Mohamed Sadok Lejri* écrit – Aujourd’hui, grâce à Nessma dans une certaine proportion, nous sommes certains que notre liberté est franchement menacée. Même davantage qu’au temps de Ben Ali.


Messieurs les politicards, je suis indigné à propos de votre attitude vis-à-vis des extrémistes (ou, devrais-je dire, des fanatiques). Votre silence est des plus assourdissants. Sa Majesté Très Musulmane, le barbu, a encore fait des siennes. Et ce n’est qu’un début.

De très jolis slogans à la gloire d’Allah

Les salafistes ont esquissé les grandes lignes de leur projet mortifère. En effet, en voulant transformer nos facultés et instituts de lettres et des sciences humaines en excavations pour fanatiques, cela prouve que nos barbus nourrissent de noirs desseins.

Tout le monde sait que nos illuminés ont, de tout temps, exécré Descartes, Spinoza, Voltaire, Diderot, Marx, Nietzsche, Freud etc., mais aussi le naturaliste britannique «Père» Darwin. Et ce, en dépit du fait qu’ils n’ont jamais lu une seule ligne de ces grands penseurs. Pas un traître mot. De toutes les façons, pour eux, c’est du braille, bien qu’ils soient durs d’oreille. En revanche, dès qu’il s’agit d’ouïr des insanités et des absurdités, ils sont les premiers à tendre l’oreille. Ensuite, ils n’hésitent pas à débiter leurs conneries, pour montrer le bout de l’oreille.

Nos «frères» s’expriment avec élégance. Ils le font avec ferveur par le truchement de très jolis slogans à la gloire d’Allah et à l’honneur de la femme : droit au niqâb, droit à la polygamie (à la bigamie pour les plus modérés)… Et, concomitamment à cela, en dissimulant un long couteau fabriqué chez le forgeron du quartier qui chôme.

En fait, si les salafistes se donnent tant de mal, c’est parce qu’ils nous aiment. En effet, ils veulent nous faire accéder aux deux paradis, celui de l’au-delà et le terrestre. D’ailleurs, ils nous l’ont démontré en prenant d’assaut le quartier réservé de Tunis, le fameux «karti», pour nous empêcher de forniquer. Nos barbus sont adorables, en réalité. Mais où avions-nous la tête ?

Par la foi des barbus

Dimanche dernier (9 octobre), nos «lumières» se sont encore une fois distinguées par leur sagacité et leur clairvoyance, en tentant de persuader le personnel et le directeur de la chaîne Nessma que ‘‘Persepolis’’ a beau être un dessin animé particulièrement accompli, un chef-d’œuvre en son genre, plein de poésie et émouvant ; il n’en demeure pas moins que ce dernier doit être interdit parce qu’un dessinateur a osé représenter l’être suprême en deux coups de crayon. En conséquence, des barbus ont tenté d’assaillir gentiment les locaux de Nessma pour supplicier, euh pardon ! pour convaincre les employés de cette chaîne de télévision privée de leur erreur, en leur procurant un peu de chaleur auprès d’un bon feu, auprès du bûcher.

Sourde à leur bienveillance, la police leur a barré la route et les a empêchés d’arriver à leurs fins. Résultat : émeute et castagne pour tout le monde avec, en guise d’apothéose, la capture de quelques dizaines de «beaux gosses». Le lendemain matin, d’autres gentils barbus accompagnés de quelques vénustés affublées d’une suite empâtée de tissus sont venus assister leurs «frères» et prendre la relève. Aussi, des plaintes ont été déposées auprès de l’autorité judiciaire. Oui monsieur, nos estampillés ne cherchent pas à avoir la haute main sur la justice, ceux sont des légalistes.

Notre liberté est franchement menacée

Bref, aujourd’hui, grâce à Nessma dans une certaine proportion, nous sommes certains que notre liberté est franchement menacée. Même davantage qu’au temps de Ben Ali. Cette ratatouille tunisienne, qui n’a rien de savoureux par ailleurs, n’est que la conséquence logique de vingt-trois années de plomb, d’ignorance, de massacre de notre système éducatif et de médiocrité intellectuelle. Je tiens à souligner, sans vouloir m’attarder là-dessus, que tout ceci a débuté avec la mise à mort de la philosophie et la liquidation de la langue française en Tunisie. Celle-ci nous encourageait à lorgner du côté de l’Europe et des Etats-Unis plutôt que des pays du Golfe. Je suis de tout cœur avec Nessma. Je tiens à la remercier, soit dit en passant, et à lui souhaiter bon courage. Quand à ces idiots de bigots, restons aux aguets !

* Etudiant.