Fathi B’Chir* écrit - Les urnes ont parlé. Il vaut mieux être aujourd’hui un bon musulman. Si on ne l’est pas vraiment, il suffit de le laisser paraître. Pour être en phase avec « le 23 octobre », les Tunisiens ont inventé la «zabiba»1 effaçable…


Temps nouveaux, novelles habitudes. Mais nul besoin de changer de pratiques. Passée des louanges «bendiriennes» au «combattant suprême», la classe politico-médiatique tunisienne a su se reprendre le «7 novembre» et il a suffi, au cours des derniers mois, de remplacer cette clé magique de proximité avec le pouvoir en place par celle du «14 janvier». En sera-t-il ainsi au vu des résultats des élections du 23 octobre ? On peut imaginer sans trop de sérieux une publicité reprise par les grands médias du pays.

La piété, ça se travaille…  

Vous êtes Tunisien et soucieux de votre carrière… marqué par des années de frustration parce que la voie était bouchée par les Rcdistes, les Trabelsophiles. Vous n’avez pas su vous adapter à temps après le 7 novembre. Vous avez pris au sérieux le serment de Ben Ali selon lequel le pays va marcher comme un seul homme au profit d’un peuple mûr. Bref, depuis quelques années, vous peinez à monter l’ascenseur social malgré toutes les qualités que vous vous reconnaissez, mais incompréhensiblement ignorées par vos chefs. Les chefs sont toujours idiots. Ils sont comme les singes, plus ils montent (dans l’échelle sociale) plus on voit leur derrière. Tout rouge ou mauve parfois, peut-être vert demain. Cette couleur va probablement dominer et il serait donc temps de s’y conformer si on veut redémarrer sa carrière.

Point de départ : vous avez besoin de convaincre que vous avez une certaine valeur même si vous n’avez pas une valeur certaine. Le seul moyen est d’apparaître comme un pieux confit, un «mu’min». Sacrifiez votre petite bière ou votre coup de rouge. Au moins en public. Dieu peut voir partout, pas grave. Mais vos chefs ?

Il faut donc travailler votre apparence. Une idée serait déjà de ne plus mettre une cravate mais de boutonner sa chemise jusqu’au menton. Montrez aussi que vous êtes non seulement un pieux, mais aussi un bon gardien de la foi. Froncez le regard au passage d’une jeune fille qui vous semble «dénudée», même si elle n’arbore qu’un léger décolleté, pas impudique, juste féminin.

Faites le publiquement, de façon audible, en prenant à témoin les plus «coincés» autour de vous. Ne vous inquiétez pas, cela ne vous empêchera pas de fricoter si cela est dans vos habitudes et si l’occasion se présente. Beaucoup de filles voilées le feraient d’ailleurs pour cacher ce qu’elles sont réellement, elles le font pour se dédouaner par avance. «A’amal el fardh waonqob el ardh», n’est-ce pas la première des sagesses ?

A table, invité chez d’autres ou au restaurant, posez toujours la question, à haute voix, de préférence, pour le faire entendre à tous, si la viande servie est halal (même sachant qu’en Tunisie il n’y en a pas d’autre). Tout est halal en Tunisie.

Allah à toutes les sauces

Quand vous saluez, glissez constamment le nom d’Allah dans vos phrases. Ne dites plus «Sabah el Kheyr», mais «Sabahek Allah bel Kheyr». Ne dites plus «Aychek» mais «Allah y aychek». Ne dites plus «Attinikhobz» mais «Medni men naamat rabbi azzawajalla». Ne dites plus, «Quel est votre nom», mais «Eche samek rabbi»...

Ce qui compte, surtout, est que vous ayez l’air d’un bon musulman irréprochable.

Avoir la foi dans son cœur c’est bien (bien que ce soit un peu c… de se priver des joies de la vie, même simples comme aller à la plage, écouter une musique ou de déguster un bon «moussalssal»), mais paraître c’est mieux.

Ne soyez pas forcément musulman mais PARAISSEZ-LE.

Un seul signe : la zabiba (le nom est féminin, le masculin passe mal, à éviter).

Mais, alors, pourquoi s’encombrer d’un signe qui vous colle pour la vie. Le vent peut tourner. Autant rester souple, se préparer à tout changement, de la souplesse. Nous pouvons compter sur le génie des nôtres de savoir s’adapter et de rappeler la ligne de conduite philosophique d’un grand ami de la Tunisie, Edgard Faure, selon laquelle les girouettes sont toujours fidèles à leur serment qui est d’être dans le sens du vent. Le vent peut tourner, les girouettes restent fermes dans leur orientation.

Résolument, optez pour la zabiba effaçable, en décalcomanie.  

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* Journaliste tunisien basé à Bruxelles.

1- Marque noirâtre sur le front qui distingue les musulmans pratiquants.