Rachid Merdassi écrit – La Tunisie a été rétrogradée en une décennie du rang de 1ère destination africaine et arabe à la 5ème place après l’Afrique du Sud, Dubaï, Egypte et Maroc. Des pistes pour sauver cette industrie du naufrage.
Aujourd’hui que l’heure est grave et que le destin de milliers de familles est en jeu, le secteur a besoin plus que jamais de tous ses enfants qui ne peuvent souffrir plus longtemps d’assister en témoins impuissants au naufrage d’une industrie qui fut, hier encore, la grande fierté et le porte-drapeau incontesté de l’économie tunisienne et, compter sur un miracle qui viendrait de la seule administration ou d’un nouveau pouvoir politique, à l’idéologie ambiguë et aux antipodes de la culture touristique, pour un secteur aussi sensible aux aléas politiques et dont le destin se décide ailleurs qu’en Tunisie, relèverait de la gageure et du vœu pieux.
Un secteur dans une impasse
Que le tout puissant pardonne à ceux qui ont tout fait pour faire le vide autour d’eux en poussant les meilleurs d’entre nous, ceux qui ont tant sacrifié et donné, à jeter l’éponge par dépit devant l’arbitraire, la perfidie et les calculs mesquins et qui, par leurs choix et décisions unilatérales et malheureuses, ont engagé depuis un certain nombre d’années le secteur dans une impasse, voire une décomposition lente, prévisible et inexorable, faute de compétence, de vision du long terme et de ressorts d’adaptation aux mutations du marché et de la demande internationale, ne prenant pas la mesure, souvent par incompétence, des conséquences qu’une telle dérive allait engendrer sur l’avenir de cette belle industrie et par extension sur celui de tout un pays.
On a perpétué à bon escient et à tous les niveaux, les mêmes schémas, les mêmes méthodes, les mêmes discours ringards et démagogiques qui ont fait leur temps à un moment où les destinations touristiques se comptaient encore par dizaines et non par centaines comme c’est le cas aujourd’hui et le favoritisme, le clientélisme et le manque de professionnalisme ont fait le reste.
Aujourd’hui et à la lecture des ratios que dégage l’activité, le constat est sans appel et tous les indicateurs sont au rouge.
La Tunisie a été rétrogradée en l’espace d’une décennie de son rang de 1ère destination africaine et arabe à la 5ème place après l’Afrique du Sud, Dubaï, Egypte et Maroc qui nous surclassent et de loin, non seulement au niveau du nombre d’entrées touristiques mais aussi au niveau du nombre de nuitées, taux d’occupation et recettes en devises.
Un secteur malade de tant de dérives
Les ratios dégagés par l’activité touristique ne sont plus en mesure de soutenir les engagements contractuels des promoteurs hôteliers vis-à-vis de leurs banquiers et vis-à-vis de l’Etat s’agissant de la création et du maintien des postes d’emplois. Ces mêmes banquiers qui paient aujourd’hui le prix de la mauvaise politique en matière d’investissements touristiques et l’opacité et la complaisance, ont gangréné le secteur depuis sa création et l’Etat, placé devant le fait accompli, n’aura d’autre choix que de persévérer dans le maintien sous perfusion d’un secteur malade de tant de dérives, tant de mauvais choix et mauvaises décisions par le recours imparable à un énième moratoire sur les intérêts intercalaires des hôtels en sursis de banqueroute et ce, en vue de leur assurer un seuil minimum de survie et les habiliter à faire face au chantage de prix auquel ils seront soumis par les tours opérateurs (TO) durant les prochaines saisons.
Oser espérer atteindre une rentabilité au diapason de certains de nos concurrents directs supposerait le doublement du taux d’occupation actuel (48% dans le meilleur des cas) ce qui relèverait du rêve faustien en la circonstance et le recours récurrent à la clientèle tunisienne pour colmater les brèches et camoufler les échecs commerciaux n’est qu’une des preuves flagrantes de cette supercherie et entorse à la vocation et aux principes fondateurs de l’industrie touristique dans notre pays qui en font une industrie essentiellement tournée vers l’exportation et génératrice de devises dont le pays a tant besoin pour s’équiper et se développer.
