Rachid Merdassi écrit – La Tunisie a été rétrogradée en une décennie du rang de 1ère destination africaine et arabe à la 5ème place après l’Afrique du Sud, Dubaï, Egypte et Maroc. Des pistes pour sauver cette industrie du naufrage.
Aujourd’hui et avant de procéder comme à l’accoutumé à la dilapidation de nos moyens sur des campagnes d’image institutionnelle dont une bonne partie des budgets iront engraisser les agences de publicité sous forme de ristournes médias, commission d’agence et frais de production, il serait plus sage et plus indiqué d’établir les urgences et priorités avant de céder à la facilité et aux mêmes démarches classiques et hasardeuses.
Quelques pistes à explorer
Les quelques pistes ci-après peuvent être explorées, à titre de contribution, à la recherche d’une éventuelle stratégie du court terme pour redonner de l’espoir à un secteur en plein désarroi et qui ne sait plus à quel saint se vouer.
Deux objectifs doivent à mon sens disposer d’une priorité absolue :
- revenir au niveau de la programmation commerciale d’avant la révolution pour combler le déficit de l’année 2011 et parer à un désengagement encore plus dommageable des TO ;
- mettre en place une stratégie marketing et de communication, en partenariat avec les principaux TO qui sera tactique et entièrement focalisée sur le soutien des ventes et non, comme par le passé, diluée dans des concepts vaseux d’image sans aucun lien réel avec les besoins des TO et souvent en contradiction avec le timing de leurs propres campagnes de ventes, sans mentionner leur effet dévastateur sur les ressources budgétaires.
Ceci ne doit en aucun cas occulter, ni faire oublier la débâcle du tourisme tunisien qui a suivi la guerre du Golfe et de laquelle le secteur ne s’était jamais remis (chute des marchés allemand, anglais et hollandais en particulier) et qui devra faire l’objet d’une enquête spécifique pour en identifier les causes véritables et déterminer les responsabilités.
Aussi et pour ce faire, le tourisme tunisien doit, en ces circonstances exceptionnelles, faire preuve d’audace en transcendant les pesanteurs et freins de l’administration qui l’ont accablé tout au long de son parcours et qui sont la cause originelle de son déclin ; et voici quelques idées qui pourraient enrichir le débat en cours.
Pour un Conseil supérieur du tourisme
- Constituer un vrai Conseil supérieur du tourisme, organe neutre qui comprendra de vraies compétences avec de vrais spécialistes en marketing touristique, de vrais spécialistes en publicité et communication touristique, des universitaires et chercheurs en plus d’une instance, démocratiquement élue et réellement préoccupée par les intérêts de toute la profession et non pas par ses intérêts propres, ce qui a été toujours le cas. Ce conseil doit travailler en étroite collaboration avec les départements marketing et vente des principaux TO pour la mise en place de la stratégie ad hoc de sortie de crise et des moyens de sa mise en application. Il doit également encourager et appuyer les actions de lobbying auprès des décideurs ;
- S’attacher les services, sur chaque marché émetteur, d’un professionnel du tourisme local dont le rôle serait de participer à la mise en place de la stratégie marketing et de communication et le lobbying auprès des TO et réseaux de vente. Cette stratégie, adoptée avec grand succès par certains pays dont Dubaï, s’est révélée fort efficace au vu des performances et nombre de prix décernés annuellement à cette destination par la presse professionnelle. Les représentations de l’Ontt ne sont plus adaptées aux évolutions et ne disposent ni des profils ni de la compétence requises pour remplir cette lourde mission. Ce corps doit faire l’objet d’un débat et de réformes eu égard à son rôle déterminant dans l’application des politiques de vente et de communication du tourisme tunisien ;
- Recruter – par la Fédération tunisienne des hôteliers (Fth) et les fédérations régionales, appelées à jouer un rôle plus dynamique – d’anciens représentants chevronnés et ayant fait leurs preuves à titre de conseillers en marketing et communication. Ces anciens représentants apporteront en plus de leur expérience, technicité et réseaux relationnels, leur neutralité dans des instances souvent gangrénées par la suspicion et les intérêts propres ;
- consacrer tout le budget publicitaire pour les trois années à venir au soutien de la vente des TO dans le cadre de campagnes conjointes, combinant image et vente par le recours à un thème générique d’image, facilement identifiable par le client potentiel. Cette démarche sera conditionnée par un retour à une programmation d’avant-crise de ces TO, assortie d’un plan de développement triennal et matérialisé par des engagements contractuels fermes. Cette stratégie aura le double mérite, outre les économies d’échelle qu’elle permettra de réaliser, d’impliquer moralement nos partenaires TO qui mesureront le sérieux de notre engagement et apprécieront l’effet multiplicateur qu’une telle stratégie aurait sur leur propre exposition et communication sur la destination car, qui mieux que ces partenaires sait où et quand placer son argent ? ;
- Examiner les vraies causes, en vue d’y remédier, du désengagement des plus grands TO allemands sur la Tunisie qui ont été à l’origine de la chute catastrophique des entrées allemandes en Tunisie, qui nous a valu la perte de 400.000 clients ;
- Favoriser le retour sur la scène des grands spécialistes de la Tunisie qui ont fait la gloire de notre destination et que la rigidité de l’administration et le lâchage par certains professionnels en temps de crise n’ont pas encouragé à persévérer et à aller de l’avant (un tel projet n’aboutirait que grâce à un soutien robuste, volontariste et inconditionnel de l’Etat via la compagnie nationale appelée à jouer pleinement son rôle s’agissant d’une priorité nationale) ;
- idem pour la Compagnie tunisienne de navigation (Ctn) qui doit lancer, en hors saison et à longueur d’année, une opération «portes ouvertes» sur la Tunisie au départ des marchés italien et français au prix de 50 euros l’aller- retour (le manque à gagner sur le tarif réel sera comblé par plus d’agressivité des ventes duty-free à bord et par les dépenses en Tunisie).
D’autres pistes existent aussi et qui ne demanderaient qu’à être considérées et explorées loin des susceptibilités et formalisme stériles qui n’ont conduit le tourisme tunisien qu’à l’impasse actuelle et, c’est dans les moments difficiles que seuls l’audace, le mérite et les réseaux relationnels peuvent faire la différence.
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