Tarak Arfaoui écrit – Le wahhabisme est une bête immonde qui est en train de ramper sournoisement dans la société tunisienne.
Après l’irruption des islamistes sur la scène politique tunisienne, engendrant enthousiasme pour les uns et appréhension pour les autres, voici que les salafistes prennent le relais et accaparent l’actualité nationale par leurs actions sur le terrain aussi spectaculaires qu’inquiétantes pour notre démocratie naissante. Où étaient-ils du temps de Zaba ? D’où sortent-ils ? Qui les manipule ?
Le mouvement islamiste en Tunisie qui ne date pas d’hier, essentiellement représenté par le Parti Ennahdha, occupe largement après la révolution les devants de la scène politique ; ses militants longtemps brimés du temps de Zaba, ayant payé un lourd tribut dans leur lutte pour leurs convictions, se délectent actuellement de ce vent de liberté qui souffle sur le pays et qui leur permet de militer au grand jour en ratissant large dans l’électorat populaire.
Dérapages anecdotiques
Certes, sans occulter leur passé militant, les Tunisiens peinent à oublier certaines de leurs méthodes violentes des années quatre vingt, que leurs dirigeants ont d’ailleurs reconnues, en s’excusant du bout des lèvres, et doutent fortement de leur sincérité sur les questions cruciales qui engagent l’avenir du pays concernant tous les acquis progressistes de la société civile. Leurs tergiversations, voire la duplicité de leurs positions et ainsi que l’absence totale de charisme politique de leurs dirigeants leur valent l’inimitié d’une bonne frange de la population.
Cependant, et malgré tous ses travers, Ennahdha fait désormais partie du paysage médiatico-politique du pays et l’électorat semble bien s’accommoder de ses dérapages anecdotiques tant que certaines lignes rouges ne sont pas dépassées.
Ces lignes rouges, Ennahdha semble avoir laissé au mouvement salafiste le soin de les outrepasser. Sans les condamner ouvertement ni les appuyer, le mouvement islamiste, fidèle à sa duplicité, ne tire aucune sonnette d’alarme. Ces salafistes dénotent vraiment dans notre société aussi bien par leurs accoutrements, leur comportement sectaire, leurs réactions violentes et leur intransigeance religieuse.
Des Tunisiens méconnaissables
De tout temps, depuis des siècles, jamais le peuple tunisien n’a eu un comportement ou des convictions extrémistes. Le Tunisien est unanimement reconnu par sa modération, sa pondération, son pacifisme et surtout par son ouverture sur le monde. Personne ne se doutait du temps de Zaba, et bien avant, sous Bourguiba, que des Tunisiens puissent s’accommoder d’une doctrine pareille. Par quel phénomène en sont-ils arrivés là ? Est-ce le fruit de la dictature implacable du passé qui a cadenassé les esprits, momifié les initiatives et entraîné nos jeunes dans les bras de l’obscurantisme religieux ? Est-ce la misère intellectuelle et sociale et l’absence d’une vision optimiste de l’avenir qui plonge certains citoyens dans le prosélytisme religieux ? Est-ce l’influence extrêmement néfaste des antennes satellitaires religieuses du Moyen-Orient omniprésentes dans nos foyers qui rivalisent de dogmatisme et d’inepties religieuses et qui polluent les esprits de nos enfants ?
L’oisiveté et le vide culturel ont ménagé de vastes espaces qui n’attendaient qu’à être colonisés par ces doctrines médiévales. Des associations se sont multipliées dans nos quartiers populaires et dans certaines mosquées, sponsorisées par des forces occultes, sous couvert d’actions sociales. Elles profitent de la bigoterie des uns et de la candeur des autres, pour ensemencer le venin du salafisme dans notre pays.
L’Histoire ne leur pardonnera pas
Le wahhabisme est une bête immonde qui est en train de ramper sournoisement dans notre société. Depuis quand les Tunisiens portent-ils ces accoutrements moyen-orientaux que l’on voit dans les rues ? Depuis quand les Tunisiennes portent-elles la burqa ? Depuis quand les Tunisiens prient-ils dans les espaces publics ou transforment-ils les amphithéâtres des facultés en salles de prière ? Depuis quand les cafés sont-ils saccagés ?
Depuis quand les prières sur les morts sont interdites ? Depuis quand des énergumènes enturbannés s’autoproclament-ils «cheikh» et légifèrent-ils à coups de «fatwas» ?
Il est vraiment grand temps que toutes les forces politiques démocratiques s’opposent aux agissements de ces sectes avec la plus grande vigueur sans aucun calcul partisan. A ceux qui espèrent en tirer un quelconque bénéfice politique par leur silence ou leur duplicité, l’Histoire ne leur pardonnera pas.