Abdallah Jammoussi écrit – En matière de démocratie, il n’y a pas de recette prête. On la façonne sur mesure sur la base du respect mutuel, sans lequel elle n’est pas possible.


La démocratie n’est pas l’invention de l’Occident, vis-à-vis duquel il était devenu synonyme de piété, le fait de prendre une distance – sauf que dans les faits, ce serait le contraire qui arrive.

La démocratie est l’instrument le plus rudimentaire qui soit et vieux de la vieillesse de la civilisation humaine. Conçu à Carthage, il fut adopté par la suite par les Grecs. C’est Aristote qui en a parlé. Mais, avant qu’il y eût démocratie, il y eût ou l’anarchie ou la dictature.

Le malaise de la civilisation

Le classement des révolutions dans la catégorie de régimes à part, en prenant comme exemple «la commune de Paris», ne doit occulter que les communards furent matés, aussitôt, par Napoléon. Ce n’était, pourtant, pas un accident de l’Histoire.

Des phénomènes clairières intermittents avaient ponctué l’Histoire, tels que la révolte des esclaves de Rome, l’avènement des prophètes, mais qui ne durèrent que peu de temps, pour céder la place au règne oligarchique.

Toujours, à propos de l’outil du règne inauguré sous le nom «démocratie», je dirais que l’efficacité de l’outil dépend de la main de celui qui en fait usage. Autant dire de certaines dictatures, dont celles instaurées au nom du peuple. Je m’en tiendrais au communisme, au nom duquel on investissait les bénéficiaires démunis pour la gloire de la doctrine marxiste ; autant dire : les asservir, pour produire plus de misère et moins de bien-être.

Mais, à priori, qui était toujours derrière ce malaise de la civilisation ? N’est-ce pas l’Homme lui-même ? On me répondra que l’homme est une entité abstraite, un concept nébuleux et même vague. J’en consens, tout de même. Mais peut-on nier que ce qui nous réunit autour de la même table est ce qu’on nomme par euphémisme «l’intérêt» et grossièrement «profit» ? Mais de quoi se ressource cette pulsion opportuniste ?

Il me semble que c’est de toute une culture fondée sur le pragmatisme et dont on ne savait à quoi elle tenait au juste, ni combien de temps elle aurait pris, avant qu’on eût à la découvrir.

Le profit n’est pas le fruit d’une conspiration dans l’Histoire, il est imputé à la place que nous occupons dans le monde des règnes, et de surcroît, devenu complexe. L’homme n’a pas terminé son évolution. Des conditions durent l’empêcher de s’accomplir et même le tracter en arrière. Et pour preuve, nous serions tous nostalgiques de cette ère primitive : l’ère de l’intimité humaine, où tous les membres de la tribu se partageaient le butin de la chasse et de la cueillette, dans une ambiance de fête, et où l’on vivait dans l’harmonie et la symbiose. Et ce n’est pas pour rire que je considère cette époque, le référent du paradis incrusté dans notre inconscient collectif. A cette époque, la cupidité, la convoitise, et l’opportunisme n’étaient pas à l’ordre du jour et même, ils n'avaient pas de place dans le registre.

Pour revenir à la démocratie, il n’y a pas de recette prête. C’est sur mesure, qu’on la façonne, car elle équivaudra le respect que nous éprouvons envers nos semblables et en particulier ceux vis-à-vis desquels nous avons des devoirs à accomplir en vue de survivre et se partager le bien-être. Cet engagement implique que l’on dispose d’un niveau intellectuel permettant d’assimiler le sens du respect mutuel ; sans lequel, aucune démocratie n’est possible.