Rachid Merdassi écrit de Londres – Ensemble, la Tunisie et la Libye pourront faire face aux défis et visées hégémoniques de proximité et d’ailleurs et combler leur handicap démographique.
Avant d’écrire cet article et n’étant ni un analyste politique ni un expert de la géostratégie, je me suis posé cette simple question qui doit tarauder l’esprit de plus d’un membre de la société civile : un simple citoyen peut-il exprimer son avis sur des questions qui engagent sa destinée et peser dans les décisions qui concernent le devenir de son pays avec autant de force que les partis politiques et centres décisionnels ?
Grâce à la révolution, le concept de démocratie participative, développé dans le contexte d’une interrogation croissante sur les limites de la démocratie représentative, est en train de prendre toute sa signification en Tunisie par le dynamisme de la société civile et son combat méritoire pour démocratiser la démocratie et redonner ce droit de parole longtemps spolié au simple citoyen que je suis.
Guerre larvée de positionnement
La révolution tunisienne a été d’une telle ampleur qu’elle s’est propagée comme un feu de paille consumant tout sur son passage et rendant obsolètes ces doctrines qui dépeçaient, sans cesse, le monde arabe pour le façonner au gré des convoitises des superpuissances et leurs velléités hégémoniques et expansionnistes, représentées par leurs bras économiques que sont les multinationales et les lobbies de tout poil.
La valse incessante de visites officielles (et non officielles) et de guerre larvée de positionnement entre la Turquie, la France, la Grande-Bretagne et bien d’autres puissances plus occultes et plus sournoises, ne présage rien de bon pour la région et se fait au grand dam d’une Ligue arabe en sursis et d'une Union du Maghreb arabe, mort-née et enterrée depuis bien longtemps.
Le printemps arabe ayant balayé le concept de nouveau Moyen-Orient, rêve d’Israël et plan des Etats Unis, une nouvelle carte géopolitique est en train de se mettre en place à nos dépens avec de nouveaux acteurs, de nouveaux rapports de forces et un enjeu de taille représenté par toute la partie méridionale de la Méditerranée eu égard à son grand intérêt économique, stratégique et politique ; où notre pays, à l’origine de ce tsunami émancipateur, se retrouve, ironie du destin, dans l’œil du cyclone avec toutes les incertitudes, risques et périls qui guettent aussi bien à l’intérieur qu’à nos frontières.
Sur le front intérieur et bien que les Tunisiens poursuivent cahin-caha leur marche obstinée avec lucidité et détermination vers l’instauration d’un modèle démocratique spécifique et à l’image de leur vieille civilisation millénaire, les forces de la réaction et de l’obscurantisme continueront sans répit, leur travail de sape pour faire échouer cette avancée inéluctable de l’histoire.
Les incertitudes du voisinage
En même temps un autre destin, plus dramatique et indépendant de notre volonté, est en cours de s’articuler et de prendre forme à nos frontières et autour de nous, avec son lot de dangers et d’incertitudes. Il risquerait de peser longtemps sur notre devenir et fragiliser notre démocratie. Seuls un front intérieur soudé, une vigilance et conduite à toute épreuve et une intelligence politique qui n’ont jamais fait défaut aux Tunisiens seront capables de nous faire traverser la tourmente sans trop de dégâts.
Notre région ne sera plus la même car la révolution tunisienne, sans l’avoir prémédité, a irrémédiablement modifié toute la donne géostratégique régionale en sonnant le glas de ce rêve faustien qu’était l’Uma à laquelle est en train de se substituer un nouvel ordre régional. Son épicentre se trouvera désormais en Méditerranée orientale avec comme protagonistes la Turquie, l’Egypte où les Frères musulmans sont à deux doigts du pouvoir et à moyen terme l’Iran avec un basculement au profit de l’aile modérée. Cet ensemble qui pèsera sur l’avenir de toute notre région par la démographie, l’économie et l’idéologie et qui se voudra le chantre d’un modèle de gouvernance islamique «soft», sera perçu par les Occidentaux et Israël comme étant un moindre mal, un rempart face à la montée en puissance des groupes salafistes combattants et leurs affidés qui gagnent en puissance et essaiment de l’Atlantique à la mer Rouge, constituant ainsi une menace de déstabilisation sérieuse, non seulement pour tous les pays de cette zone, mais aussi pour le monde entier.
