Enigme ? J’ai employé ce terme parce que j’ai rencontré plusieurs personnes qui n’ont encore rien compris au résultat de cette belle équation Doustourna dont le résultat a donné un chiffre. Un seul : zéro siège.

Par Lassaad Mourali*


L’association ‘‘Le manifeste du 20 Mars’’ est née, parmi tant d’autres, pour créer un bloc fort de la société civile dont le but était de travailler sur un projet de constitution qui serait proposé aux listes (partis et indépendants).

La genèse d’un mouvement citoyen


Meeting de Doustourna.

A l’époque, il était hors de question (de la bouche de M. Ben Mbarek lui-même) de se présenter à une quelconque liste et l’idée de former un réseau encore moins. Des déplacements avaient lieu, ici et là, en Tunisie pour faire de la pédagogie, de l’information aux non-initiés, afin de les sensibiliser à l’enjeu de ces élections et au rôle crucial qu’une constitution pouvait avoir sur l’avenir d’un pays, en l’occurrence le nôtre...

Juillet 2011, à Mahdia, 350 personnes (d’autres associations se sont jointes) se sont réunies pour pondre une première constitution ‘‘Version 1.0’’. Version modifiable, sujette à des modifications et proposée sur le net afin que tout le monde puisse y apporter ses commentaires. Et tout cela dans une ambiance collégiale, bon enfant et surtout citoyenne et dénuée de calculs en coulisse (du moins c’est ce que j’ose espérer). Idée on ne peut plus avant-gardiste dans un pays où des gamins doivent se taper 10 kilomètres pour aller apprendre à devenir chômeur.

Une logique de parti


Jawhar Ben Mbarek sur Shems FM

La décision de se présenter et surtout de préparer des listes qui tiennent la route a été tardive.

Ramadan, août 2011, la boule de neige qui a grossi et roulé, roulé, jusqu’à permettre aux ténors (qui se comptent sur les doigts d’une seule main) d’être présents dans toutes formes de médias, de prendre leur bâton de pèlerin et de mettre l’accent presqu’exclusivement sur l’article 1 (sur 250 environ).

Entre temps, la machine Doustourna a été mise en place par des gens, dont plusieurs ont mis leur vie familiale et professionnelle entre parenthèses pour mener à bien ce projet.

Jusque là tout va bien. Mais… Et là je ne vais pas prendre de gants pour dire ce qui suit…

Le réseau a travaillé dans une logique de parti. J’ai souvent entendu des électeurs parler du parti Doustourna.

Les listes ont été créées à «la va-vite». La plupart des colistiers ne se connaissaient pas et étaient incapables de s’appeler par leur nom…

La logistique et les erreurs monumentales dans les préparations des outils «marketing» ont fait preuve d’une légèreté inégalée. Exemple, à Bizerte, la photo de candidat ne correspondait pas au nom, et j’en passe…

Le bureau exécutif a ignoré les remarques et conseils qui auraient pu éviter ces  erreurs.

Une affaire de famille ?

Sauf erreur ou omission de ma part, à part Jaouher Ben Mbarek, Ezzedine Hazgui, Dalila M’sadek, Souhir Fourati, on n’a vu aucun visage, aucune autre personne dans les plateaux télés et autres médias. Doustourna, presqu’une affaire familiale… Et pourtant, le vivier Doustourna regorgeait de personnalités plus ou moins importantes dans leurs villes qui auraient très bien pu avoir l’occasion de s’exprimer. Je suis désolé de devoir en parler ici, mais je ne comprends toujours pas cette stratégie du monopole.

Jaouher Ben Mbarek na pas cessé de parler en arabe littéraire en utilisant des termes très techniques s’adressant à un auditoire averti et convaincu. Que dire du citoyen lambda qui avait besoin qu’on lui explique «bel fella9i» à l’instar de ce qu’a fait Ennahdha en jouant une proximité, une vraie proximité que j’ai tant décrite dans de précédents articles…

Il se dit aussi en coulisse que certains membres de partis auraient voulu utiliser ce projet de constitution mais leurs «généraux» n’ont pas jugé bon d’accorder une importance à ces suggestions. Il est vrai que des marchandages allaient bon train pour se partager les postes dans le prochain gouvernement…

Les petites erreurs que j’ai énumérées ne prouvent pas que si elles n’avaient pas été faites, Doustourna aurait gagné quelques sièges. Quoique, avec 300 voix d’écart avec le Pdp, parti historique, peut-être que...

Ennahdha était gagnant d’avance. C’est un résultat logique et qui, avec du recul, ne me surprend pas.

Le malade est mort

Enigme ou inéluctable échec ? Que va faire Doustourna après ces élections ? Que va faire l’association ‘‘Le Manifeste’’ ?

Je sais qu’une réunion s’est tenue dimanche pour faire le bilan et parler de l’avenir. Mon petit doigt me dit que de logique de parti, ce réseau va finir par en devenir un malgré ce que l’on dit.

Pour mémoire, j’ai voté pour Doustourna car ma femme et ses (mes) amies se sont présentées sur une liste. Je me suis donc senti le droit et le devoir d’exprimer ici mon avis.

On ne peut pas dire que Doustourna, qui a ramassé 17.000 voix ou un peu plus sur 12 listes et sur 4 millions de votants, a gagné quand l’équation a donné pour résultat le chiffre ZERO. Juste de quoi remplir un stade. Un petit stade de football...

Et pour me répéter, je dirais à ceux qui prétendent avoir gagné et qui n’ont pas lu mes précédents posts qu’on ne peut pas dire «l’opération a réussi mais le malade est mort»…

* Directeur exécutif de Tanmia Haditha.