Abderrazak Lejri Le débat politique est faussé par le déficit de morale de certains partis, animés de motivations électoralistes étriquées, opportunistes et mercantiles.


 

Les partis Upl, Pdp et d’autres n’ont pas obtempéré à l’interdiction de publicité dictée par l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie) instaurée à partir du 12 septembre et font toujours la sourde oreille aux appels à publier leurs comptes ou tout au moins à décliner leurs sources de financement, tant l’étalage d’énormes moyens est ostentatoire et suspect.

Des arguments fallacieux et des motivations électoralistes

L’argument fallacieux d’absence de justification légale à la décision de l’Isie ne convainc personne et à supposer que ces partis estiment ne pas être au-dessus de la loi, ils n’en sont pas moins en-dehors du consensus national accepté par tous.

Le second argument de nécessité de compléter la présentation de leurs programmes aux citoyens ne tient pas non plus, car dans le cas d’espèce, ce n’est pas l’objet des élections du 23 octobre, le vote étant destiné à choisir essentiellement les personnes estimées par les électeurs les plus probes et les plus dignes de les représenter dans la période transitoire de rédaction de la nouvelle constitution et d’organisation des élections législative et présidentielle.

Or avec l’agissement de leurs responsables, ces partis ont dévoilé davantage leurs motivations électoralistes, étriquées, opportunistes et mercantiles. Ils ont fait fi du respect de la morale et de la chose publique, et éclairé, ce faisant, les citoyens – qui ne l’étaient pas déjà – sur ce dont ils sont capables et ce bien avant qu’ils soient investis d’un quelconque pouvoir.

Ce n’est pas un hasard que ce soient les mêmes partis dont les leaders sont dévorés par une ambition démesurée d’accéder au pouvoir, qui ont fait montre d’un ego qu’ils ont du mal à dissimuler et qui ont déployé de grands moyens qu’ils ont toujours esquivé de justifier, ayant démissionné avec d’autres de la haute instance Ben Achour dès lors que la nécessité de transparence du financement des partis a été mise sur le tapis.

Référendum et craintes de dérive de la Constituante

Quand Kasbah 2 a arraché l’engagement du gouvernement provisoire pour la nécessaire refondation d’une deuxième république par l’appel aux élections d’une Constituante, les Tunisiens étaient loin d’imaginer qu’il fallait intégrer le comment faire par le positionnement notamment de la problématique de la durée au quoi faire (prérogatives et attributs de cette assemblée provisoire).

D’ailleurs, on n’imagine toujours pas comment les 217 personnes élues à la Constituante vont s’y prendre à 434 mains pour rédiger un texte consensuel fédérant sur la forme et le fond l’ensemble des points de vue sur la vision de la république de demain.

Les craintes exprimées par beaucoup de citoyens de donner un chèque en blanc à une assemblée (même élue, qui va concentrer provisoirement les trois pouvoirs) sont motivées par l’expérience du passé, l’image négative associée aux politiques en général et aux opportunistes de tout bord révélés après la révolution, la duplicité du discours de certaines formations politiques et le soupçon légitime d’existence de forces occultes qui sont à la manœuvre pour remplacer une dictature par une autre notamment théocratique.

Il n’y a qu’à rapprocher les agissements de Ben Ali qui nous a roulés dans la farine pendant les 21 ans de pouvoir sur les 23 par rapport aux engagements de la déclaration du 7-Novembre et la période de grâce des deux premières années de son règne.

Même si techniquement le référendum (que certains ont même eu le culot de qualifier d’antidémocratique) sur les 3 ou 4 questions essentielles est jouable concomitamment avec les élections du 23 octobre, on peut comprendre ses détracteurs qui estiment que cela perturbe l’agenda politique – les Tunisiens ayant eu du mal à assimiler la problématique de la Constituante – sauf ceux qui ont des arrière-pensées, et qui comme d’habitude se sont dévoilés (ils sont toujours les mêmes).

Un Bardo 1 à la place d’un Kasbah 4

Le débat pour ou contre le référendum est instructif et formateur pour le citoyen quelle que soit la disposition prise in fine et ne constitue en soi ni une déviation ni un chahut inutile.

Sur la durée – sauf à vouloir s’incruster – les membres de la Constituante élue seront capables de débattre et rédiger la constitution en moins de 6 mois et d’appeler aux élections législative et présidentielle dans le semestre suivant.

Sans verser dans l’angélisme et en considérant la bonne foi de chacun ou a contrario dans le scepticisme et le doute, on peut accorder aux membres élus de la Constituante un préjugé favorable d’autant plus que près de 50% des listes sont constituées de membres de la société civile qui à part quelques opportunistes- sont mus par une volonté sincère de servir la nation.

Reste que la vigilance ne doit jamais être relâchée, car il sera toujours temps (comme l’ont fait les Egyptiens en rappelant aux militaires leurs engagements non tenus de passer le pouvoir aux civils après 6 mois) de provoquer en lieu et place d’une Kasbah 4 (la 3 ayant échoué) un Bardo 1 (la Constituante devant siéger au palais du Bardo en attendant le parlement issu des législatives).

* Membre de la Ligue tunisienne pour la citoyenneté, Pdg du Groupement Informatique.

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