Nizar Chabbi écrit – La crise ouverte entre Téhéran et Londres annonce-t-elle une escalade entre l’Occident et l’Iran, dont le programme nucléaire de la république islamique serait la cible principale ?


La prise d’assaut de l’ambassade de Grande-Bretagne à Téhéran est peut-être le premier craquement annonciateur d’une rupture de l’équilibre fragile et précaire sur lequel reposait le Proche-Orient, un équilibre de la terreur qui reposait depuis des années sur une dissuasion mutuelle entre l’Occident et l’Iran.

Cet évènement est à lier avec un autre survenu il y a quelques jours, à savoir le démantèlement de deux réseaux distincts (liés ?) d’espions, l’un au Liban par le Hezbollah et l’autre en Iran. Selon plusieurs éditoriaux et chroniques, la Cia, l’agence de renseignement américaine, avance à l’aveuglette (le terme est de Robert Baer) au Liban depuis deux semaines et a reçu un coup très dur en Iran.

Il est fort à parier que le saccage de l’ambassade de Grande-Bretagne à Téhéran, aussi spontané qu’il put être, ait eu pour but pour les Iraniens de mettre à nu les activités des 3èmes services secrets occidentaux les plus actifs en Perse : ceux de sa majesté (les deux autres étant bien évidemment la Cia et le Mossad israélien).

Les joueurs d’échecs

Les Iraniens étant d’excellents joueurs d’échecs, les questions qui viennent à l’esprit sont nombreuses : sont-ils sûrs à ce point d’eux-mêmes pour faire monter les enchères à ce point ? Et auquel cas, quelle est la carte qu’ils cachent dans leur manche ? Ou alors, viennent-ils de commettre leur première erreur de jugement vis-à-vis de l’adversaire ? Erreur qui vient clore une longue partie d’échec plutôt menée de main de maître malgré tout ce que l’on peut en dire ?

Quel pourrait-être les réelles raisons à l’origine d’un tel évènement ? Car il est très plausible que cet acte ait bénéficié d’un certain laxisme ou laisser-faire de la part des autorités iraniennes… occasion de laisser pénétrer parmi les manifestants quelque agents du Vevak (ministère du renseignement iranien) avec pour ordre de fouiller des endroits précis.

Il semble que les Iraniens soient décidés à élucider, et qui sait, peut-être venger, les derniers sabotages dont a été victime leur programme balistique. En effet,  Israël est soupçonné d’avoir éliminé le général Pasdaran Moghaddam, numéro un du programme balistique iranien. Et pas plus tard que le lundi 28 novembre, aux alentours de 14h30 (je le découvre en écrivant ces lignes), une explosion a eu lieu à Ispahan, non loin (paraît-il) d’un centre d’enrichissement d’uranium. Evènement flottant d’ailleurs encore dans un flou artistique total.

Où mènerait l’escalade ?

L’Iran fait face en ce moment à une coalition de services de renseignements occidentaux qui a pris le pari de sous-traiter ses actions de sabotage via les Moujahdine Khalq, les opposants armés au régime islamique de Téhéran. Pari qui, semble-t-il, fonctionne puisque les Israéliens, car ce sont les réels commanditaires, de l’Iran ont peut-être trouvé le moyen de se payer le luxe de bombarder sans bombarder… le casus-belli en moins comme dirait un ami.

La situation est plus tendue que jamais car les Iraniens sont devant un choix cornélien : choisir l’escalade et réagir d’une manière ou d’une autre ? Auquel cas, ils ne savent pas jusqu’où les mènerait l’escalade. Ou s’abstenir, perdre la face, et s’exposer par conséquent à une fragilisation au niveau intérieur ?
L’avenir nous le dira.