Aïda Bouchadakh* écrit – A l’approche du 23 octobre, date du vote des citoyens tunisiens pour se doter d’une constitution conforme à leurs aspirations, l’excitation et la tension ne cessent de monter.
Certains, croyant peut être bien faire, ont remis sur la scène publique des débats d’essence identitaire.
Est-ce bien raisonnable? Peut-on espérer faire évoluer le débat public en se permettant de s’attaquer au sacré ? Les pseudos laïcs en auront pour leurs frais. Non seulement ils ont montré leur vrai visage, un visage anti-religieux et irrespectueux des dogmes théologiques admis par la majorité des Tunisiens. Ils ont aussi permis à la population tunisienne de se mobiliser pour faire entendre sa foi et sa voix. Il n’est pas question de remettre en cause l’identité arabo-musulmane de la nation tunisienne.
Une autre conséquence du glissement du débat public est le caractère désormais passionnel. Est ce bien raisonnable ? Les identités meurtries n’assainissent pas le débat public. Elles servent les intérêts des extrémistes de tous bords.
Ces minorités agissantes déplacent le débat public dans l’espoir de susciter un vote mû par la peur et la vengeance afin de récolter plus de voix et peser plus lourd sur la scène publique. Ne leur donnons pas cette chance. Posons-nous les vraies questions et évaluons les uns et les autres sur base de leurs programmes et de leurs histoires.
L’Histoire, c’est la mémoire du peuple, c’est aussi une promesse d’avenir car celui qui a méfait dans un passé pas très lointain aura bien du mal à se défaire de ses mauvaises pratiques.
Pour moi, rompre avec le passé dictatorial de la Tunisie passe nécessairement par la mise au ban du système présidentiel, la réforme du système judiciaire, la remise en cause de la politique de privatisation des fleurons de l’économie nationale et la décentralisation des pouvoirs.
Le système présidentiel :
Nous n’avons que faire d’un père de la nation qui nous prend par la main et nous indique le bon chemin. Nous sommes majeurs et vaccinés. Ça suffit.
Le futur président, qu’il soit élu au suffrage universel ou par le parlement doit avoir un mandat assez long, entre cinq et sept ans, et non renouvelable, afin de stimuler le renouvellement de la classe politique et le préserver des manœuvres politiciennes pour durer plus longtemps que prévu. Il peut être démis de sa fonction en cas de faute grave suite à un vote sanction à une majorité de 75% des parlementaires.
Cette exigence permettra une plus grande stabilité des institutions et donnera au président la possibilité d’exercer ses prérogatives dans la sérénité.
Il devra notamment nommer un formateur issu du parti politique qui a obtenu le plus de sièges et lui demander de constituer une majorité en vue de former un gouvernement. C’est seulement suite à l’échec de ce dernier que le président pourra nommer un second formateur issu du second parti en importance.
Nous respecterons ainsi l’issue des urnes et nous éviterons les alliances contre nature.
La réforme du système judiciaire :
Un autre enjeu majeur de ces élections est la mise en place d’un système judiciaire qui respecte strictement le principe de séparation des pouvoirs et notamment la séparation entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judicaire.
La Tunisie serait bien inspirée d’étudier le système des Etats-Unis en la matière. Il a l’avantage de séparer clairement le pouvoir judiciaire de l’exécutif ce qui garantit une plus grande transparence et réduit les interférences du gouvernement via le ministère de la justice.
La mise en place d’un tissu économique capable de répondre aux besoins vitaux des Tunisiens.
Les Tunisiens se sont révoltés massivement contre le pouvoir corrompu de Ben Ali qui avait confisqué les libertés publiques sous prétexte de leur garantir le pain quotidien.
Pour finir, le pain était de plus en plus amer et de plus en plus restreint. Les entreprises publiques profitables ont été vendues à des proches du régime à des conditions suspectes ce qui a pour conséquence d’appauvrir la collectivité au profit de quelques privilégiés.
Il est hors de question d’admettre le principe de la privatisation des bénéfices et la socialisation des pertes.
Il faut revoir le processus de privatisation qui a eu lieu et nationaliser si nécessaire les entreprises de grande utilité pour la nation. Je pense notamment au secteur des banques et des assurances qui génèrent des profits conséquents.
La décentralisation des pouvoirs.
Les élus défendront les intérêts socio-économiques de leurs électeurs. Aussi longtemps que les décisions seront prises par les pouvoirs centraux, elles seront en décalage par rapport aux besoins locaux, aussi faut-il réduire les distances entre les citoyens et les pouvoirs publics pour mieux responsabiliser les élus et mieux servir les citoyens.
Ce 23 octobre, mobilisons nous et votons en connaissance de cause !
Ne laissons pas la peur ou la haine nous dicter nos comportements !
Votons massivement et votons utile pour que notre voix compte effectivement !
Votons pour la renaissance de notre Nation !
* Tunisienne résident à Bruxelles, en Belgique.