Dr Salem Benammar écrit – Les révolutions en Tunisie, Egypte et Libye seraient une manœuvre des wahhabites, soutenus par la France et les Etats-Unis, pour instaurer des régimes islamistes au sud de la Méditerranée.
Qui peut affirmer que la révolution libyenne a toutes les caractéristiques d’une révolution alors qu’elle a tous les attributs d’une contre-révolution ou plutôt d’un coup de force militaire néo-colonialiste impulsé par Cameron, Sarkozy et Obama avec l’aide active du Qatar ?
Les Libyens ont juste servi d’alibi ou plutôt de chair à canon. Des simples pions sur l’échiquier américano-wahhabite, véritable maître d’œuvres des opérations militaires et de lobbying international. On a concocté une habile mise en scène en laissant croire en apparence que le premier rôle était conjointement tenu par la France, la Grande-Bretagne et le Conseil national de transition (Cnt) libyen. Ceux qui occupaient les devants de la scène n’étaient en réalité que des figurants ayant pour figure de proue un philosophe va-t-en-guerre. Histoire de créer un écran de fumée médiatique et diplomatique et surtout de ne pas susciter la défiance et l’hostilité des opinions publiques occidentales voire arabes. On a habillé perfidement le Cnt de l’uniforme de pilote alors qu’il n’est qu’un simple faire-valoir pour justifier l’agression militaire sous couvert des Nations Unies.
Collusion entre wahhabisme et Occident en crise
La déclaration d’intention de nature constitutionnelle du Cnt qui ne laisse subsister aucun doute quant à la couleur idéologique de la soi-disant révolution libyenne vise surtout à faire croire publiquement que ce sont les Libyens qui sont les maîtres de leur destin politique.
Au-delà de tous les dessous de cette intervention militaire et impériale contre la souveraineté nationale de la Libye, on se doit nécessairement de retenir que l’exemple libyen est la parfaite illustration de la collusion entre le wahhabisme impérial et l’Occident en proie à la crise de la dette souveraine. A se demander même, avec la question libyenne, si l’on n’est pas en train d’assister à l’émergence de nouveaux acteurs sur la scène internationale avec un nouvel ordre international où les puissances occidentales en phase de déclin se muent en puissances-mercenaires monnayant leurs services au profit des monarchies pétrolières qui se découvrent des appétits hégémoniques sur les pays musulmans. En contribuant à l’instauration du wahhabisme dans l’espace musulman. Il n’est pas farfelu d’imaginer que l’Occident puisse y trouver un fabuleux vivier économique ou un nouveau relais de croissance pour ses économies en bout de souffle. La logique de guerre néocoloniale sera le prélude de la colonisation économique de cet espace.
En effet, tout indique que la déclaration d’intention qui témoigne du processus de la wahhabisation de la Libye ainsi que les visites saugrenues, impromptues et inopportunes alors que la situation sur le terrain est loin d’être normalisée, des deux VRP, Sarkozy et Cameron, les nouveaux Chamberlain et Daladier, ne peuvent que conforter notre thèse quant à la complicité active et fortement intéressée de l’Occident dans la mise en œuvre et la réalisation du projet impérial wahhabite.
Mainmise totale de la religion sur la vie
Quant aux Tunisiens qui semblent transformer leurs acquis révolutionnaires en des symboles de l’indignité nationale et de la déchéance morale, tout laisse à penser qu’au vu de l’état exsangue du pays, ils sont en train de céder inexorablement aux cris des faucons wahhabites dont les agents locaux sponsorisés par le Qatar et bénéficiant de la couverture médiatique d’Al-Jazira ne cessent d'en louer les mérites dans les mosquées du pays qui prennent pour l’occasion les allures pour certaines de véritables foires de campagne.
