La révolution des peuples, déclenchée en Tunisie, essaime un peu partout dans le monde. L’auteur raconte la manifestation ‘‘Occupons Montréal’’ à laquelle elle a pris part.

Par Dr Lilia Bouguira


 

Nous sommes le 15 octobre au Victoria square. Mon regard balaye cette immense place en plein cœur de Montréal. La place est occupée non plus par l’immense marché de foin et des agriculteurs venus des campagnes voisines comme il y a quelques siècles déjà mais des gens venus de toute part dans cette très belle place moderne dotée de son prestigieux Centre mondial du commerce et de la tour de la bourse.

Les 99% crachent leur colère

Les gens arrivent en nappe chantant et branlant des slogans. Les enfants sont portés sur les épaules et chantent la liberté. Des jeunes et des moins jeunes hurlent la famine dans le monde et la pauvreté. Certains se hissent sur la statue de la reine Victoria dénonçant la guerre et prônant la paix.
L’œil tient en entier le ciel de drapeaux et de banderoles flottant sous un air frisquet.


Photo Jacques Nadeau

Nous sommes les 99% et nous rebaptisons le square en place des peuples. Certains grattent leur guitare crachant leur colère contre les multinationales qui continuent de faire bon dos à la spéculation et l’appauvrissement des peuples. D’autres tapent d’une main sûre sur des tamtams de vrai ou d’occasion appelant au développement durable et à l’abondance de part le monde. D’autres portent le fameux masque révolutionnaire de Guy Falks pointant les injustices, les «banksters» internationaux. Certains se mettent en ronde et dansent l’insoumission rendant le pouvoir au peuple et seulement au peuple.

D’autres dressent des tentes pour le squat de la nuit. Chacun chante et danse à son rythme une transe unique où les frontières n’ont plus de sens et où les rapaces sont partout identiques.

Le souffle salvateur : Dégage !

J’exporte mon regard. Il est tunisien et clame douloureusement une révolution que l’homme tente d’avachir sinon d’avorter. Je danse et chante à mon rythme une dictature fraichement accouchée par voie basse tandis que mon cœur tremble encore pour cet accouchement dystocique et laborieux que souffre terriblement le peuple syrien ou encore celui du Yémen ou récemment le Libyen. Je n’ai de mot que pour les miens, de rêve que tunisien. Un seul me revient avec insistance et je le hurle comme un souffle salvateur qui contamine la foule exaltée : Dégage !

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