L’absence d’un vrai programme chez Hachmi Hamdi, leader du mouvement Al Aridha, confirme son caractère populiste et superficiel et explique son refus de se présenter devant les Tunisiens.

Par Rachid Merdassi*


 

Jamais de ma vie je n’ai été aussi accroc à la télé comme depuis la révolution, conforté par cette fierté d’appartenir à ce petit pays qui vient encore une fois de prendre rendez-vous avec l’histoire et à tel point que je zappais d’une chaine à une autre à la recherche du moindre «piece of news», du moindre détail, du moindre témoignage, rien que pour satisfaire ma boulimie de savoir et épancher ma soif de tout ce qui se déroulait dans mon pays, de peur de rater le moindre épisode, le moindre commentaire, la moindre analyse, tellement je me sentais concerné dans ma chair.

Ce sentiment, cette exaltation, ne peuvent être ressentis d’une manière aussi forte et aussi intense que par quelqu’un qui vit loin de sa patrie et qui regrettera toute sa vie de ne pas avoir été au cœur de cet événement historique.

Un leader cathodique

Et, c’est ainsi que j’étais amené à devenir un auditeur assidu de la chaine Al Mustaqilla, entre autres, versée dans les chroniques et débats sur le monde arabe, et à découvrir son fameux propriétaire et animateur, Hachmi Hamdi, un personnage déroutant, aux qualités professionnelles peu orthodoxes et aux antipodes de l’exercice journalistique conventionnel.

Cette constatation ne doit pas être perçue négativement mais elle prendra toute sa signification dans le témoignage qui va s’en suivre et qui essaiera un tant soit peu de démystifier tout ce tapage qu’on est en train de faire autour du succès d’Al-Aridha et cette hâte de nos commentateurs et analystes à aller vite en besogne, abondant dans la surenchère sémantique pour qualifier ce mouvement populiste, cette supercherie électorale, de phénomène alors qu’il s’agit en réalité d’une entorse aux règles de la démocratie et du code d’éthique électorale.

L’idée de créer ce mouvement par Hachmi Hamdi qui, jusqu’à la fuite de Ben Ali, se prévalait de ses liens privilégiés avec le dictateur et des conseils qu’ils lui prodiguait pour désamorcer la crise, lui a été en réalité suggérée, voire imposée au départ par ses auditeurs, constitués dans leur grande majorité des couches populaires aussi bien en Tunisie que parmi la communauté immigrée qui, tout au long des émissions quotidiennes qu’il consacrait a la Tunisie depuis la Révolution lui communiquaient en direct et au téléphone leurs préoccupations, difficultés quotidiennes et misère que M. Hamdi exploitait à bon escient et attisait à coups de dénigrement de l’action du gouvernement et responsables régionaux et de promesses démagogiques d’intervention personnelle auprès des ministres et responsables pour faire entendre leur voix et faire aboutir leurs doléances.

Ce sont ces mêmes auditeurs qui le pressaient de devenir leur champion l’assurant de son immense popularité auprès des Tunisiens et de leur certitude qu’il pouvait l’emporter aux élections et devenir leur prochain président.

Quoi de plus pour que M. Hamdi s’inscrive dans une dynamique déjà enclenchée avec des relais et réseaux régionaux autoproclamés et qui n’attendaient que son feu vert ?

Les succès fulgurants de l’intéressé à Sidi Bouzid et à Kairouan en particulier sont à chercher dans ses promesses simples destinées à des gens simples qu’il matraquait à longueur de journée dans un langage populiste qu’il manie à dessein pour se présenter comme étant cet enfant du pays qui n’a oublié ni ses racines ni son dialecte local et qui lui donnait un avantage psychologique de taille sur le reste des candidats.

Les promesses de l’enfant prodigue

L’absence d’un programme ou projet électoral par M. Hamdi et son mouvement Al Aridha confirme encore une fois son caractère populiste et superficiel et explique les dérobades et réticences de l’intéressé à se présenter devant les Tunisiens et ses adversaires pour en débattre, préférant dépêcher, sous la pression montante des médias, son ami et défenseur zélé Khaled Chouket, au verbe facile et à l’éloquence démagogique, et à qui il a dû promettre un avenir radieux, avec l’espoir de donner un visage avenant et politiquement correct à son mouvement. Une stratégie de la dernière heure qui n’a trompé personne.

En guise de promesses électorales et au risque de contrarier M. Chouket qui les a réduites à quatre sur la chaine Hannibal, il s’agit au moins de cinq si ma mémoire est bonne :

1- construction d’un hopital à Sidi Bouzid pour un montant de 3 millions de dinars sous forme de dons dont il faudra déterminer l’origine et ce à l’initiative de M. Hamdi, originaire de cette ville, qui se présentait à ses auditeurs toujours adossé à une carte de Sidi Bouzid, en gros plan et par une supplique à la mémoire de Mohamed Bouazizi. Quoi de plus pour rafler 50% des voix à Sidi Bouzid ?

2- promesse de ressusciter Kairouan en tant que capitale de la Tunisie, ce qui explique son autre succès écrasant dans cette région ;

3- gratuité des soins pour tous ;

4- gratuité du transport à partir de 65 ans ;

5- allocation chômage de 200 dinars pour les sans-emplois.

Pour les trois dernières promesses, M. Hamdi s’est inspiré du modèle social en vigueur au Royaume Uni avec la remarque que la gratuité du transport est accordée à partir de 60 ans et non 65 ans et ne concerne que le transport urbain.

Maintenant que les dés sont jetés, il ne reste à M. Hamdi, victime d’un succès devenu encombrant, qu’à se présenter devant tous les Tunisiens afin de leur expliquer les subtilités et secrets de son tour de passe-passe et son moyen de financement.

* Tunisien résident à Londres.