Leila Baccouche* adresse une «Lettre ouverte à M. Samir Dilou, ministre des Droits de l’homme et de la Justice transitoire», pour qu’il condamne les propos racistes proférés contre les Juifs il y a deux jours à Tunis.


Mr le ministre,

Je vais être brève car je ne suis pas spécialiste en la matière. Je suis une militante de l’après-révolution, soucieuse de défendre son pays contre toute forme d’obscurantisme et toute atteinte au processus de transition démocratique, mais une militante déterminée et de tous les combats.

Permettez-moi de rappeler que la discrimination raciale est une atteinte au principe d’égalité, suivant lequel «les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit» (Article 1 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789).


Manifestation de salafistes devant la synagogue de Tunis en février 2011

Parmi les infractions de discriminations raciales, nous trouvons :
La provocation à la discrimination, à la haine, ou à la violence raciale, et que la loi sanctionne les provocations contre une personne ou un groupe de personnes, en raison de leurs origines, de leur appartenance ou non appartenance à une ethnie, nation, race, ou religion déterminée.

Or, jeudi 5 janvier 2012 à l’aéroport de Tunis-Carthage, lors de l’accueil réservé au chef du gouvernement du Hamas, Ismail Haniyeh, des slogans incitant à la haine raciale ont été scandés et enregistrés dans une vidéo qui circule sur le net. Ces slogans incitaient au renvoi et au meurtre des juifs («Tard Al-Yahoud Wajeb ; Qatl Al-Yahoud Wajeb»).

Même si cet acte est isolé, il n’empêche que ces slogans ont été lancés par plusieurs dizaines de personnes dans un lieu public et devant témoins. La Palestine est une patrie dont nous portons la cause dans notre cœur, nous condamnons l’Etat sioniste d’Israël, mais aucun amalgame ne doit être fait entre les Sionistes et les Juifs.

Les Juifs tunisiens constituent, avec nos ancêtres les Berbères, les plus anciens habitants de ce pays. Plusieurs familles juives tunisiennes continuent d’y vivre et ont soutenu la Tunisie après la révolution alors qu’Israël leur avait lancé un appel pour rentrer au pays.

Bien que minoritaires, les Juifs tunisiens sont des citoyens tunisiens à part entière.

A l’heure où nous nous apprêtons à réviser notre constitution, il est souhaitable que vous condamniez cet acte tellement honteux pour la Tunisie connue pour sa tolérance et ses 3000 ans d’histoire.

* Universitaire.