Fadhlaoui Mourad écrit – Les Tunisiens sont capables de produire leur propre modèle politique : un Etat civil et démocratique, qui évite les impostures des extrémistes religieux et laïcs ?
Si les laïcs sont en recul aujourd’hui en Tunisie, cela est dû à hier : les erreurs commises durant plus de cinquante ans pendant lesquels on a braqué la laïcité sur une seule religion, l’islam, en Tunisie et ailleurs. En conséquence, la laïcité est devenue suspecte, chez plusieurs Tunisiens.
«Ne regardez pas l’endroit où vous êtes tombés, regardez plutôt l’endroit où vous vous êtes cognés». Pourquoi les Tunisiens ont peur de la laïcité et non pas les autres ? Quelle est votre part dans cette confusion ? Comment peut-on corriger ces erreurs ? Comment remettre les choses dans l’ordre afin de rassurer les musulmans en Tunisie ou ailleurs sur leur liberté de croire et de penser ?
Laïcité et islamophobie
Ce n’est jamais l’essence de la laïcité française de 1905 qui brimait les Tunisiens mais c’est celle de Ben Ali et Sarkozy. Les Tunisiens font bien la différence entre la laïcité et l’islamophobie. Ils soutiennent le Parti communiste tunisien alors qu’il est laïc. En revanche, ils ne soutiennent pas d’autres partis de gauche tel qu’Ettajdid, car ils sont islamophobes. Aussi les Tunisiens font-ils la différence entre un parti islamiste non démocrate tel que Hizb Ettahrir, non soutenu par la majorité des Tunisiens, et un parti islamiste modéré et démocrate tel qu’Ennahdha soutenu par la majorité des Tunisiens.
Peut-on croire qu’une figure de proue de l’opposition tunisienne telle que Dr Moncef Marzouki, qui connait bien les arcanes de la politique en Tunisie, pourrait collaborer avec un parti politique ancestral ?
Nous n’étions jamais contre l’essence de la laïcité mais contre l’islamophobie qui se cache derrière.
Il peut sembler paradoxal que la laïcité puisse être islamophobe et il en est pourtant ainsi. Une laïcité qui a privé beaucoup d’enfants musulmans d’aller à l’école, beaucoup de femmes musulmanes d’aller au travail, d’aller faire leur course, de conduire une voiture.
Le lexique utilisé par les laïques tunisiens et français, à chaque fois qu’on aborde le sujet de la laïcité est le suivant : voile, voile intégral, mosquée, minaret, prière dans la rue, barbe, loi de l’héritage, islamisme, ramadan... En bref, on a atteint l’apogée de la manipulation de la laïcité pour des fins islamophobes, et ce, via une laïcité de l’Etat.
Ni islamiste, ni laïque, mais patriote
Le dénigrement des islamistes afin de préparer le terrain pour les extrémistes laïques, la distorsion de l’identité, le torrent d’information qui vise à implanter une idée mensongère : «Pas de démocratie sans laïcité», n’ont fait que pousser les gens encore plus vers le parti islamiste Ennahdha.
Le Tunisien est assez intelligent pour choisir son camp: le camp patriote démocrate. Ce n'est pas ce que les extrémistes laïques disent maintenant qui est intéressant, c’est ce qu’ils ont dit et fait auparavant durant la gouvernance de Ben Ali, et après son départ, afin de voler la révolution commise par tous les Tunisiens sans exception.
La laïcité, dont parlent certains laïques tunisiens et français, ne saurait se parer de neutralité.
Chacun l’a bien compris, elle n’a plus rien à voir avec un principe universel. On est parti de la séparation du politique et du religieux pour appliquer la règle aux personnes, alors que le principe de laïcité (en France) s’applique à l’Etat et non pas à tout le monde (l’Etat ne s’occupe pas des religions et les religions ne s’occupent pas de l’Etat). Il est évident que ce principe de laïcité ne s’applique pas aux personnes.
