Mohamed Ben Arfa* écrit – les Tunisiens, pacifistes et hospitaliers, sauront traverser avec brio l’une des phases les plus importantes de notre histoire.


Oui, je suis enfin optimiste pour ma Tunisie au risque de surprendre certains. Malgré tout ce que je peux entendre par-ci et par-là, nous conservons toutes nos chances pour un avenir radieux. Certes, le chemin est très long et semé d’embûches mais toutes les conditions sont réunies pour réussir cette transition historique pour notre pays.

Je suis persuadé que tous les politiciens tunisiens sont conscients du vrai challenge qui nous attend : créer de la croissance. C’est cette croissance qui créera de l’emploi et qui permettra de déployer de la richesse pour les plus démunis. Alors la question est comment créer la croissance.

Aucun des présidents des pays développés n’a réussi à répondre à cette question et ils se sont obstinés à retarder les échéances, ce qui débouche souvent sur des crises économiques des plus violentes.

Attirer les investissements à valeur ajoutée

Pourtant la réponse à cette question n’est pas si compliquée pour des gens honnêtes et libérés de tout conflit d’intérêts. La croissance se mesure par les investissements à valeur ajoutée financière. Deux mots importants coexistent dans cette dernière phrase : l’investissement, donc des investisseurs locaux ou étrangers, et valeur ajoutée, donc réussite de l’investissement.

Investir signifie financer un projet sur lequel je tirerais du profit. La moyenne de profit est calculée en fonction de mon aversion du risque. Donc avant d’investir, je calcule au préalable les différents scénarios d’échec ou de réussite en pondérant par les probabilités de ces événements.

Donc qui veut investir en Tunisie et dans quels projets ? Je pense que nous avons trois atouts pour attirer les investisseurs étrangers :

- nous avons une nouvelle notoriété de pays démocrate et pieux : si on développe de «vraies» banques islamiques, nous pourrions attirer des financements des pays du Golfe dont les économies se portent bien grâce au pétrole mais aussi grâce à de bonnes gestions de leurs patrimoines. Il suffit de mettre l’expertise nécessaire pour répondre à leurs demandes.

La Banque africaine de développement (Bad) et la Banque islamique de développement (Bid) ont effectué une recherche très intéressante sur les modalités de financement islamique. Les «sukuk» à «ijara» semblent les solutions les plus pertinentes (avec un risque limité) pour attirer les financements des pays du Golfe http://ribh.files.wordpress.com/2011/10/services-bancaires-et-finance-islamique-en-afrique-du-nord-bid-2011.pdf;

- les Européens sont malmenés par une crise de la dette sans précédent : ils seront davantage attirés par de la main d’œuvre à bas coût et peuvent être intéressés de délocaliser leurs productions dans les pays émergents. La Tunisie peut en faire partie grâce à notre jeune démocratie. La sécurité sera aussi un argument de premier plan et nous avons tout intérêt à la conserver. Je reste optimiste vu les progrès réalisés à ce niveau depuis la révolution ;

- les Occidentaux (y compris les Américains) vont certainement participer à la reconstruction de la Libye voisine principalement pour tirer profit de ses ressources pétrolières. Ils auront besoin d’une main d’œuvre voisine et compétitive  (en termes de coûts).

Une fois les investisseurs potentiels identifiés, il restera à maquetter les projets.

Les projets touristiques et agricoles sont les plus classiques et ils ont fait notre croissance par le passé. Cette croissance était insuffisante et a entrainé la révolution du peuple parce que le président déchu en a dérobé une bonne partie, mais pas seulement.

Des atouts à mettre en évidence

Nous avons besoin de confirmer nos atouts mais nous avons aussi besoin de trouver d’autres projets à valeur ajoutée. Cette recherche doit s’inspirer des compétences des Tunisiens et de leurs expertises, principalement dans l’informatique, secteur où l'on produit des milliers d’ingénieurs mais aussi dans les services.

Nous devons plus que jamais attirer des sociétés offshore comme HR Access, Linedata, Sungard… qui ont besoin de nos compétences à bas coût et de bonne qualité. Les gros constructeurs automobiles ou spatiaux peuvent aussi être incités à délocaliser une partie de leurs productions. L’Etat devrait s’engager à fournir les conditions idéales à ces sociétés.

Enfin, on peut proposer d’autres projets par nos propres moyens intellectuels. Pour cela, nous pouvons créer des centres de recherche dans les textiles, dans les produits pharmaceutiques… Cela nécessitera beaucoup de patience mais on peut y arriver.

En conclusion, la situation économique en Tunisie est très claire. Les indicateurs sont au plus bas, mais on sait d’où on vient et on sait aussi où il faut qu’on aille. Il s’agit d’une nouvelle ère qui commence avec de nouvelles personnalités bien averties et démocratiquement contrôlées.

Je reste persuadé que les Tunisiens, peuple pacifiste et hospitalier, sauront traverser avec brio l’une des phases les plus importantes de notre histoire.

* Membre du parti de l’Alliance nationale pour la paix et le progrès (Anpp).