Lettre ouverte à Mustapha Ben Jaâfar, leader d’Ettakatol, l’un des partis gagnants de l’élection de l’Assemblée constituante.
Par Nabil Ben Nasr
Monsieur, c’est en votre qualité de secrétaire général du Forum démocratique pour le travail et les libertés (Fdtl, Ettakatol) que je m’adresse à vous, mais pas seulement. Je m’adresse également à l’homme intègre que vous êtes, l’homme du consensus qui porte bien haut les valeurs que vous défendez.
L’homme intègre
Je ne vous apprends rien de nouveau en vous disant que notre pays écrit son histoire, une page nouvelle, une page que tout le monde regarde avec attention. Vous avez bénéficié d’un large vote de la population tunisienne, vous plaçant ainsi dans le trio* de tête, en termes de sièges accordés. Je fais partie des personnes qui ont cru en vous dès le début et qui ont manifesté leur adhésion par le vote. Votre positionnement en homme intègre, ne voulant pas entrer dans la surenchère électoraliste, a été salué dans les urnes. Des hommes et des femmes vous font confiance, il est de votre devoir de ne pas les décevoir.
Vous avez incarné l’opposition durant plusieurs années. Les résultats aux dernières élections montrent la nécessité de recouvrer ce rôle, afin de faire valoir votre idéologie et faire en sorte que le peuple tunisien puisse tourner définitivement les pages sombres de son histoire à travers une constitution qui est à son image. Une Tunisie où il fait bon vivre, où le brassage culturel est la marque de fabrique, où le statut de la femme reste et restera le plus avancé du monde arabe. . . , mais également une Tunisie nouvelle qui n’oubliera pas une partie de son peuple, qui respectera le choix de chacun, qui fera le nécessaire pour aller de l’avant, où les uns et les autres cohabitent et se sentent fiers du combat mené contre la dictature, la corruption et l’humiliation.
Faire le bon choix
Je vous demande par la présente d’être celui par qui l’union va se créer. En effet, je vous demande de faire le bon choix et de réaliser les unions nécessaires avec les partis dont vous vous sentez idéologiquement proche. Vous devez tendre la main à ces partis progressistes qui gravitent autour de vous. Ne vous laissez pas aveugler par votre score, en faisant cavalier seul. Ceci entraînera tout simplement votre perte, et celui de votre parti. Beaucoup de gens vous attendent au tournant. Vous serez ces prochains mois observé dans vos faits et gestes. Montrez au monde que vous êtes à la hauteur de vos ambitions, mais surtout à la hauteur de vos valeurs.
La majorité relative actuelle est à la recherche d’un fusible politique. Ils vous approcheront d’une manière très intelligente, si ce n’est déjà fait. Ne tombez pas dans leurs pièges, refusez tout poste à risque, qui vous propulsera en tant que président, Premier ministre . . . ou autre. Ce poste vous sera fatal, il vous écartera de toute réalité et fera de vous l’homme du pouvoir, que le Tunisien méprise en cette période post-dictatoriale. Laissez le parti vainqueur devant ses responsabilités et ses promesses populistes. Votre mission sera de rester à l’affût, à l’écoute du peuple pour faire apparaître dans notre future constitution les couleurs de la Tunisie nouvelle, les couleurs de son peuple, à travers ses envies et ses idéologies aussi diverses qu’elles soient.
Monsieur, je crois en vous, ne me décevez pas.
* Selon les estimations actuelles.