Fathi B’Chir* écrit – Que faire lorsque la démocratie impose des limites légitimes à l’action face à l’obscurantisme qui étale progressivement son voile noir sur le monde ?
La démocratie oblige à des règles de conduite qu’il faut impérativement respecter au risque d’y sacrifier le respect de soi même. Une bonne partie des gens, notamment parmi les jeunes, pourrait être tentée par l’appel à une répression qui, certainement, ne règlera rien sur le long terme.
Appeler la police ou l’armée à la rescousse ? Le remède serait pire que le mal. Car, une fois sorties de leurs casernements, les forces armées éprouvent souvent de la réticence à y retourner.
Les intégrismes de tous bords
C’est de cette réserve dans l’action manifestée par les gens sensés que les extrémistes de tous bords, de toutes confessions ou chapelles tirent leur force : jouer de la démocratie, profiter de ses largesses et savoir que ceux qui sont face à eux sont désarmés par ces mêmes règles démocratiques.
Que faire contre ces sectes de toutes confessions, ces pseudos églises américaines qui gangrènent la chrétienté, aux Etats-Unis bien sûr mais aussi au sein de franges chrétiennes africaines, au Congo (Zaïre) notamment ? Que faire contre ceux qui, au nom de Jésus, maintiennent un esprit colonial et de rejet racial même s’il est souvent très léger dans son expression, dans la condescendante de tous ces «donneurs de leçons» si sûrs d’eux et de leur science ?
Que faire contre ceux qui puisent argument de la richesse de leurs économies, qui pillent les ressources de la planète, réduisent d’autres peuples à la faim, empoisonnent la nature, altèrent l’eau et l’air, la nourriture et les médicaments ?
Que faire contre ces intégriste juifs qui, assurés de leur bon droit et de la conviction que Dieu leur a confié une mission élitaire, écrasent un autre peuple, cultivent la haine au risque d’y perdre leur propre âme ? Eux qui ont pourtant subi la pire des expériences de dérapage du genre humain.
Que faire contre ces intégristes hindouistes, contre tous les autres croyants qui font de l’objet de leur adoration une arme mortelle. Cela vaut aussi pour les musulmans en Afghanistan, Iran, Arabie Saoudite, dans le Golfe, au Yémen et en Somalie, et bientôt en Egypte, au Maghreb et dans les banlieues européennes qui lisent le Coran d’une étrange façon ou se focalisent essentiellement sur ses chapitres les plus discutables au regard des valeurs universelles actuelles, les archaïsmes de la pratique que recèlent certaines références et prêtées à Dieu ou à ses prophètes.
Que faire contre ceux qui, nantis par le hasard et la puissance de leurs revenus tirés de l’extraction de l’huile de pierre, réduisent d’autres peuples à la servitude et à la prostitution ?
Sûrs, comme les tenants de l’extrême droite juive ou chrétienne de détenir la vérité, leur «vérité» ou celles qu’ils croient tirer des textes sanctifiés, ces nouveaux «musulmans» si peu musulmans comparés à nos aïeux, harcèlent le bon peuple, le menacent ou, au moins, empoisonnent son existence. Et, surtout, visent les femmes, en particulier les jeunes filles fragiles, cibles privilégiées de ces «éducateurs» aux motivations douteuses.
Consensus universel inquiétant
Qu’ont fait les femmes pour être, dans une sorte de consensus universel inquiétant, pointées du doigt par toutes les croyances ? Dieu serait-il l’ennemi des femmes pour ainsi recommander, partout, de les enfermer, de contenir leur «rage naturelle», leur «perversité» intrinsèque, de les défendre contre elles-mêmes, de faire de leurs faces et de leurs chevelures un objet de honte à ne pas exhiber en public ? Le Dieu ou les Dieux invoqués par diverses religions serai(en)t-il(s) adepte(s) d’un extraordinaire «apartheid» anti-femmes, a priori en totale contradiction avec le message d’amour et de dignité prôné par ces mêmes «hauts puissants» dans leurs écrits ou révélations ?
Que faire aussi contre ces populistes, empruntant à la religion ou non leurs bases de légitimité, qui manipulent leurs peuples : Russie, Italie de Mussolini et pour finir, moins porteur de conséquence, de Berlusconi, l’Allemagne de Hitler, la Biélorussie, la Corée du Nord, nos chers dictateurs arabes, tous ces «commandeurs de croyants» ou «gardiens des lieux sacrés», boutiquiers gérants d’émirats-supermarchés, la liste serait longue à évoquer ? La dictature de Wall Street et autres lieux de profits mal acquis...
Que faire contre ces prurits de l’humanité? Certains pensent qu’il ne faut rien faire et sont prêts à se «coucher» par crainte ou par intérêt. Prêts comme les girouettes à rechercher le sens du vent.
Que faire ? Rien, sinon militer par l’éducation politique et culturelle, par la solidarité, ouvrir les portes cloisonnées mais ne pas espérer le paradis pour soi mais pour les générations à venir.
Il y a des jours où l’on regrette l’absence d’une planète de rechange.
Loin d’être un message de désespoir mais face à l’insondable «connerie humaine», sa totale irrationalité (tous ces gens qui croient à l’extraordinaire fable – qui se rapporte à affabulation – relatée par toutes les croyances irrationnelles) ce texte témoigne d’un relatif découragement. Un message inquiet qui n’entame cependant pas la détermination à ne pas se laisser sacrifier comme l’agneau de l’Aïd ou de Pâques.
Partout dans le monde un «choc des civilisations» est en train de se produire et de monter en intensité. Il ne se produit pas selon des lignes de partage géographiques mais au sein de chaque société, communauté humaine. Entre les gens du passé et ceux de la modernité, entre les tenants de croyances fabuleuses – ou affabulatoires – et ceux qui adhèrent à la raison et à la puissance créatrice du doute scientifique.
Pourquoi ne suis-je pas né poisson rouge ?
Non, je vais plutôt me replonger dans ce petit livre qui secoue l’émotion collective sur notre planète dû à un homme qui s’apprête à lever l’ancre durant la décennie à venir. «Indignez-vous», recommande Stephane Hessel. Ce vieux monsieur né au début siècle précédent, pourtant juif, y explique que la situation en Palestine est pour lui sa «principale indignation» dans le monde. Or, tout mérite indignation. Toute la planète est désormais Palestine. Nous sommes tous partout sur des territoires graduellement occupés par les forces de l’obscurité.
* Journaliste tunisien basé à Bruxelles en Belgique.