Horst-Wolfram Kerll écrit – Dans cette tribune libre, l’ambassadeur d’Allemagne en Tunisie rend hommage aux Tunisien et réitère la détermination de son pays à accompagner la Tunisie dans sa transition.


Vox populi, la voix du peuple, a décidé, l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie) a annoncé les premiers résultats provisoires du premier scrutin secret, libre et démocratique en Tunisie et le monde vit une «Tunisie nouvelle».

En ma qualité de représentant de mon pays, mais également en mon nom personnel, il me tient à cœur d’adresser quelques paroles à mon cher pays hôte.

Un profond respect pour les Tunisiens

Suite à nos félicitations pour la révolution exemplaire, courageuse et pacifique en Tunisie qui sert comme modèle au-delà de ses frontières, contre un régime dictatorial, répressif et méprisant pour les droits de l’homme et après les propos de la chancelière fédérale allemande au cours de la dernière semaine après le premier vote libre en Tunisie, je tiens à renouveler, aussi en mon nom personnel, l’expression de ma grande estime et de mon profond respect à l’égard du peuple tunisien pour la préparation, l’organisation et le déroulement de ces élections le 23 octobre.

J’avais l’honneur et le grand plaisir de pouvoir visiter, en tant qu’invité, un grand nombre de bureaux de vote au cours de cette journée-là, et comme témoin, suivre de près et avec toute mon admiration, le déroulement calme et discipliné ainsi que l’atmosphère joyeuse mais également un peu solennelle caractérisant cette journée historique.

A évoquer dans ce contexte les grands efforts de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique (Hiror), sous la présidence du professeur Yadh Ben Achour, de l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie) présidée par Kamel Jendoubi, et également du gouvernement transitoire du Premier ministre Béji Caïd Essebsi qui ont réalisé de grandes choses.

Il est cependant dommage, si vous me permettez de le dire, qu’un bon nombre d’électeurs, et notamment beaucoup de jeunes électeurs, on préféré renoncer à faire usage de leur droit de vote. Sachant très bien qu’il n’existe pas un devoir de vote en Tunisie, je trouve qu’il y a aussi du vrai dans le proverbe allemand qui dit que «chacun est l’artisan de son propre bonheur».

Peut-être que quelques-uns d’eux seront prêts à réexaminer leur décision et changer d’avis quant à leur participation aux futures élections; une occasion leur permettant de décider dorénavant de leur avenir.

Accompagner la Tunisie dans sa transition

De la même manière dont je me suis exprimé à l’adresse de l’ancien régime, dans mon discours à l’occasion de la Fête nationale allemande en 2009, en citant une phrase du hadith du Prophète Mohamed «qu’on ne peut pas mener un peuple enchaîné au paradis», je dis aujourd’hui à l’adresse du peuple tunisien et à tous les futurs gouvernements que mon pays est et demeurera en étroite solidarité aux côtés de tous ceux qui, en vertu des objectifs de la révolution, si je les avais bien compris, œuvrent en faveur d’une véritable démocratie, liberté, droits de l’Homme, égalité de l’homme et de la femme, protection des minorités et tolérance vis-à-vis d’autres opinions et religions.

Tout aussi bien que, après le 11 septembre 2011, je pouvais au ministère fédéral allemand des Affaires étrangères élaborer un programme politique et culturel global visant à approfondir le dialogue avec les pays musulmans, l’Allemagne s’investit et s’engage maintenant activement dans un partenariat spécifique dans le processus de transition pour accompagner la Tunisie, si elle le souhaite bien, dans sa voie vers une liberté autodéterminée. Beaucoup de projets, soit dans le domaine politique et des droits de l’homme, soit dans le but de soutenir l’économie ou d’intensifier la coopération culturelle, sont déjà programmés et d’autres suivront dans l’avenir.

Pour un gouvernement d’unité ou d’intérêt national

Il est bien évident que l’Allemagne entrera maintenant volontairement et rapidement en contact avec un nouveau gouvernement tunisien, élu cette fois-ci par le peuple, même s’il s’agit d’abord d’un gouvernement transitoire jusqu’à ce que la Constitution se trouvant déjà dans un stade avancé de préparation, soit adoptée sous peu, mais dans un délai d’une année au plus tard.

Nous souhaitons à la Tunisie que les ambitions pour parvenir à une sorte de gouvernement d’unité ou au moins d’intérêt national ainsi que les consultations sur la base d’un large consensus, seront couronnées de succès. Comme il est de coutume à travers le monde, en Tunisie aussi beaucoup de belles paroles ont été prononcées au cours de la campagne électorale. Il est cependant de coutume aussi partout que les gouvernements seront jugés à la fin en premier lieu d’après leurs actes.

Quant à moi, je ne partage pas les soucis de quelques-uns, et notamment l’avis de quelques voix étrangères selon lesquelles il y a le risque que la Tunisie tombe d’un extrême, à savoir de l’autocratie dictatoriale du régime déchu, à l’autre extrême à savoir d’autres formes de non liberté et de non-égalité. Cela n’était pas du tout l’objectif de sa révolution. Et la Tunisie a, comme premier pays arabe, la vraie chance de prouver au monde qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre l’islam et la démocratie.

Je fais confiance aux décisions responsables des futurs gouvernements tunisiens de fournir tous les efforts pour le véritable bien-être du peuple dans le sens d’une vraie liberté politique et civile, d’une prospérité économique, d’une justice sociale et d’une société ouverte et tolérante.

Dans ce sens, tous nos meilleurs vœux accompagneront le peuple tunisien sur son chemin vers une Tunisie nouvelle, autodéterminée, démocratique et respectant tous les droits fondamentaux universels; une Tunisie qui peut servir une fois de plus de modèle pour beaucoup d’autres pays.