Lilia Bouchoucha-Mourali écrit – A moins de deux semaines d’une élection décisive, des faits suscitent des interrogations qui alimentent des suspicions. Où va la révolution tunisienne ?


Je me suis réveillée en sueur à 3h40 du matin. Un cauchemar.

Finalement, peut-être que mon mari a raison et que je pète vraiment un câble depuis 9 mois. D’ailleurs, les chiffres de l’Oms le prouvent, on est à moitié barges en Tunisie… Mais quand même… On est peut-être 11 millions de fous, mais pas cons.

Des questions sans réponses

Depuis plus d’une semaine, trop d’événements et de concours de circonstances me chiffonnent à en oublier la constituante. Quels rapports y a-t-il entre les événements suivants :

- un Premier ministre accueilli en grande pompe chez l’oncle Sam. Une vraie consécration ;

- Ezzeddine Mhedhebi qui discrédite ouvertement et clairement la commission d’Abdelfattah Amor dans un article du journal ‘‘Le Temps’’ du 9 octobre. Ce qui n’a soulevé aucune réaction. Ni parmi les médias, ni parmi les facebookers. Anesthésie générale et généralisée ;

- la diffusion, préalablement annoncée (donc intentionnellement programmée) par des spots publicitaires, d’un dessin animé. Il était prévisible que la représentation du divin allait blesser «les fous de Dieu». Sous couvert d’une effrénée liberté d’expression, on met le feu aux poudres les 10 derniers jours d’une campagne électorale déjà assez fatigante par le déluge de publicité mensongère des «anciens reconvertis». Histoire de nous occuper l’esprit… Alors, résultats des courses, on victimise une certaine frange de la population et on pousse les gens à réaffirmer leur identité arabo-musulmane. Ce qui n’est ni l’ordre du jour, ni de la semaine, ni du mois.

Le plus bizarre encore, dans cette cacophonie de voix, c’est que ce sont ces mêmes personnes «intellectuellement et politiquement correctes» qui, il y a quelques mois, appelaient au calme, à la reprise du travail, à l’arrêt des manifestations et des revendications. Suivez mon regard… Ces personnes ont eu, d’un coup, une compulsive envie d’exprimer leur opinion sur Dieu ! Allez comprendre !

Alors voilà. Des questions sans réponses. Seulement des hypothèses. Et là, moi pareil. J’ai une compulsive envie de crier au scandale. Au scandale de la manipulation. Au scandale de la contre-révolution extérieure et intérieure.

Nasrallah, Feltman et nous

Je ne peux m’empêcher de penser à ce que Nasrallah a dit au peuple tunisien à propos de la contre-révolution extérieure : «Le peuple tunisien doit refuser l’ingérence états-unienne (…) il doit se prémunir contre le complot que les Etats-Unis ourdissent contre sa Révolution». Il avait aussi souligné que l’arrivée à Tunis de Jeffrey Feltman était en soi un signe annonciateur de malheur. Il est donc bien entendu que le printemps arabe équivaut à l’hiver des sionistes…

Je ne peux m’empêcher non plus de penser à ce qu’a écrit Bernard Fischer dans son blog, à propos de la contre-révolution intérieure : «La contre révolution tunisienne annonce, prépare et organise un scénario à l’algérienne, un coup d’Etat militaire après la victoire d’Ennahdha aux élections du 23 octobre 2011, comme en 1991 en Algérie l’armée algérienne organisait un coup d’Etat militaire après la victoire du Fis au premier tour des élections législatives.»

Complètement désabusée, j’ai surfé sur le net jusqu’au petit matin, à la recherche d’une recette miraculeuse dans les textes d’histoire, pouvant réanimer un peu cette flamme révolutionnaire, exactement comme l’auraient fait les australopithèques de «la guerre du feu». Question de survie.

Je tombe donc sur Trotsky. Il écrit en 1926 : «La désillusion d’une partie considérable des masses opprimées dans les acquis immédiats de la révolution et le déclin de l’énergie et de l’activité révolutionnaire de classe engendre un regain de confiance parmi les classes contre-révolutionnaires». Et sans pour autant être Trotskyste (pas du tout d’ailleurs), je ne peux non plus m’empêcher de finir mon laïus de noctambule par une citation de ce même auteur, qui me semble très à propos : «La révolution a une grande force improvisatrice ; elle n’improvise jamais rien de bon pour les fatalistes, les imbéciles et les fainéants. Ce qu’il faut pour y vaincre c’est une juste orientation politique, de l’organisation et la volonté de porter le coup décisif.»

Bon, je vais me coucher. Salut.