Jamel Dridi écrit - Désormais, les politiques tunisiens doivent tourner leur langue 7 fois dans leur bouche avant de parler. L’amateurisme en matière de communication n’est plus possible.


Bien évidemment que Jebali ne souhaite pas de califat. Bien évidement que ses propos ont été sortis de leur contexte. Et bien évidemment, les adversaires d’Ennahdha, qui ne sont pas des novices en politique, les exploitent à merveille en leur donnant un écho médiatique retentissant.

Les dérapages médiatiques contrôlés d’Ennahdha

Mais reconnaissons-le, ces propos ont bel et bien été prononcés. Et la question est pourquoi ? Pourquoi, effectivement, Jebali et d’autres cadres d’Ennahdha s’autorisent actuellement de telles sorties médiatiques en prononçant ici et là des phrases bien choisies (sur les mères-filles ou le califat, etc.). Pourquoi cela alors qu’ils savent très bien que, vu l’animosité dont est victime Ennahdha sur la scène politique, que certains vont utiliser leurs propos pour les faire apparaître comme des extrémistes tant sur un plan intérieur que sur un plan international ?

Surtout que de tels propos sont totalement incohérents avec ce qui a été dit et fait auparavant. En effet, Ennahdha a sans doute remporté l’élection en raison de la maîtrise de sa communication pendant la campagne électorale et de la modération dont il a fait preuve au moment ou d’autres faisaient de la surenchère sur la laïcité par exemple.

La réponse à la question de savoir pourquoi Ennahdha agit de cette façon est bien évidemment à rechercher ailleurs c’est-à-dire dans la stratégie politique de ce parti. Pour comprendre les dérapages médiatiques contrôlés d’Ennahdha, il faut regarder ce qui se passe un peu partout en Europe où les partis de droite sont débordés, en raison de la montée du racisme, par ceux de l’extrême droite. Afin de les neutraliser et anesthésier tant leur leader que séduire leur sympathisants, ces partis de droite n’arrêtent pas, depuis quelques années, et surtout juste avant les élections, d’avoir des discours radicaux, extrémistes et populistes. Bref, la bonne vieille maxime de Machiavel s’applique à fond. «Si tu peux tuer ton ennemi, fais-le ; sinon fais t’en un ami». Ainsi, ces partis de droite, par leur surenchère verbale extrémiste, en draguant et captant une majorité de l’électorat d’extrême droite «tuent» ces adversaires politiques et «encadrent» ces citoyens conquis aux thèses extrémistes.

Ennahdha et l’aile dure des islamistes tunisiens

Ennahdha, qui a maintenant gagné les élections, peut enfin commencer à «soigner» l’aile dure des islamistes tunisiens. Jebali, qui est un fin diplomate, ne recherche pas plus le califat qu’Abdeljlil voulait appliquer la charia. Les cadres d’Ennahdha, par leur propos provocateurs, ne font que couper l’herbe sous les pieds des vrais extrémistes musulmans en essayant d’attirer leurs sympathisants.

Et certains opposants à Ennahdha ne s’y sont pas trompés. Face à ces dérapages médiatiques contrôlés, ils ne cherchent pas la surenchère médiatique mais demandent à Ennahdha «d’apprendre à parler à tous les Tunisiens et non plus aux seuls sympathisants d’Ennahdha».

Même les chancelleries étrangères se taisent car elles savent que ce discours Ennahdiste visant à anesthésier son aile dure est le même que celui tenu par le Libyen Abdeljlil lorsqu’il a fait de l’exagération un marketing politique en annonçant que la charia allait s’appliquer dans son pays. Une manœuvre destinée là aussi à anesthésier et à calmer les religieux qui ont majoritairement combattu dans les rangs du Conseil national de transition (Cnt) libyen.

Cela dit, il faut faire attention, et Ennahdha doit savoir surveiller sa communication comme le lait sur le feu. Si la maîtrise de sa base exige ce type de sortie médiatique, les impératifs économiques, eux, exigent une certaine retenue.

En effet, les touristes étrangers lambda, les petits chefs des Pme européennes, peuvent ne pas comprendre la cuisine politique interne tunisienne et prendre pour argent comptant de telles déclarations. Ce qui brouillerait définitivement l’image internationale de la Tunisie et ralentirait encore plus la reprise économique.