Dans le conflit libyen, la Djamaa Salafyia Moukatila Allibiya, qui a combattu en Afghanistan et dans les rangs d’Al Qaida au Maghreb et qui se trouve à l’avant-garde de la rébellion libyenne, a certainement permis d’une manière ou d’une autre aux groupes salafistes de s’approvisionner en armes et munitions de toutes sortes. Surtout, elle fait planer des incertitudes sur les orientations politiques futures de la Libye post-Kadhafi même si une de ses figures de proue, Abdelhakim Belhaj, homme fort de Tripoli, multiplie les signes d’ouverture et de modération.
Il ne serait pas étonnant de voir à l’avenir ces groupes, instrumentalisés par Kadhafi, ses fils et leurs hommes dans leur quête de reconquête désespérée du pouvoir, eu égard aux gros moyens financiers et alliances dont ils disposent auprès des mouvements rebelles au Niger, Tchad et Soudan.
Ce scénario encore virtuel est d’autant plus plausible que le recours prévu à la charia dans la nouvelle constitution libyenne est un signe peu rassurant quant à la future orientation du nouveau pouvoir en Libye.
A notre frontière ouest également, les islamistes algériens reprennent du poil de la bête, dopés par les succès du printemps arabe et attendant leur heure.
L’exception démocratique tunisienne
Que pourra la Tunisie dans ce combat inégal, ce nouveau rapport de force démographique, économique et idéologique où elle se retrouvera d’emblée désavantagée et exposée aux influences ?
Une exception démocratique tunisienne est-elle possible dans un tel contexte ? Est-elle viable ?
Quelle place pour notre pays dans cette nouvelle architecture régionale à plusieurs inconnues ?
A la lumière de ces développements, un axe tuniso-libyen plus politique qu’économique serait-il encore possible ?
Tout dépendra de l’issue du conflit et de la forme du régime qui émergera chez nos frères et voisins et même si la Tunisie et la Libye disposent d’un nombre d’affinités susceptibles de plaider en faveur d’un rapprochement politique, les critères de convergence entre les deux pays sont loin d’être acquis.
Une telle probabilité doit procéder d’une analyse lucide des convergences et divergences entre nos deux pays loin de tout sentimentalisme et démagogie, ceci dans l’hypothèse où un tel projet ait l’aval des Occidentaux et en particulier la France qui dispose de facto d’un territoire militaire entre le Niger et le Tchad à la frontière sud de la Libye et qui a volé au secours de la révolution libyenne par pur opportunisme.
Il est vrai que la Tunisie et la Libye sont les deux pays qui sont les plus proches d’un point de vue culturel, linguistique et ethnique au vu des ramifications tribales et des liens de sang. Toutefois leur histoire récente, postcoloniale et leurs choix politiques et de société, quasi divergents, rendront toute velléité d’intégration improbable dans l’immédiat même si cet objectif stratégique sera, à mon sens, inéluctable quelle que soit la forme qu’il prendra, au vu des défis et dangers qui pèsent sur nos deux pays et particulièrement sur la Libye.
Autant la géographie peut être un avantage, et autant elle peut constituer aussi une malédiction et une fatalité, particulièrement dans le cas de la Libye, un pays désavantagé par la démographie, et objet de toutes les convoitises pour la richesse de son sous-sol.
La Libye partage des frontières avec six pays africains, les uns font partie des pays arabes : l’Egypte à l’est, l’Algérie à l’ouest, la Tunisie au nord-ouest. Les autres appartiennent à l’Afrique noire : le Soudan au sud-est, le Tchad et le Niger au sud. Elle est entourée de pays instables qui rendent sa posture géopolitique peu enviable : le Soudan avec tout ce qu’on sait et que la communauté internationale ne peut régler, le Tchad, pays instable qui a connu plusieurs années de guerre sanglante, l’Egypte et la Tunisie dans une phase de transition politique, et l’Algérie qui n’arrive toujours pas à se remettre de plusieurs années de guerre civile.
Un autre défi auxquels les nouveaux acteurs de la nouvelle Libye doivent faire face réside dans leur capacité à mettre en place une constitution qui garantirait le respect des droits fondamentaux des minorités Amazigh (17%), Touarègue (10%), très actives dans la révolution et l’abolition du système tribal s’ils veulent préserver l’unité nationale du pays et lui éviter une possible décomposition. (Dans un de ses articles parus dans Kapitalis, ‘‘La partition de la Libye serait-elle avantageuse pour la Tunisie?’’ , le colonel Kilani Bennasr n’avait pas eu tout à fait tort d’évoquer une possible partition de la Libye).
