Dr Salem Ben Ammar écrit – La démocratie électorale n’est pas une sinécure pour être laissée entre les mains inexpérimentées en matière de droit électoral.
La carte d’identité nationale (Cin) n’est pas une carte d’électeur ! L’une permet d’identifier l’individu et l’autre lui reconnait son aptitude à accomplir un acte rattaché à sa citoyenneté nationale. En outre, un individu mineur a le droit de détenir une Cin, de même qu’un condamné privé de ses droits d’électeur et d’éligibilité, alors que cette catégorie d’individus est exclue du champ d’attribution de la carte d’électeur. L’une comme l’autre ne sont pas régies par les mêmes mécanismes juridiques.
Matière à abus de droit
Si on veut pousser la logique des apprentis juristes jusqu’au bout, il faut envisager l’installation de bureaux de vote au sein des prisons tunisiennes, de même que dans les asiles psychiatriques lourds, et faire voter ainsi tous ceux que la médecine judiciaire a reconnu irresponsables pénalement. Ce sera une première mondiale !
C’est vraiment guignolesque, aberrant et inepte juridiquement. Le ridicule ne tue pas mais il est pathétique. L’incompétence et le népotisme sont bien le propre des peuples immatures et des apprentis sorciers. Un tel choix n’a aucun fondement légal sérieux, consternant, incohérent et en violation de la loi électorale tunisienne et de son décret d’application.
L’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) n’a ni le pouvoir de légiférer ni les qualités pour modifier les règles du jeu juridique en cours de route. C’est un simple organisme d’exécution et de contrôle de droit public qui n’a pas le droit d’édicter des règles juridiques de portée générale et subséquemment en contradiction avec ses propres statuts. Et il y a matière à abus de droit dans le cas d’espèce. Avec ça, vous allez pouvoir mobiliser les électeurs ? La carte nationale d’identité ne confère pas à son détenteur la qualité d’électeur ni n’atteste de son aptitude juridique à exercer de plein droit son devoir citoyen.
Un vice de forme
Un électeur avisé peut demander l’annulation pure et simple de ces élections pour vice de forme. Je rappelle à ces experts en herbe en droit électoral que les personnes privées de leurs droits civiques ou ne jouissant pas de leurs facultés de discernement ne peuvent se prévaloir de leur qualité d’électeurs sur simple présentation de la Cin. Comment pouvoir vérifier la qualité d’électeur de plein droit au vu de la Cin ?
Avoir fait autant de vagues et engagé autant de frais pour accoucher d’une bêtise digne du Guinness des Records, je ne peux que m’inquiéter de l’avenir politique de la Tunisie. Il est évident qu’autant d’amateurisme, d’atermoiements et de voltes faces ne peut que contribuer à instaurer un climat de défiance exacerbé à l’égard de la chose politique.