L’auteur, ancien journaliste français natif de notre pays, souhaite que la Tunisie rédige une constitution postrévolutionnaire qui serait une inspiration pour les jeunes comme pour les vieilles démocraties.
Par Henri François
Nous y sommes. Dans moins d’un an, les regards du monde entier, principalement du monde arabo-musulman, devraient se fixer une fois encore sur la Tunisie. Et pour cause, car après avoir servi d’exemple, dans la liberté, à l’Egypte, aux Bahreïn et Yémen puis à la Libye et enfin à la Syrie, ce petit pays aura alors rédigé sa constitution, la postrévolutionnaire.
Une démocratie ni occidentale ni orientale
Quel parfum aura ce texte destiné à réglementer le quotidien de plus de dix millions d’individus ?
Sera-t-il abreuvé par d’autres démocraties (ou soi-disant telles) éparpillées sur la planète ?
Fera-t-il faire à cette nation un retour en arrière regrettable en s’inspirant massivement d’une religion, l’islam ?
Ou bien sera-t-il une exception, une innovation qui pourrait alors inspirer largement ceux qui auront à bâtir, les nations qui ont suivi la Tunisie dans la chasse (réussie) au dictateur ?
Pourquoi ne pas jouer une nouvelle fois, et là surtout, les précurseurs. Du neuf en la matière, compte tenu des limites et ainsi les larges défauts qu’ont laissés apparaitre, ici et là, les démocraties à l’occidentale ou à l’orientale, les républiques dites laïques et celles dites religieuses, seraient corrigés.
Liberté, égalité, citoyenneté, participation, laïcité et équité ?
Les maîtres mots, les piliers des peuples d’avenir.
De simples mots que le pays, celui du moindre village rural jusqu’à l’autre, celui des villes et du littoral, doit apprendre le sens profond tout en conservant envers et contre tous, ses traditions et ses multiples racines.
Afin de réussir, dans une intelligence collective si possible, SA Révolution et bâtir le vivre ensemble sainement. A sa façon et non celle des autres, y compris ceux qui logent de l’autre côté de la Méditerranée et qui sont appelés à être secoués par de profonds remous.
La liberté de l’individu ? Au sein de la nation, elle ne doit en aucun cas prendre le dessus sur celle du voisin.
L’égalité ? Reconnue enfin dans les rapports homme-femme tout d’abord puis en matière de justice qui se doit d’être indépendante du pouvoir politique.
La citoyenneté… et le civisme ? Des qualités complémentaires dont doivent s’imprégner scrupuleusement tout un chacun dans un Etat de droit. Avoir des droits mais respecter les règles nécessaires (et consenties) à la «vie en commun».
La participation ? Supposer, à travers des mini-structures implantées sur tout le territoire, la profonde connaissance, par les citoyens, des graves problèmes au quotidien de chaque parcelle de la nation afin de les faire remonter jusqu’aux instances de décision pour en exiger des solutions.
La laïcité ? Donner à chacun la possibilité de pratiquer la religion de son choix en toute liberté sans que celle-ci ait à empiéter sur l’équilibre et la gouvernance de la nation, tout en interdisant, scrupuleusement, dans tous les secteurs et établissements de distribution du savoir et des connaissances, des signes ou attitudes de communautarisme, religieux ou autre.
L’équité enfin ? Par la loi, ou toute autre réglementation, introduire dans les différentes couches sociales du pays le fait que les plus puissantes d’entre elles (hiérarchiquement ou financièrement) s’engagent à respecter les intérêts des plus défavorisés dans la distribution équitable des richesses et des salaires.
Un bien beau rêve !!!
Eternelle utopie ou beau projet à réaliser
Hélas l’homme – et surtout l’homme politique donc de pouvoir – étant ce qu’il est, il sera difficile pour les premiers élus libres de ce petit pays, qui ont été depuis toujours privés de réflexion et de parole, de construire, autour de tels mots-clés, ne serait-ce que l’ersatz d’une constitution à nulle autre pareille.
Il leur sera par exemple difficile de supprimer à tout jamais la «profession d’homme politique», en interdisant à tout élu – quel qu’il soit, du président de la république jusqu’au maire, en passant par les ministres et députés – d’effectuer plus de deux ou trois mandats consécutifs de quatre ou cinq ans, et, qu’une fois ceux-ci accomplis, la fonction leur sera alors définitivement interdite. Un excellent remède contre la corruption de haut vol.
Tout comme il leur sera difficile de séparer à tout jamais politique et religion, totale égalité entre les hommes et les femmes dans tous les actes et les secteurs de la vie, y compris salaires et surtout héritage, d’admettre que la justice soit indépendante du pouvoir. Que ce dernier, même au plus haut degré, c’est-à-dire celui du président de la république, élu au suffrage universel, puisse être remis en cause en cours de mandat, par la volonté du peuple ou de l’assemblée nationale.
N’accepter qu’une poignée de partis politiques ainsi que deux ou trois syndicats, un nombre réduit de députés et de ministres, rogner sur les fastes du pouvoir, le rendre plus humble, à l’échelle humaine, proche du peuple, faire enfin de l’éducation nationale l’un des fleurons majeurs du pays… etc.
Eternelle utopie diront certains. Et pourquoi un rêve réalisé. En Tunisie, justement ?