L’auteur évoque ici une question qui a son importance. C’est celle de la courtoisie, du protocole et des nouvelles habitudes de la nouvelle Tunisie.
Par Rached Mahbouli
Je voudrais évoquer dans cet article toutes les considérations qui sont urgentes à déterminer pour uniformiser les réactions des nouveaux dirigeants et éviter de vivre des situations inconfortables qui peuvent paraître offensantes, notamment dans nos relations avec les Etats étrangers.
L’idée m’en est venue à partir de quelques remarques que je me suis faites depuis quelque temps. En voici deux exemples récents.
Au-delà de l’uniforme, le symbole
D’abord, l’affranchissement du président de la République de la cravate marque on ne peut mieux la rupture avec les usages qui ont prévalu jusque là. Résolument tourné vers l’Occident, le protocole diplomatique de notre pays prenait référence sur les habitudes en la matière des «cours européennes».
A part quelques exceptions, les usages étaient pratiquement calqués sur ceux de la France. Sachant qu’en la matière, la diplomatie de ce pays avait de solides et vieilles traditions établies depuis bien longtemps, depuis le seizième siècle et François 1er, je crois bien. Cependant que la puissance impériale française ne faisait qu’en imposer davantage. Le milieu diplomatique parlait français, et au niveau des traités internationaux la version française faisait généralement référence.
Habib Bourguiba
Pour ce qui concerne le changement décembriste, s’écartant du «Attahawel al moubarak» novembriste, le président a associé dans une logique peu choquante l’abandon de la cravate et l’adoption du «barnous» (et non burnous comme le veut l’usage francophone), avec en prime pour sa première photo présidentielle le signe international de la joie ou de l’espoir de la victoire.
En ce qui me concerne, je n’ai nullement été choqué par l’absence d’un symbole et la présence de deux autres. Peut-on espérer par là l’appropriation d’une nouvelle identité ou plutôt le recouvrement de nos propres symboles ?
Le deuxième exemple est relatif à l’ordre des mots observé dans la formule finale prononcée par le chef du gouvernement. Je cite : «Il est temps de se mettre au travail, vive la Tunisie, vive la révolution, vive l’Etat démocratique».
Là encore on s’écarte des usages français et de ceux qui prévalaient antérieurement puisque dans ces deux cas on terminait immanquablement par un triomphant : Vive la France ou Vive la Tunisie.
L’ordre des mots, la symbolique des dates
Maintenant, il faudrait codifier les usages pour qu’ils soient bien respectés par les protagonistes : autorités tunisiennes et étrangères. Il s’agit notamment des usages concernant les paroles et diverses formules employées dont les formules de politesse, lesquelles sans être obséquieuses doivent être significatives. Et à l’intérieur d’une phrase jusqu’à l’ordre des mots, comme dans l’exemple cité.
Il s’agit aussi de multiples autres faits, gestes et situations : protocole de la table des convives officiels, type de boissons servies (alcoolisées ou pas), interruption ou non au moment des prières, usage de certaines formules telles que la «basmala», la «hamdala»... ainsi que l’ordre d’évocation du genre des Tunisiens. Ici encore il y a différence. Quand en France, par exemple, on dit Françaises, Français ; en Tunisie, on dira Tunisiens, Tunisiennes.
C’est dire que cet ensemble d’usages doit reposer sur des principes bien convaincants et bien compris par tous.
Rappelons pour l’histoire qu’une faute présumée de protocole, concernant le placement de Wassila Ben Ammar par rapport à Moufida Bourguiba, successivement la seconde et la première femme de Bourguiba, à la table lors d’une cérémonie présidentielle, a coûté la place à l’élégant chef du protocole d’alors Monsieur Hédi Ben Mustapha.
Mais, je vous en convie, oublions la question du protocole concernant les femmes : leurs toilettes, coiffures, places, grimaces, faut-il leur serrer la main ou pas..., car cela risque de nous attirer quelques désobligeances. Optons donc pour les oublis salvateurs. Bénéfiques, surtout en ces fins d'années. Là encore les Tunisiens devraient-ils se réjouir de 2012 ou de 1433 ?
Retournons à nos moutons (pas de l’Aïd). Effectivement les Tunisiens s’impatientent.