Chérif Arafoui* écrit – Il ne faut pas se tromper sur les prérogatives de la Constituante que l’on va élire : elle doit rédiger la nouvelle Constitution de la Tunisie, et basta !
Après la révolution mémorable, notre pays a vécu des événements parfois douloureux au cours desquels nous avons parfois frisé le chaos. Mais en bon Tunisiens que nous sommes, l’on est parvenu à éviter le pire.
Et, s’il émerge de temps à autre des actes répréhensibles et vite maîtrisés, il n’en demeure pas moins que la vigilance est de rigueur. A l’approche du 23 octobre, les forces de sécurité du pays, sorties à bon escient de leur cocon, prouvent qu’elles sont toujours à la hauteur. Tant mieux…
Cependant, il est légitime de craindre que le rendez-vous historique avec les élections soit raté et pourrait avoir des conséquences néfastes. Et ce pour plusieurs raisons dont la première est l’abstentionnisme. Une foultitude de partis et de listes indépendantes, une culture politique quasi absente et une approche lamentable de ces élections font que le Tunisien moyen, les jeunes (6% d’inscrits !), la masse rurale ne comprennent rien au processus électoral, ne savent pas pour qui et pour quoi voter et quelles seront les prérogatives de la Constituante.
Des candidats avides de pouvoir
Aussi bien les «grands» partis que ceux minuscules, les listes indépendantes et autres coalitions se sont lancés dans des campagnes de propagande pour des programmes aussi variés que (parfois) ridicules oubliant dans leur euphorie que la Constituante a pour but de rédiger la nouvelle Constitution de la Tunisie et basta !
Ces joutes et combats politiques acharnés auxquels nous assistons à quelques jours des élections prouvent encore aux Tunisiens que «leurs» futurs décideurs sont, comme les prédécesseurs, aussi avides de pouvoir. Et c’est dommage !
Car quand bien même la responsabilité est tentante, l’on n’aurait pas dû ignorer le bon peuple.
Aussi bien les partis, que les organisations syndicales, la société civile, tout le tissu associatif sans oublier le gouvernement, auraient pu, bien avant, lancer des actions de sensibilisation pour expliquer les enjeux politiques qui attendent le citoyen afin de l’inciter à s’impliquer et à savoir choisir.
Si, aujourd’hui, on a occulté les jeunes – ou plutôt on les a sciemment oubliés – et si on leur a subrepticement confisqué leur révolution, il est sûr que demain ils s’ébroueront, comprendront les méandres de la politique et feront entendre de nouveau et avec véhémence leur voix. Et ce n’est pas de bon augure car, mis à l’écart comme eux, les déshérités, les oubliés de l’ancien régime n’ont plus la force ni le courage de digérer les discours actuels.
Maintenir le gouvernement actuel
Il est peut-être encore temps de rectifier le tir et de se rapprocher davantage des jeunes. Leur parler le langage de la raison, leur expliquer que la route de la délivrance est encore longue, que ce n’est pas du jour au lendemain que l’on remettra le pays sur les rails et qu’il nous faut encore beaucoup de patience, de sacrifices, de solidarité et de patriotisme…
Pour perpétuer le climat auquel on est parvenu aujourd’hui, il serait également de bon aloi et même salutaire qu’après le 23 octobre le gouvernement actuel continue de gérer les affaires du pays jusqu’aux prochaines législatives. Il a affronté tous les dossiers, fait face aux innombrables difficultés économiques et sociales, et il est parvenu tant bien que mal à ramener la sécurité dans le pays. Désigner une autre équipe, surtout qu’elle aussi sera provisoire, est une alternative hasardeuse.
A bon entendeur…
* Ancien rédacteur en chef de ‘‘La Presse’’.