En Tunisie, la laïcité s’est réduite à une islamophobie assez semblable à la laïcité sarkozienne, un cancer profond a atteint le corps de la laïcité. Quel parti politique aura le courage, maintenant, d’évoquer en Tunisie le mot laïcité sans commettre un suicide politique ?
Condamné à vivre ensemble
L’erreur que l’on commet assez couramment est de croire que seuls les extrémistes religieux sont un danger pour la démocratie et qu’une fois que ceux-ci sont affaiblis, sinon écrasés, la révolution peut suivre son cours en toute tranquillité. En effet le danger nous vient aussi des extrémistes laïques, des ex-Rcdistes et de l’intervention étrangère en Tunisie qui ne cesse de freiner notre révolution.
Ben Ali a bien écrasé les islamistes mais on n’a pas fait une démocratie. Le régime iranien a bien écrasé les laïques sans établir une démocratie non plus. On est condamné à vivre ensemble et à chacun sa place dans notre pays. Laissez le peuple tunisien, pour la première fois durant son histoire, dire son mo; que cela plaise ou pas, c’est la règle du jeu démocrate. Ne gâchez pas sa fête! On ne sait jamais s’il changera un jour et votera pour vous. Les partisans de l’exclusion, les extrémistes laïques et religieux représentent un grand danger pour notre Tunisie. Ne les laissez pas faire !
Voilées ou non, barbus ou glabres, laïques et islamistes, musulmans, chrétiens, juifs… peut-on vivre ensemble? Quelles leçons peut-on dégager après cinquante ans de dictature? On a choisi d'éviter les termes (religieux/laïque) pour notre prochain régime politique. L’effet a été rapide, tant mieux.
Le peuple tunisien n’est-il pas capable de donner des leçons ? De produire son propre modèle politique ? N’est-il pas capable d’édifier un Etat civil et démocratique tout en évitant les impostures des extrémistes religieux et laïques ?
* France-Tunisie.
La Tunisie: un Etat laïque, religieux, ou civil?
Fadhlaoui Mourad écrit – Les Tunisiens sont capables de produire leur propre modèle politique: un Etat civil et démocratique, qui évite les impostures des extrémistes religieux et laïques?
Si les laïques sont en recul aujourd’hui en Tunisie, cela est dû à hier: les erreurs commises durant plus de cinquante ans pendant lesquels on a braqué la laïcité sur une seule religion, l’islam, en Tunisie et ailleurs. En conséquence, la laïcité est devenue suspecte, chez plusieurs Tunisiens.
«Ne regardez pas l’endroit où vous êtes tombés, regardez plutôt l’endroit où vous vous êtes cognés». Pourquoi les Tunisiens ont peur de la laïcité et non pas les autres? Quelle est votre part dans cette confusion? Comment peut-on corriger ces erreurs? Comment remettre les choses dans l’ordre afin de rassurer les musulmans en Tunisie ou ailleurs sur leur liberté de croire et de penser?
Laïcité et islamophobie
Ce n’est jamais l’essence de la laïcité française de 1905 qui brimait les Tunisiens mais c’est celle de Ben Ali et Sarkozy. Les Tunisiens font bien la différence entre la laïcité et l’islamophobie. Ils soutiennent le Parti communiste tunisien alors qu’il est laïc. En revanche, ils ne soutiennent pas d’autres partis de gauche tel qu’Ettajdid, car ils sont islamophobes. Aussi les Tunisiens font-ils la différence entre un parti islamiste non démocrate tel que Hizb Ettahrir, non soutenu par la majorité des Tunisiens, et un parti islamiste modéré et démocrate tel qu’Ennahdha soutenu par la majorité des Tunisiens.
Peut-on croire qu’une figure de proue de l’opposition tunisienne telle que Dr Moncef Marzougui, qui connait bien les arcanes de la politique en Tunisie, pourrait collaborer avec un parti politique ancestral?
