Dr Lilia Bouguira écrit – Je crois que je vais promener mes blessés du côté de chez vous pour faire la manche et les soigner !


«Ya karim mtae Allah» (aux bienfaiteurs de Dieu)
Les arbres font les morts, les hommes aussi.
Un hiver cuisant gerce les volontés.
Un ascétisme mauvais monte et nous envahit.
Chacun se remet graduellement dans son monde sans grande difficulté.
Je tâtonne, je palpe, je tire par à-coup.
Un lait putride remonte du fond de la terre.
Des plaies par balles que Dieu n’a pas faites mais que l’homme fait.
Des peaux macérées, des trous noirs sur des membres fantômes.
Des semblants de vie sur des moignons d’hommes.
Des rires bons enfants sur des souvenirs déjà loin.
Du temps où l’invalide assurait les revenus.
Des familles frappées en plus de leur malheur par la nécessité.
Un mioche qui braille et qu’on ne subvient plus.
Des idées morbides sur des envies de tuer.
Une rage rugissante renvoie au gouvernement.
Les partis politiques font la sourde oreille.
La société civile se malmène maladroitement.
Mon chagrin et ma douleur sont grands,
Parce que les hommes sentent la pourriture et la trahison,
Parce que les héros doivent se travestir sinon se prostituer,
Parce que nos morts embaument la lapidation et l’oubli,
Et que je ne possède que ma plume pour les déterrer.
«Ya karim mta Allah»,
Veux-tu encore me donner ?
Je crois que je vais promener mes blessés du côté de chez vous pour
faire la manche et les soigner !