Karim Jaffel écrit – Nous sommes dans un monde où les convictions profondes sur le bien et le mal se mesurent par le comportement avec autrui, beaucoup plus que… par un vêtement.

Nous sommes en Tunisie. Depuis le 14 janvier, chacun a le droit à la liberté. Liberté de s’exprimer, liberté de se déplacer, liberté d’entreprendre... bref un droit, mais aussi une quête qui a du mal à s’articuler dans nos traditions de vie.

 

Qu’en est-il de la liberté de s’habiller ?

Depuis la révolution, il est clair que le paysage citadin de la Tunisie s’est modifié. Et le sujet le plus évoqué est celui du hijab et de la burqa. Une mode fashion qui ne figure ni dans les books de styles féminins, ni parmi les traditions d’habillement tunisien.

Pour ou contre la burqa ?

Cependant, la burqa est un sujet de polémique. Se dire pour ou contre celle qui en porte n’est plus de droit. D’ailleurs, à trop en parler, je crains qu’un amalgame soit fait avec la femme. Et là je tiens à dire que la femme tunisienne n’est l’instrument de personne... et encore moins celle d’un média, d’un parti ou d’une idéologie.

En parlant de cette mode importée, je vois aussi une communication bien huilée pour renflouer des discours sur la religion et sur l’identité. Beaucoup d’articles et de vidéos sont publiés sur les réseaux sociaux et attaquent implicitement l’islam en faisant tergiverser plus d’un sur ses valeurs et sur ses vérités !

A mon avis, la Tunisie est un pays fondamentalement ouvert dans son choix de société et par son code de statut personnel. Toutefois, il est important de remarquer que l’ouverture touristique de nos frontières sur l’Occident comme sur l’Orient a pour conséquence de trouver dans notre paysage citadin des femmes voilées ou dénudées sans que nous puissions en saisir, à vue d’œil, la nationalité.

Interdire ou approuver un vêtement n’est pas la question ; mais il est important de faire la part des choses et d’adopter une logique de liberté et un vrai code de société. Si flâner dans la rue ou se baigner fait partie des libertés de se déplacer, il faut aussi se dire qu’à tort ou à raison, qu’aux lieux et aux circonstances, un code est généralement admis... dans les services publics comme à la plage, à la mosquée comme à l’université.

En dehors du périmètre des points de contrôle d’identité réglementé (voiture, grande surface, banque, école...), il serait, à mon avis, vain de légiférer sur cette question si au préalable les règles de respect et de droit à la liberté n’ont pas été mûrement admises.

Encore une parenthèse à ce sujet. Il est aussi à remarquer que le port du voile intégral est inscrit dans un hadith, comme beaucoup le disent. Je peux aussi comprendre qu’au temps du prophète, les femmes en portaient probablement pour certaines raisons : la tête couverte pour se protéger du soleil et de la poussière, et pour le vêtement long et sombre, pour une question de discrétion à défaut d’avoir en ce temps de la ouate absorbante lors des menstruations !?

Toutefois, ce ne sont là que des suppositions et, d’ailleurs, cette habitude de se couvrir la tête et de s’habiller par un vêtement long et large s’est prolongée au temps médiéval avec d’autres croyances.

L’extrême appelle l’extrême

Pour revenir à la question du vêtement, le port de la burqa correspond pour certains à un comportement extrême. Et l’extrême appelant l’extrême, personnellement je vois aussi de l’extrême dans le port de certaines tenues «osées».

Au final, si la liberté recherchée se fait dans le respect de l'autre, l’extrême de l’habillé, comme pour l'extrême du dénudé, n’est à mon sens qu’un signe de provocation, sans aucune relation avec les croyances de chacun et qui se confronte à la grande majorité des citoyens, qui ne sont d’ailleurs ni partisans de burqa, ni de fente en culotte décolletée.

En 2011, nous sommes dans un monde où les convictions profondes sur le bien et le mal se mesurent par le comportement avec autrui, beaucoup plus que par un vêtement. Et je pense que pour des questions de respect et de dignité, et à l’instar des films de télé, le religieux resté bloqué au Xème siècle, nous montrant une foi accompagnée de turbans, de chevaux, de sabres et d’épées, doit se débloquer et que le contemporain nous montrant des scènes nourries de haine, de violence et de libertinage, doit se montrer plus réservé.

Et libre à chacun de penser !