Abdelfatteh Fakhfakh écrit – Il arrive bien souvent dans mon entourage, qu’on me pose de manière toute naturelle la question figurant en titre «Alors, tu es musulman ou démocrate-moderniste ?»
Une telle question, posée souvent de manière spontanée et naïve – indépendamment du degré de sincérité et de spontanéité de son auteur – laisse entendre une «antinomie» (une contradiction évidente, une opposition) - entre l’islam d’une part et la démocratie et le modernisme d’autre part.
Disons-le nettement : je n’ai jamais été un musulman honteux. S’il m’est rarement arrivé de rappeler, publiquement, haut et fort mes convictions religieuses, c’est parce que j’ai toujours été convaincu que c’est là une affaire personnelle et intime.
Appartenance religieuse et foi moderniste
Le bonheur que me procure mon appartenance religieuse est d’autant plus fort que cette appartenance se double d’une pratique, au quotidien, des prescriptions religieuses et d’un engagement personnel et indéfectible, tout aussi quotidien, en faveur des valeurs de la démocratie et du modernisme, ici «bas».
Philologue et historien de l’islam de par ma formation, j’adhère à l’idée défendue par plus d’un penseur que «l’avenir de l’islam réside dans sa capacité d’assimiler la modernité pour que le musulman ne soit pas le témoin passif de l’époque contemporaine mais un de ses agents actifs.» [1]
C’est là le message des penseurs arabes, qu’ils soient historiens, sociologues, philologues, mais pas arabes seulement, car il est des «islamologues» occidentaux, à l’instar de Jacques Berque, qui a toujours inscrit sa réflexion dans une perspective «historicisante» dont témoigne son souci méticuleux de refléter ce choix, y compris au niveau des titres des ouvrages qu’il écrit tel que ‘‘Les Arabes d’Hier à Demain’’. [2]
Ce questionnement se fait aujourd’hui sur fond de consultation populaire destinée à élire les représentants du peuple à l’Assemblée constituante. Il en résulte qu’il est des choix à promouvoir et à défendre. Encore une fois ici et maintenant. C’est la raison d’être de cet article. Ce choix, je le défendrai, en ce qui me concerne, dans un esprit «kung-fu». Un esprit privilégiant le regard en face-à-face, les yeux dans les yeux, sans faux-fuyant, sans jeu de mots…
Opter pour la démocratie et la modernité m’amène à soutenir la liste d’Al Quotb Addimoqrati Al Hadathi (Pôle démocratique moderniste, Pdm).
D’aucuns s’étonneront de ce plaidoyer en faveur du Pdm. Libres à eux. Comment de la hauteur des «sciences historiques et philologiques» aboutir à un soutien plat et terrestre d’une formation politique ?
Ce qui distingue me Pôle
Je dirais que porter la voix du Pdm au plus grand nombre est une noble mission à laquelle je m’associe avec l’énergie et la force avec lesquelles des amis universitaires, intellectuels, artistes, syndicalistes, etc., l’ont fait pour soutenir publiquement le Pdm…
Dans cet ordre d’idées, je finirai par exposer ce qui me pousse à voter Pdm et pourquoi j’appelle amis, parents et simples citoyens à voter Pdm et ce, parce que ce parti :
• est – le soulignera-t-on assez ? – pour le respect des convictions religieuses personnelles ;
• constitue un des barrages les plus sérieux face aux forces utilisant la religion à des fins politiques, et contre les risques de régression ;
• est nettement en faveur de la nécessaire séparation entre le politique et le religieux ;
• est pour la défense de nos acquis sociaux, dont le Code de statut personnel ;
• est pour la défense de notre mode de vie paisible et méditerranéen dans lequel nous «baignons» depuis plus d’un demi-siècle, un mode de vie fait de tolérance, d’acceptation de l’autre…
• promeut le rôle et la place des femmes sachant que l’un des ses crédos est l’égalité entre les hommes et les femmes ;
• ne promet pas monts et merveilles sur le plan économique mais fait des propositions réalistes tout en étant généreuses…
Je finirai par mettre en exergue une des qualités distinctives des candidats du Pdm. Qu’ils soient têtes de liste ou simples membres, ces derniers ne mettent pas en avant la promotion de leurs ambitions personnelles à l’instar de ce que font les têtes de liste et membres de liste d’autres formations politiques.
Il y a beaucoup d’autres raisons qui incitent à faire confiance au Pdm… Je m’en tiendrai à celles figurant ci-haut.
Notes :
[1] ‘‘Plaidoyer pour un islam moderne’’ par Mohamed Talbi, éditions Cérès, Tunis, 1998, p. 123.
[2] Auteur auquel j’ai consacré une étude «Aspects de l’orientalisme français maghrébin à travers l’expérience de Jacques Berque», dans le cadre de l’obtention de la licence en philologie et histoire orientales, Bruxelles, Université Libre de Bruxelles, 1975-1976.