Nous n’étions jamais contre l’essence de la laïcité mais contre l’islamophobie qui se cache derrière. Il peut sembler paradoxal que la laïcité puisse être islamophobe et il en est pourtant ainsi. Une laïcité qui a privé beaucoup d’enfants musulmans d’aller à l’école, beaucoup de femmes musulmanes d’aller au travail, d’aller faire leur course, de conduire une voiture.
Le lexique utilisé par les laïques tunisiens et français, à chaque fois qu’on aborde le sujet de la laïcité est le suivant : voile, voile intégral, mosquée, minaret, prière dans la rue, barbe, loi de l’héritage, islamisme, ramadan... En bref, on a atteint l’apogée de la manipulation de la laïcité pour des fins islamophobes, et ce, via une laïcité de l’Etat.
Ni islamiste, ni laïque, mais patriote
Le dénigrement des islamistes afin de préparer le terrain pour les extrémistes laïques, la distorsion de l’identité, le torrent d’information qui vise à implanter une idée mensongère : «Pas de démocratie sans laïcité», n’ont fait que pousser les gens encore plus vers le parti islamiste Ennahdha.
Le Tunisien est assez intelligent pour choisir son camp: le camp patriote démocrate. Ce n'est pas ce que les extrémistes laïques disent maintenant qui est intéressant, c’est ce qu’ils ont dit et fait auparavant durant la gouvernance de Ben Ali, et après son départ, afin de voler la révolution commise par tous les Tunisiens sans exception.
La laïcité, dont parlent certains laïques tunisiens et français, ne saurait se parer de neutralité. Chacun l’a bien compris, elle n’a plus rien à voir avec un principe universel. On est parti de la séparation du politique et du religieux pour appliquer la règle aux personnes, alors que le principe de laïcité (en France) s’applique à l’Etat et non pas à tout le monde (l’Etat ne s’occupe pas des religions et les religions ne s’occupent pas de l’Etat). Il est évident que ce principe de laïcité ne s’applique pas aux personnes.
En Tunisie, la laïcité s’est réduite à une islamophobie assez semblable à la laïcité sarkozienne, un cancer profond a atteint le corps de la laïcité. Quel parti politique aura le courage, maintenant, d’évoquer en Tunisie le mot laïcité sans commettre un suicide politique?
Condamné à vivre ensemble
L’erreur que l’on commet assez couramment est de croire que seuls les extrémistes religieux sont un danger pour la démocratie et qu’une fois que ceux-ci sont affaiblis, sinon écrasés, la révolution peut suivre son cours en toute tranquillité. En effet le danger nous vient aussi des extrémistes laïques, des ex-Rcdistes et de l’intervention étrangère en Tunisie qui ne cesse de freiner notre révolution.
Ben Ali a bien écrasé les islamistes mais on n’a pas fait une démocratie. Le régime iranien a bien écrasé les laïques sans établir une démocratie non plus. On est condamné à vivre ensemble et à chacun sa place dans notre pays. Laissez le peuple tunisien, pour la première fois durant son histoire, dire son mo; que cela plaise ou pas, c’est la règle du jeu démocrate. Ne gâchez pas sa fête! On ne sait jamais s’il changera un jour et votera pour vous. Les partisans de l’exclusion, les extrémistes laïques et religieux représentent un grand danger pour notre Tunisie. Ne les laissez pas faire !
Voilées ou non, barbus ou glabres, laïques et islamistes, musulmans, chrétiens, juifs… peut-on vivre ensemble? Quelles leçons peut-on dégager après cinquante ans de dictature? On a choisi d'éviter les termes (religieux/laïque) pour notre prochain régime politique. L’effet a été rapide, tant mieux.
Le peuple tunisien n’est-il pas capable de donner des leçons? De produire son propre modèle politique? N’est-il pas capable d’édifier un Etat civil et démocratique tout en évitant les impostures des extrémistes religieux et laïques?
* France-Tunisie.