, non seulement de reconstituer les histoires politique, économique et sociale mais également, de se pencher sur l’histoire des religions dans notre pays, riche du fait de la coexistence de plusieurs communautés et de successions de grandes vagues d’occupation. On ne peut pas savoir qui on est et où on va si on ne sait pas d’où on vient.