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Tunisie. Ennahdha et la nécessité d’une communication maîtrisée

Jamel Dridi écrit - Désormais, les politiques tunisiens doivent tourner leur langue 7 fois dans leur bouche avant de parler. L’amateurisme en matière de communication n’est plus possible.

Bien évidemment que Jebali ne souhaite pas de califat. Bien évidement que ses propos ont été sortis de leur contexte. Et bien évidemment, les adversaires d’Ennahdha, qui ne sont pas des novices en politique, les exploitent à merveille  en leur donnant un écho médiatique retentissant.

Les dérapages médiatiques contrôlés d’Ennahdha

Mais reconnaissons-le, ces propos ont bel et bien été prononcés. Et la question est pourquoi? Pourquoi, effectivement, Jebali et d’autres cadres d’Ennahdha s’autorisent actuellement de telles sorties médiatiques en prononçant ici et là des phrases bien choisies (sur les mères-filles ou le califat, etc.). Pourquoi cela alors qu’ils savent très bien que, vu l’animosité dont est victime Ennahdha sur la scène politique, que certains vont utiliser leurs propos pour  les faire apparaître comme des extrémistes tant sur un plan intérieur que sur un plan international?

Surtout que de tels propos sont totalement incohérents avec ce qui a été dit et fait auparavant. En effet, Ennahdha a sans doute remporté l’élection en raison de la maîtrise de sa communication pendant la campagne électorale et de la modération dont il a fait preuve au moment ou d’autres faisaient de la surenchère sur la laïcité par exemple.

La réponse à la question de savoir pourquoi Ennahdha agit de cette façon est bien évidemment à rechercher ailleurs c’est-à-dire dans la stratégie politique de ce parti. Pour comprendre les dérapages médiatiques contrôlés d’Ennahdha, il faut regarder ce qui se passe un peu partout en Europe où les partis de droite sont débordés, en raison de la montée du racisme, par ceux de l’extrême droite. Afin de les neutraliser et anesthésier tant leur leader que séduire leur sympathisants, ces partis de droite n’arrêtent pas, depuis quelques années, et surtout juste avant les élections, d’avoir des discours radicaux, extrémistes et populistes. Bref, la bonne vieille maxime de Machiavel s’applique à fond. «Si tu peux tuer ton ennemi, fais-le; sinon fais t’en un ami». Ainsi, ces partis de droite, par leur surenchère verbale extrémiste, en draguant et captant une majorité de l’électorat d’extrême droite «tuent» ces adversaires politiques et «encadrent» ces citoyens conquis aux thèses extrémistes.

Ennahdha et l’aile dure des islamistes tunisiens

Ennahdha, qui a maintenant gagné les élections, peut enfin commencer à «soigner» l’aile dure des islamistes tunisiens. Jebali, qui est un fin diplomate, ne recherche pas plus le califat qu’Abdeljlil voulait appliquer la charia. Les cadres d’Ennahdha, par leur propos provocateurs, ne font que couper l’herbe sous les pieds des vrais extrémistes musulmans en essayant d’attirer leurs sympathisants.

Et certains opposants à Ennahdha ne s’y sont pas trompés. Face à ces dérapages médiatiques contrôlés, ils ne cherchent pas la surenchère médiatique mais demandent à Ennahdha «d’apprendre à parler à tous les Tunisiens et non plus aux seuls sympathisants d’Ennahdha».

Même les chancelleries étrangères se taisent car elles savent que ce discours Ennahdiste visant à anesthésier son aile dure est le même que celui tenu par le Libyen Abdeljlil lorsqu’il a fait de l’exagération un marketing politique en annonçant que la charia allait s’appliquer dans son pays. Une manœuvre destinée là aussi à anesthésier et à calmer les religieux qui ont majoritairement combattu dans les rangs du Conseil national de transition (Cnt) libyen.

Cela dit, il faut faire attention, et Ennahdha doit savoir surveiller sa communication comme le lait sur le feu. Si la maîtrise de sa base exige ce type de sortie médiatique, les impératifs économiques, eux, exigent une certaine retenue.

En effet, les touristes étrangers lambda, les petits chefs des Pme européennes, peuvent ne pas comprendre la cuisine politique interne tunisienne et prendre pour argent comptant de telles déclarations. Ce qui brouillerait définitivement l’image internationale de la Tunisie et ralentirait encore plus la reprise économique.