D’autre part et alors que la Tunisie, nonobstant le despotisme de ses dirigeants depuis l’indépendance, a opté pour la construction d’un modèle de société ouvert sur la modernité, à travers une série de réformes révolutionnaires : séparation de la religion et de l’Etat, abolition du tribalisme, propagation de l’enseignement, promulgation du Code du statut personnel qui donne aux femmes un statut inouï dans le monde arabo-musulman (interdiction de la polygamie, légalisation du divorce et de l’avortement, etc.)...
Vers une convergence entre la Tunisie et la Libye
L’indépendance à peine acquise en 1951, la Libye n’a eu ni la chance, ni le temps d’engager des réformes similaires car tombée 42 années durant (1969-2011), sous l’emprise d’un despote rétrograde et inculte qui a chassé la dynastie des Senoussi pour y installer la sienne et proposer ses fils pour la relève et qui, comble de la mégalomanie, se voulait théoricien révolutionnaire de la 3e voie universelle avec son ‘‘Livre Vert’’. Il a dilapidé les richesses de son pays sur des rêves chimériques d’unions constamment avortées et des achats massifs d’armes dont le monde a pu mesurer avec écœurement l’ampleur et l’étendue, et qui constitueront pour longtemps un cauchemar et une menace pour la stabilité régionale en particulier.
Ce tableau sombre n’empêchera cependant pas la Libye de renaître de ses cendres et de rattraper le temps perdu plus vite qu’on ne le pense. Elle a les moyens économiques pour se reconstruire et, plus que tout, les moyens humains de l’intérieur et de la diaspora, et ce, à condition de stabiliser et sécuriser le pays et définir des horizons politiques clairs susceptibles de jeter les bases d’une convergence avec la Tunisie et qui passera par la coopération sécuritaire et économique dans l’attente d’une harmonisation des programmes pédagogiques, pierre angulaire de tout rapprochement.
C’est seulement ensemble que la Tunisie et la Libye pourront faire face aux défis et visées hégémoniques de proximité et d’ailleurs et combler leur handicap démographique qui pèsera dans le rapport de force régional futur et dans la nouvelle architecture sécuritaire à laquelle notre pays est devenu, malgré lui, partie prenante et qui doit constituer une préoccupation majeure et une source d’inquiétude pour nos équilibres budgétaires et modèles de développement.
La Tunisie contre vents et marées
Rachid Merdassi écrit de Londres – Ensemble, la Tunisie et la Libye pourront faire face aux défis et visées hégémoniques de proximité et d’ailleurs et combler leur handicap démographique.
Avant d’écrire cet article et n’étant ni un analyste politique ni un expert de la géostratégie, je me suis posé cette simple question qui doit tarauder l’esprit de plus d’un membre de la société civile: un simple citoyen peut-il exprimer son avis sur des questions qui engagent sa destinée et peser dans les décisions qui concernent le devenir de son pays avec autant de force que les partis politiques et centres décisionnels?
Grâce à la révolution, le concept de démocratie participative, développé dans le contexte d’une interrogation croissante sur les limites de la démocratie représentative, est en train de prendre toute sa signification en Tunisie par le dynamisme de la société civile et son combat méritoire pour démocratiser la démocratie et redonner ce droit de parole longtemps spolié au simple citoyen que je suis.
Guerre larvée de positionnement
La révolution tunisienne a été d’une telle ampleur qu’elle s’est propagée comme un feu de paille consumant tout sur son passage et rendant obsolètes ces doctrines qui dépeçaient, sans cesse, le monde arabe pour le façonner au gré des convoitises des superpuissances et leurs velléités hégémoniques et expansionnistes, représentées par leurs bras économiques que sont les multinationales et les lobbies de tout poil.
La valse incessante de visites officielles (et non officielles) et de guerre larvée de positionnement entre la Turquie, la France, la Grande-Bretagne et bien d’autres puissances plus occultes et plus sournoises, ne présage rien de bon pour la région et se fait au grand dam d’une Ligue arabe en sursis et une Union du Maghreb arabe, mort-née et enterrée depuis bien longtemps.
Le printemps arabe ayant balayé le concept de nouveau Moyen-Orient, rêve d’Israël et plan des Etats Unis, une nouvelle carte géopolitique est en train de se mettre en place à nos dépens avec de nouveaux acteurs, de nouveaux rapports de forces et un enjeu de taille représenté par toute la partie méridionale de la Méditerranée eu égard à son grand intérêt économique, stratégique et politique et où notre pays, à l’origine de ce tsunami émancipateur, se retrouve, ironie du destin, dans l’œil du cyclone avec toutes les incertitudes et risques et périls qui guettent aussi bien à l’intérieur qu’à nos frontières.
