Le peuple et l’Etat «révolutionnaires» doivent réussir à établir un modèle économique et social responsable et qui marche !

Par Mohamed Ben Arfa*


 

A quelques jours du plus grand événement du siècle en Tunisie, je ne vous cache pas que je suis assez inquiet pour notre pays. On a certainement battu un record historique du nombre de listes candidates mais absolument pas celui des idées. Le challenge est énorme et pourtant on se réduit à négocier le nombre d’épouses ou le nombre de bars au centre-ville, je caricature à peine.

L’enjeu est ailleurs. Le «nerf de la guerre» est l’argent. Je n’aime pas employer ce mot mais, soyons lucides, c’est bien l’argent qui nous permettra de créer des emplois, d’aider les plus démunis, de créer de la justice sociale, d’améliorer l’état des hôpitaux et de définir les meilleurs cadres à notre système éducatif et à notre administration.

Garantir la croissance, la prospérité et la solvabilité

L’argent ne vient pas tout seul et l’Etat ne pourra débourser ce qu’il n’a pas. C’est vrai que les voyous des Ben Ali et Trabelsi ont volé plus de 20 milliards de dinars mais cela n’explique pas, à lui seul, la faiblesse de notre Pib estimé à 50 milliards de dinars soit 5.000 dinars par habitant.
Le leader de ce classement de Pib par habitant est le Qatar parce qu’ils ont la chance d’être nés sur des puits de pétrole mais des pays comme le Luxembourg (20 fois plus riche que nous, source Fmi), Singapour (13 fois plus riche) et la Norvège (13 fois plus riche) nous dépassent largement et pourtant ils ne disposent pas non plus de richesses naturelles.

Est-ce que ces pays se plaignent d’injustice, de chômage, de carences éducatives ou administratives ? Certainement pas, avec de telles richesses, ils résolvent la majorité de leurs maux.

Il est donc temps de penser à un solide modèle économique qui nous garantisse croissance, prospérité et solvabilité et donc justice, travail et développement. Grâce à l’histoire et aux mathématiques, les plus grands économistes ont élaboré des formules assez simples et convergentes :
Croissance = Réduction de la Dette = Création d’Emplois = Appréciation du Dinar = Désinflation de l’Import.

On a 2 atouts pour créer enfin cette croissance à 2 chiffres, amplement dans nos cordes :

- Notre matière grise. On a suffisamment de diplômés et de compétences, qui d’ailleurs réussissent très bien leur intégration à l’étranger lorsque le cadre de travail y est favorable.

-  Notre train de la croissance est encore à l’arrêt, on a encore l’occasion d’emprunter le bon chemin et de tirer les conclusions des échecs des autres (crise de la dette, subprime, bulles financières, des traders fous, une économie à 2 étages : la virtuelle inventée par les banques et la réelle).

Je reviens au premier atout décrit précédemment : il faut absolument encourager nos jeunes diplômés à entreprendre lorsqu’ils ont la motivation et la capacité. Ceci peut se faire grâce à une réduction au minimum des démarches administratives et au concept de l’Etat entreprise c’est-à-dire que l’Etat investira dans ce jeune entrepreneur qui en contre-parti remboursera sous forme d’impôts (dont les prélèvements devraient être plus justement contrôlés).

Pour le deuxième atout, la démonstration pourra se faire par de meilleurs économistes internationaux mais le constat est flagrant : les décisions faites par les politiques et financiers des pays les plus avancés ont mené le monde économique à sa perte. Ces banques centrales qui, pour «sauver la face» à très court terme, impriment des billets de dollars et d’euros sans aucune valorisation tangible. Comment n’ont-ils pas anticipé un effondrement systématique de cette bulle temporaire qu’ils créaient ? Ou étaient-ils suffisamment conscients et ne pensaient-ils qu’à prolonger la ténacité de la colle sur leurs sièges éjectables ? Il est clair que ces banquiers soi-disant plus «intelligents» que les autres se sont trompés et n’ont pas pris les décisions qu’il fallait.

Economie réelle et finance éthique

Les investissements doivent encourager l’économie réelle, l’économie tangible qui crée les emplois et qui investit l’argent dans des actifs réels et pas dans l’argent lui-même ou «sous le lit» en augmentant la trésorerie.

Ce sont ces principes élémentaires qui définissent la finance éthique, qu’on retrouve dans la finance dite islamique en accord avec le droit musulman et qui représente 10% de la finance mondiale. Cette finance éthique interdit l’intérêt c’est-à-dire on n’échange pas de l’argent contre de l’argent dans la même devise et dans des montants différents.

Aussi, cette finance lie plus étroitement la rentabilité financière d’un investissement avec les résultats du projet concret associé (Wikipédia). La banque et l’investisseur sont ainsi plus responsables socialement. La banque a fort intérêt à encadrer, surveiller, conseiller son client investisseur. Son intérêt est corrélé au sien.
C’est l’Etat et la banque centrale qui jouent un rôle primordial pour l’établissement d’une finance éthique pour une croissance réelle et responsable.

Si on a réussi à être les précurseurs de la révolution populaire de l’ère moderne et que tous les projecteurs sont sur nous, soyons aussi le peuple et l’Etat «révolutionnaires», exemplaires et qui réussiront à établir un modèle social et économique responsable et qui marche !

* Alliance nationale pour la paix et la prospérité (Anpp).