Sami Dachraoui écrit – Pour les Arabes et Musulmans, l’attentat de New-York a débouché sur une croisade du bien contre le mal, justifiant le maintien des dictateurs au pouvoir.


Manifestations et commémorations tous azimuts en souvenir des attentats du 11 Septembre 2001. Images en boucle des tours jumelles embrasées, rediffusions des mêmes documentaires sensationnalistes, émissions TV avec les mêmes Fast thinkers qui viennent y diffuser leur vision d’un monde bipolaire et manichéen : rien ne nous sera décidément épargné comme chaque année à cette date.

Je me rappelle du désormais célèbre éditorial signé par Jean-Marie Colombani et publié dans l’édition du 13 septembre 2001 du journal ‘‘Le Monde’’ sous le titre : «Nous sommes tous Américains» !

La croisade du cow-boy texan

L’auteur y décrétait en gros que le monde ne serait désormais plus le même et que cette tragédie «impensable» annonçait le siècle nouveau. Oui, mais lequel ?

Il y dénonçait certes la barbarie intégriste mais ne mesurait sûrement pas l’irresponsabilité de son expression, appelant indirectement en même temps à faire chorus avec un président catastrophique et illuminé (G. W. Bush).

Le cow-boy texan allait ainsi s’en donner à cœur joie et saisir le prétexte de la menace terroriste pour envahir et détruire l’Irak, embraser tout le Moyen-Orient et permettre à Israël de perpétrer en toute impunité les massacres en terre occupée, à Jenine, Gaza...

Bush Jr pouvait désormais lancer «sa guerre» sainte contre un Orient qu’il méprise, se faisant passer du même coup pour un héros tragique et vengeur.
Poutine pouvait de même terminer le sale boulot en Tchétchénie, et Sharon puis Barak, plus arrogants que jamais, conforter les extrémistes sionistes dans leur vision d'Eretz Israël. Partout dans le monde, les musulmans sont pointés du doigt comme des monstres fanatiques et programmés pour terroriser le monde moderne.

L’amalgame est dangereusement établi dans les esprits entre islam et intégrisme, arabes et musulmans. Une nouvelle croisade universelle du bien contre le mal est lancée, justifiant en même temps le maintien des dictateurs arabes au pouvoir car censés écarter la menace intégriste chez eux, faisant fi ainsi des droits les plus élémentaires de leurs citoyens et leurs aspirations à la démocratie, la justice et la liberté, valeurs pourtant clamées et portées en étendards par les dirigeants occidentaux.
Quelle réussite !

Nous ne sommes pas tous Américains

Dix ans après, c’est un monde désormais divisé en deux que les bâtisseurs de ce nouveau siècle ont imposé : les bons du côté occidental, épris de démocratie, et les méchants du côté oriental, barbares ataviques et incapables de dominer leurs penchants séculaires pour la violence et le terrorisme. Ce n’est plus la guerre froide, mais bel et bien une guerre enflammée et destructrice. L’Amérique à décidément besoin d'un ennemi pour asseoir son hégémonie, et il est tout trouvé encore une fois.

Dix ans après, notre réponse à est toutefois cinglante : eh bien non, nous ne sommes pas tous Américains, M. Colombani !

Nous sommes seulement des peuples épris de liberté, de démocratie et de justice. Tout comme vous. Et les méchants ont aujourd’hui renversé leurs tyrans, dictateurs et marionnettes téléguidées. Ils ont fait leurs révolutions et brisé leurs chaines, dans une lame de fond qui n’est pas près d’être arrêtée, et qui risque bien de chambouler ce nouveau siècle, mais peut-être pas dans le sens imaginé.