Dr Salem Sahli* écrit – La majorité des Tunisiens a voté comme aurait voté n’importe quel individu accablé par la misère : misère économique, misère intellectuelle et misère morale ou spirituelle.


La composition de l’assemblée constituante qui est sortie des urnes dimanche 23 octobre 2011 sera forcément multicolore, et ce, malgré le raz-de-marée des islamistes du parti Ennahdha, car le mode de scrutin qui a été adopté, le scrutin proportionnel au plus fort reste, favorise les petites formations qui auront obligatoirement des sièges à l’assemblée.

Il fait bon être Tunisien

Personnellement, je fais confiance aux élus du peuple pour qu’ils travaillent ensemble, débattent, gèrent les tensions et, in fine, nous concoctent une constitution moderne, ambitieuse, juste et démocratique, bref une constitution digne des Tunisiens et qui donne un sens aux valeurs de liberté, de justice sociale, de générosité, d’ouverture et de tolérance. Je suis très optimiste car j’ai découvert ces dernières semaines une autre manière de faire de la politique, une manière festive, joyeuse, humaine et solidaire. Je n’en reviens pas.

La mobilisation sans précédent des Tunisiens et surtout des jeunes n’est pas pour étonner. Ils ont été le fer de lance de notre révolution et entendent bien continuer à occuper les avant-postes pour en préserver les acquis. De même, les femmes qui ont massivement pris part à cette élection ont voulu nous dire qu’elles ne sont pas en reste et qu’il faudra compter avec elles comme actrices à part entière dans tous les domaines de la vie publique. «La femme soumise, passive et craintive, c’est fini et c’est tant mieux», comme dirait l’autre.

Gageons que nos représentants à l’assemblée constituante sauront être à la hauteur de la mission historique que nous leur avons confiée.

Le 23 octobre est un jour mémorable à marquer d’une pierre blanche dans les annales politiques de notre grand/petit pays. Le jour où le peuple a recouvré sa souveraineté et est devenu maître de son destin. Nous pouvons désormais clamer qu’il fait bon être tunisien.

Un vote contre la misère

Quant à l’analyse des résultats du scrutin qui a vu triompher le parti islamiste Ennahdha, il faudrait être attentif à ce qu’en disent les «experts» en politologie, sociologie… Moi, je suis nul en politique et pas très fort en analyse sociologique. Mais j'ai observé le comportement de mes compatriotes ces derniers mois, sillonné ma région ces dernières semaines et supervisé une dizaine de bureaux de vote dimanche 23 octobre.

La majorité des Tunisiens a voté comme aurait voté n’importe quel individu accablé par la misère : misère économique, misère intellectuelle et misère morale ou spirituelle. C’est le quotidien de centaines de milliers de gens et le «miracle économique tunisien» ressassé en boucle des années durant ne fut qu’un leurre. Il est temps pour nous de regarder notre réalité en face et d’ôter les oeillères !!

Nul doute que les choses changeront lorsque le jeune homme du quartier sud de Barraket Essahel ou la jeune femme de la cité nord d’El-Kharrouba trouvera un emploi, pourra se marier et aura pour culture autre chose que la vulgarité et pour spiritualité beaucoup mieux que les sermons des imams de la chaîne Al-Jazira.

Voici l’énorme chantier qui attend les partis, qui aujourd’hui, pleurent sur le sort que le scrutin du 23 octobre leur a réservé.

* Hammamet.