On se doit de reconnaitre qu’au vu des rapports de force inégaux en tout point de vue entre le mouvement Ennahdha et les autres forces politiques et qu’il y a fort à parier que la révolution des indignés ne soit qu'un marchepied pour l’instauration de l’hégémonie wahhabite sur le pays en attendant que viennent les tours respectifs de la Syrie et de l’Egypte et pourquoi pas de l’Algérie ?
Le wahhabisme n’aura qu’à tendre la main pour cueillir la souffrance et la misère des populations brimées, meurtries et ensanglantées par des siècles du despotisme théocratique. Favorisé pour cela par le manque de repères culturels des populations musulmanes, de leurs états de mal-être, de dénuements intellectuel et économique, de leurs conditions psychosociologiques d'éternels opprimés et soumis, avec la mainmise totale de la religion sur leur vie, ce qui les rend réceptifs aux thèses bigotes et fanatiques véhiculées par les activistes islamistes.
Les desseins impériaux des wahhabites
Il est saugrenu d’imaginer que des forces démocratiques modernes et républicaines vont réussir à aider ces masses frustes et frustrées à briser les chaines de leur état pathologique de dépendance vis-à-vis de la religion qui elle-même se prévaut du statut d’idéologie politique. Et par conséquent, du fait de sa position de première force politique dominante, elle ne saurait se résoudre à contribuer à l’éclosion de la démocratie au sein des sociétés où elle est souveraine. Dans un contexte où la religion est foi et cité et dont les gardiens du temple de la théocratie musulmane se font fort de renforcer le pouvoir politique de l’islam sur la communauté des croyants («umma» musulmane telle que cela figure dans l’article premier de la Constitution qatarie), il est évident qu’aucun parti politique non islamique ne peut contrecarrer les desseins impériaux des wahhabites qui grâce à leur essaimage idéologique dans le monde musulman constituent aujourd’hui la première force politique en Tunisie comme ailleurs.
Nonobstant sa gigantesque force de frappe financière. Ainsi, les bailleurs de fonds attitrés, qu’ils soient qataris ou saoudiens, dépensent sans compter pour contrer la marche en avant vers la démocratie des pays inféodés à l’islam.
Quoi qu’il en soit, ce sont bien les islamistes libyens sponsorisés par le Qatar qui vont devenir les nouveaux maitres politiques de la Libye avec des perspectives très sombres pour le pays à cause de la forte configuration tribale de la société libyenne. Il n’en demeure pas moins que le nouveau gouverneur militaire de Tripoli est un ancien jihadiste ex-pensionnaire du camp de Guantanamo.
Etouffer l’éveil démocratique
Les islamistes libyens de même que les Tunisiens ne font pas mystère de leur reconnaissance probable de l’Etat hébreu dont les wahhabites sont les vrais alliés objectifs à cause de l’Iran. La Libye wahhabite se veut demain le premier fournisseur de gaz naturel à Israël. A n’en pas douter que les sionistes et les islamistes œuvrent de concert pour faire échouer les révolutions arabes.
Il semblerait que le parti islamiste tunisien a bénéficié d’un financement occulte de l’ordre de 12 millions de dollars. Les uns comme les autres se livrent à un jeu de rôle pour créer une diversion, un jeu de fausse piste. Tous les deux poursuivent les mêmes desseins aidés pour cela par leur protecteur commun américain : étouffer l’éveil démocratique dans les pays soumis au diktat de la religion musulmane dans son expression politique.
Ainsi, tout est mis en œuvre pour faire du printemps dit arabe un hiver sibérien arabe. La démocratie ne sera qu’un vœu pieux du fait de son incompatibilité avec l’islam, un mirage dans cet univers aride et liberticide à cause de cette muraille étanche érigée par les forces obscurantistes, rétrogrades, régressives et félonnes.
A défaut d’accès à la citoyenneté, les peuples de l’hiver sibérien arabe pourront jouir de leur nouveau statut de sujets de seconde zone dans la nouvelle cité impériale wahhabite gouvernée par les suzerains qataro-saoudiens sous le regard approbateur de leur protecteur américain.