Sur le front intérieur et bien que les Tunisiens poursuivent cahin-caha leur marche obstinée avec lucidité et détermination vers l’instauration d’un modèle démocratique spécifique et à l’image de leur vieille civilisation millénaire, les forces de la réaction et de l’obscurantisme continueront sans répit, leur travail de sape pour faire échouer cette avancée inéluctable de l’histoire.
Les incertitudes du voisinage
En même temps un autre destin, plus dramatique et indépendant de notre volonté, est en cours de s’articuler et de prendre forme à nos frontières et autour de nous, avec son lot de dangers et d’incertitudes et qui risquerait de peser longtemps sur notre devenir et fragiliser notre démocratie. Seuls un front intérieur soudé, une vigilance et conduite à toute épreuve et une intelligence politique qui n’a jamais fait défaut aux Tunisiens seront capables de nous faire traverser la tourmente sans trop de dégâts.
Notre région ne sera plus la même car la révolution tunisienne, sans l’avoir prémédité, a irrémédiablement modifié toute la donne géostratégique régionale en sonnant le glas de ce rêve faustien qu’était l’Uma à laquelle est en train de se substituer un nouvel ordre régional dont l’épicentre se trouvera désormais en Méditerranée orientale avec comme protagonistes la Turquie, l’Egypte où les Frères musulmans sont à deux doigts du pouvoir et à moyen terme l’Iran avec un basculement au profit de l’aile modérée, un ensemble qui pèsera sur l’avenir de toute notre région par la démographie, l’économie et l’idéologie et qui se voudra le chantre d’un modèle de gouvernance islamique «soft» qui sera perçu par les Occidentaux et Israël comme étant un moindre mal et rempart face à la montée en puissance des groupes salafistes combattants et leurs affidés qui gagnent en puissance et essaiment de l’Atlantique à la mer Rouge, constituant ainsi une menace de déstabilisation sérieuse, non seulement pour tous les pays de cette zone, mais aussi pour le monde entier.
Le conflit libyen où la Djamaa Salafyia Moukatila Allibiya, qui a combattu en Afghanistan et dans les rangs d’Al Qaida au Maghreb et qui se trouve à l’avant-garde de la rébellion libyenne, a certainement permis d’une manière ou d’une autre aux groupes salafistes de s’approvisionner en armes et munitions de toutes sortes et fait planer des incertitudes sur les orientations politiques futures de la Libye post-Kadhafi même si une de ses figures de proue, Abdelhakim Belhaj, homme fort de Tripoli, multiplie les signes d’ouverture et de modération.
Il ne serait pas étonnant de voir, à l’avenir, ces groupes instrumentalisés par Kadhafi, ses fils et leurs hommes dans leur quête de reconquête désespérée du pouvoir eu égard aux gros moyens financiers et alliances dont ils disposent auprès des mouvements rebelles au Niger, Tchad et Soudan.
Ce scénario encore virtuel est d’autant plus plausible que le recours prévu à la charia dans la nouvelle constitution libyenne est un signe peu rassurant quant à la future orientation du nouveau pouvoir en Libye.
A notre frontière ouest également, les islamistes algériens reprennent du poil de la bête, dopés par les succès du printemps arabe et attendant leur heure.
L’exception démocratique tunisienne
Que pourra la Tunisie dans ce combat inégal, ce nouveau rapport de force démographique, économique et idéologique où elle se retrouvera d’emblée désavantagée et exposée aux influences?
Une exception démocratique tunisienne est-elle possible dans un tel contexte? Est-elle viable?
Quelle place pour notre pays dans cette nouvelle architecture régionale à plusieurs inconnues?
A la lumière de ces développements, un axe tuniso-libyen plus politique qu’économique serait-il encore possible?
Tout dépendra de l’issue du conflit et de la forme du régime qui émergera chez nos frères et voisins et même si la Tunisie et la Libye disposent d’un nombre d’affinités susceptibles de plaider en faveur d’un rapprochement politique, les critères de convergence entre les deux pays sont loin d’être acquis.
Une telle probabilité doit procéder d’une analyse lucide des convergences et divergences entre nos deux pays loin de tout sentimentalisme et démagogie, ceci dans l’hypothèse ou un tel projet ait l’aval des Occidentaux et en particulier la France qui dispose de facto d’un territoire militaire entre le Niger et le Tchad à la frontière sud de la Libye et qui a volé au secours de la révolution libyenne par pur opportunisme.
