Hassène Kilani* écrit – Le mouvement soi-disant islamiste n’est pas né d’une quelconque volonté des dirigeants actuels. Il est le fruit des avatars qu’a connus la Tunisie au cours des années soixante-dix.
A cette époque, il y avait deux courants politiques qui émergeaient et qui dérangeaient le Parti socialiste destourien (Psd, parti unique de l’époque) : le Mouvement des patriotes démocrates (Al Watad) et la gauche (qui fut affaiblie par l’interdiction du Parti communiste tunisien et certains de ses dirigeants réduits au silence). Mais les poches de résistance continuaient à militer cahin-caha, alors le gouvernement de Mohamed Mzali (alors Premier ministre) n’a pas trouvé mieux que d’encourager l’arabisation de l’enseignement et de laisser émerger un parti prétendant défendre l’islam. Un journal fut aussi autorisé à paraître en langue arabe pour les besoins de la cause.
Les barbus franchissent le rubicon
Dans le même temps, le journal ‘‘Le Phare’’ qui dérangeait fut acculé à une mort lente et a cessé d’éclairer l’opinion publique. Puis lentement, mais sûrement le nouveau parti sorti du néant [le Mouvement de tendance islamique, Mti, qui deviendra Ennahdha, Ndlr] commençait à bomber le torse. Un bras-de-fer commençait alors entre le géniteur et la progéniture, aboutissant à une démonstration de force qui a secoué le régime en place, d’autant plus que ce même régime a pu écarter le Mouvement des démocrates socialistes (Mds) des élections législatives grâce à des fraudes électorales en 1981. Tahar Belkhodja, alors ministre de l’Intérieur, l’a lui-même reconnu plus tard sur la chaine TV5 monde, en annonçant au président Bourguiba que «son» ministère a «nettoyé» les urnes.
Cela a encouragé les barbus à franchir le rubicon et ils n’ont pas hésité à recourir à la violence. Et la liste de leurs forfaits est longue pour que l’on se permette d’énumérer ici les victimes tunisiennes et étrangères. Le gouvernement, menacé, a essayé d’éradiquer ce danger. Peine perdue. Alors, on a fait venir un ripou qui se la coulait douce en tant qu'ambassadeur à Varsovie.
Et la suite, tout le monde la connaît. Le mécène des Trabelsi va régner 23 ans, en faisant croire à tout le monde qu’il est le bouclier contre l’intégrisme et le garant de la sécurité des citoyens. Il va geler les activités des barbus en les privant de leurs têtes pensantes, en incarcérant certains et en autorisant d’autres à quitter le pays. Le mouvement va alors vivre dans une longue léthargie jusqu’au fameux 14 janvier 2011 où tout a basculé.
Sadiques et masochistes
Le tyran s’est enfui et les dissidents sont rentrés au pays, certains bourrés de fric. Et comme l’argent n’a pas d’odeur, selon l’empereur romain Vespasien, nul ne sait comment certains exilés ont fait pour devenir des nababs. Mais une fois rentrés au pays, ils sont montés sur leurs grands chevaux et comme dit l'adage : chassez le naturel, il revient au galop ! Ils se sont attelés à mieux se faire connaitre en appliquant la politique de la carotte et du bâton. On commence par terroriser les femmes non voilées et en essayant d’acheter la conscience des gens simples par des dons en monnaie sonnante et trébuchante. Même les mosquées ne sont pas épargnées, on distribue aux «fidèles» des exemplaires du Coran et des prospectus vantant les mérites de leurs mandarins. C’est de la propagande charlatanesque. Bref, tous les moyens sont bons pour arriver au pouvoir.
Un poète anglais, John Milton, disait : «Régner est digne d’ambitions ; il vaut mieux régner dans les enfers que de servir dans les cieux». Or ce qui est choquant, c’est l’attitude de la gente féminine dont certaines adhèrent à ces théories utopiques, alors qu’elles seront les premières victimes de ce boomerang. Fini le travail, fini l’école, fini la monogamie, fini les loisirs. Bref, adieu la belle vie ; la femme va désormais vivre entre le lit et le fourneau, jusqu’au jour du tombeau.
Pour conclure, je dirai : «Ces barbus sont des sadiques, alors que leurs adhérentes sont des masochistes».
* Professeur principal.