La spirale infernale du bradage des prix
Le tourisme tunisien continuera pour longtemps à être l’otage de la spirale infernale du bradage des prix qui gangrènera sa rentabilité, faute d’avoir pris, dès le départ, son destin commercial en main par l’octroi aux promoteurs nationaux de TO à l’étranger des mêmes avantages et mesures incitatives accordées aux promoteurs de projets hôteliers en Tunisie.
Une telle politique volontariste, adossée à un soutien en amont et en aval des compagnies aériennes nationale et privées aurait certainement favorisé l’implantation, le développement et l’essaimage de structures commerciales nationales ou à capital mixte, viables et structurellement solides, sur les principaux marchés émetteurs à l’instar de la Turquie, Grèce ou Egypte qui leur emboite le pas.
Ceux qui persévèrent à invoquer l’alibi du manque de diversification du produit touristique et de la dégradation de la qualité du service pour masquer la véritable problématique qui demeure l’échec de nos politiques de promotion et de vente se trompent de combat car ils prouvent encore une fois qu’ils n’ont pas été dans les hôtels espagnols, égyptiens ou chypriotes pour ne citer que ces trois destinations concurrentes.
Le problème de la diversification, mal négocié et mal géré chez nous et agité en épouvantail d’une manière récurrente par les responsables du secteur n’est en vérité que l’arbre qui cache la forêt, eu égard à la forte prépondérance de la clientèle balnéaire familiale dans la segmentation des motivations de voyages et qui constituera pour longtemps la cible privilégiée de la Tunisie pour l’atteinte de ses objectifs quantitatifs d’abord, par l’amélioration substantielle, voire le doublement du taux d’occupation actuel et par extension la rentabilité du secteur.
Ceci ne peut se réaliser qu’au départ du marché européen d’abord et, parier, à ce stade sur la clientèle des marchés lointains et arabes du Golfe pour pallier ce déficit quantitatif, comme ne cesse de le répéter, à qui veut l’entendre, le chef d’Ennahdha, n’est qu’un leurre et démontre, encore une fois, à quel point nos futurs idéologues et gouvernants manquent du sens des réalités et auront intérêt à se la jouer modeste et à ne pas s’immiscer dans les affaires d’un secteur très technique qui n’est pas de leur ressort et compétence et qui en plus, est particulièrement sensible à l’idéologie et choix de société qui attendent notre pays.
Pour une bonne stratégie de sortie de crise
Par ailleurs et à ma connaissance, les TO spécialisés dans les produits structurants ou spécifiques se sont toujours plaints plutôt de la non conformité et négligence de la plupart de nos golfs et équipements aux standards internationaux, au mauvais balisage et absence d’animation dans nos sites culturels et historiques, de la dégradation et banalisation de notre produit saharien, de notre thalassothérapie et soins esthétiques livrés aux intrus et apprentis sorciers, le tout en l’absence d’un contrôle rigoureux et draconien de la part des autorités de tutelle fait par de vrais professionnels et à l’abri des connivences entre les intérêts particuliers et la grande hiérarchie administrative.
Mais là ne réside pas notre vrai priorité. Etant donnée la gravité de la situation actuelle, elle exige de toutes les parties un sursaut national salutaire, car la problématique 'produit', aussi importante qu’elle soit, ne pose pas un défi immédiat et serait l’apanage des spécialistes (Tunisiens car ils sont les mieux placés pour pouvoir diagnostiquer le mal) dans le cadre d’une restructuration en profondeur et mise a niveau de l’industrie qui s’attaquerait en priorité à son cadre législatif obsolète et à la base de ses longs errements et turpitudes et de la distorsion de sa vision de départ.
Pour l’immédiat, c’est d’une bonne stratégie de sortie de crise qu’il s’agit, assortie d’objectifs quantitatifs et qualitatifs qu’il faudra déterminer dans le cadre d’un conclave constitué par de vrais professionnels et spécialistes du domaine sous l’égide et non sous la tutelle du ministère du Tourisme, qui déterminera les grands axes stratégiques et les moyens humains et matériels à mettre en œuvre en urgence.
A suivre…