Il est vrai que la Tunisie et la Libye sont les deux pays qui sont les plus proches d’un point de vue culturel, linguistique et ethnique au vu des ramifications tribales et des liens de sang, toutefois leur histoire récente, postcoloniale et leurs choix politiques et de société, quasi divergents, rendra toute velléité d’intégration improbable dans l’immédiat même si cet objectif stratégique sera a mon sens inéluctable quelle que soit la forme qu’il prendra et au vu des défis et dangers qui pèsent sur nos deux pays et particulièrement sur la Libye.
Autant la géographie peut être un avantage et autant elle peut constituer aussi une malédiction et une fatalité, particulièrement dans le cas de la Libye, un pays désavantagé par la démographie, et objet de toutes les convoitises pour la richesse de son sous sol.
La Libye partage des frontières avec six pays africains, les uns font partie des pays arabes: l’Egypte à l’est, l’Algérie à l’ouest, la Tunisie au nord-ouest. Les autres appartiennent à l’Afrique noire: le Soudan au sud-est, le Tchad et le Niger au sud. Elle est entourée de pays instables qui rendent sa posture géopolitique peu enviable: le Soudan avec tout ce qu’on sait et que la communauté internationale ne peut régler, le Tchad, pays instable qui a connu plusieurs années de guerre sanglante, l’Egypte et la Tunisie dans une phase de transition politique et l’Algérie qui n’arrive toujours pas à se remettre de plusieurs années de guerre civile.
Un autre défi auxquels les nouveaux acteurs de la nouvelle Libye doivent faire face réside dans leur capacité à mettre en place une constitution qui garantirait le respect des droits fondamentaux des minorités Amazigh (17%), Touarègue (10%), très actives dans la révolution et l’abolition du système tribal s’ils veulent préserver l’unité nationale du pays et lui éviter une possible décomposition. (Dans un de ses articles paru dans Kapitalis, ‘‘La partition de la Libye serait-elle avantageuse pour la Tunisie?’’ http://www.kapitalis.com/afkar/68-tribune/5475-la-partition-de-la-libye-serait-elle-avantageuse-pour-la-tunisie.html, le colonel Kilani Bennasr n’avait pas eu tout à fait tort d’évoquer une possible partition de la Libye).
D’autre part et alors que la Tunisie, nonobstant le despotisme de ses dirigeants depuis l’indépendance, a opté pour la construction d’un modèle de société ouvert sur la modernité, à travers une série de réformes révolutionnaires: séparation de la religion et de l’Etat, abolition du tribalisme, propagation de l’enseignement, promulgation du Code du statut personnel qui donne aux femmes un statut inouï dans le monde arabo-musulman : interdiction de la polygamie, légalisation du divorce et de l’avortement, etc.
Vers une convergence entre la Tunisie et la Libye
L’indépendance à peine acquise en 1951, la Libye n’a eu ni la chance, ni le temps d’engager des réformes similaires car tombée 42 années durant (1969-2011), sous l’emprise d’un despote rétrograde et inculte qui a chassé la dynastie des Senoussi pour y installer la sienne et proposer ses fils pour la relève et qui, comble de la mégalomanie, se voulait théoricien révolutionnaire de la 3e voie universelle avec son ‘‘Livre Vert’’. Il a dilapidé les richesses de son pays sur des rêves chimériques d’unions constamment avortées et des achats massifs d’armes dont le monde a pu mesurer avec écœurement l’ampleur et l’étendue et qui constitueront pour longtemps un cauchemar et une menace pour la stabilité régionale en particulier.
Ce tableau sombre n’empêchera cependant pas la Libye de renaître de ses cendres et de rattraper le temps perdu plus vite qu’on n’y pense. Elle a les moyens économiques pour se reconstruire et, plus que tout, les moyens humains de l’intérieur et de la diaspora, et ce, à condition de stabiliser et sécuriser le pays et définir des horizons politiques clairs susceptibles de jeter les bases d’une convergence avec la Tunisie et qui passera par la coopération sécuritaire et économique dans l’attente d’une harmonisation des programmes pédagogiques, pierre angulaire de tout rapprochement.
C’est seulement ensemble que la Tunisie et la Libye pourront faire face aux défis et visées hégémoniques de proximité et d’ailleurs et combler leur handicap démographique qui pèsera dans le rapport de force régional futur et dans la nouvelle architecture sécuritaire à laquelle notre pays est devenu, malgré lui, partie prenante et qui doit constituer une préoccupation majeure et une source d’inquiétude pour nos équilibres budgétaires et modèle de développement.