Kilani Bennasr * écrit – Si les électeurs tunisiens n’ont eu que des promesses de la part des partis avant les élections du 23 octobre, le peuple restera reconnaissant à l’armée d’avoir servi tout le pays, les partis politiques.
Aussi, est-il opportun de constater avec beaucoup de regret que, tout le long de cette période post révolution, l’armée n’est citée que sporadiquement et, quand c’est le cas, c’est pour lui jeter des fleurs alors que le but n’est pas là. Ce qui importe le plus c’est la valorisation du rôle constitutionnel de l’armée et son institution.
Un pur esprit républicain
Si nous nous entendons sur le rôle clé que ne cesse de jouer l’armée en Tunisie depuis le 14 janvier, de manière spontanée «personnalisée», il va de soi qu’on pense dès à présent à créer les outils juridiques qui règlementent ce rôle.
L’armée tunisienne, commandée par une bienveillante élite patriotique, avait réagi par pur esprit républicain et non pas de circonstance, et ce n’est pas la première fois qu’elle se range du côté du peuple qui lui a toujours été reconnaissant.
Malgré la prestation exemplaire de notre armée, certains milieux politiques civils, au sein même du ministère de la Défense, et une partie de la société civile rejettent l’idée de déléguer à l’armée nationale le rôle (constitutionnel) de regard sur le gouvernement et de sauvegarde de l’Etat lors de la proclamation de la future 2ème république !
Cette attitude est non seulement impopulaire mais reflète malheureusement une culture anti-militariste, entretenue durant 60 ans par les ex-présidents Bourguiba et Ben Ali et aussi par certains militants de la gauche et des bourgeois victimes de la propagande colonialiste européenne.
Il est inadmissible de ne pas reconnaître à la «grande muette» son rôle de sauveur de la nation. Le refus d’obtempérer aux ordres de Ben Ali a incontestablement été déterminant dans l’aboutissement énigmatique du mouvement populaire du 14 janvier.
Un corps au four et au moulin
Depuis le début de la révolution, l’armée tunisienne a été en permanence au four et au moulin et, sans le concours de cette dernière, on ne s’imaginait pas une seconde là où nous sommes maintenant.
Parmi les grandes réalisations de notre armée depuis le 14 janvier, on peut citer le soutien de la révolution du peuple, la sécurité dans le pays à la suite de fuite de milliers de détenus des prisons civiles et la réticence d’agents de sécurité de rejoindre leurs postes, l’accueil des dizaines de milliers de réfugiés venant de Libye, la surveillance et la défense du territoire contre des incursions venant du sud depuis le début de la crise libyenne, le soutien logistique de l’épreuve du baccalauréat, la garde de toutes les installations sensibles et enfin la sécurité et le soutien logistique de la campagne électorale et des élections du 23 octobre 2011. Bref, sans notre armée la Tunisie serait encore paralysée et au point mort.
Ce qu’a réalisé l’armée tunisienne depuis le 14 janvier est grandiose comparé à ses moyens limités, destinés normalement à se défendre contre un ennemi extérieur, et aussi à son faible effectif.
Rien ne garantit qu’au futur la Tunisie ne se retrouverait plus dans une situation de crise ; l’armée ne devrait plus intervenir, in extremis, comme se fût le cas en début janvier 2011. Il faudrait donner à l’armée tunisienne plus de prérogatives juridiques dans le seul but d’agir systématiquement dans l’intérêt de l’Etat et pour faire respecter la démocratie en Tunisie, en cas de menaces.
* Colonel retraité.