Le nombre d’années passées en taule ou en exil à l’étranger peut-il constituer un critère sérieux pour le choix des ministres chargés de gérer la période la plus difficile par laquelle passe le pays ?
Par Dhafer Charrad
Une anecdote, pour commencer : Abdelwaheb Ben Ayed, Pdg du Poulina Group Holding (Pgh), qui, en à peine 20 ans, a réalisé des miracles en transformant un simple atelier en un des fleurons économiques d’Afrique, me disait toujours : «Je ne respecte que ceux qui sont meilleurs que moi dans leur domaine».
Il le pensait profondément et le matraquait à tout instant : ça boostait énormément et seuls les vrais compétents pouvaient durer avec lui pour décoller et réussir au sein de Pgh ou facilement ailleurs.
L’intelligence au pouvoir
C’est dire l’importance et l’indispensabilité de l’intelligence et d’une véritable et réelle compétence pour toute réussite.
En cette période difficile que traverse le pays, sur les plans économique, social et politique, nous sommes dans l’obligation de faire participer et d’impliquer les meilleures compétences du pays, mais est-ce vraiment le cas ?
Hamadi Jebali reçoit les membres de son gouvernement
En 1956, au lendemain de l’indépendance de la Tunisie, le critère de choix de nos gouvernants était le degré d’implication dans la lutte pour la libération du pays.
En matière de compétence, ça ne posait pas de problèmes, car cette lutte était menée par des gens extrêmement cultivés représentant la crème du pays et le charisme, la maitrise et l’intelligence politique, au cours de la période très trouble d’après révolution, de Béji Caïd Essebsi – qui n’était que l’un des nombreux collaborateurs de Bourguiba – en dit long sur la valeur de nos gouvernants.
En 1987, le critère de choix était devenu le degré d’implication dans le complot ayant destitué Bourguiba et la complicité et/ou la proximité des gens vis-à-vis de Zine El Abidine Ben Ali.
Les personnes, sûrement compétentes dans leurs domaines, étaient confinées au palais, pour inventer et concocter tous les stratagèmes possibles et imaginables, pour permettre à Zaba et ses proches de s’enrichir, le reste des compétences avaient pour tâches obscures de cacher l’objectif du travail des premiers, d’essayer de donner une fausse belle image du pays et de ses gouvernants et de réprimer ceux qui voulaient montrer et prouver le contraire.
En 2011, on a l’impression que le nouveau critère principal est presque devenu le nombre d’années passées à l’ombre ou en exil à l’étranger et que la compétence, seule condition pour la confiance nécessaire entre gouvernants et gouvernés est passée au second plan.
Où sont les CV des nouveaux membres du gouvernement ?!
En effet, l’une des preuves indispensables à cette confiance est une capacité à exhiber fièrement des CV et des parcours professionnels impressionnants, qui rendraient leurs titulaires respectables et respectés par tous et indiscutables à leurs postes et non pas d’y être installés en étant mal à l’aise.
Or le gouvernement actuel a omis bizarrement de présenter les CV et les parcours professionnels de ses ministres, appelés paradoxalement à gérer la période la plus difficile sur le plan social, politique et économique du pays, donc devant être les meilleurs dans leur domaine.
Cacher et occulter les seules preuves de compétence ne facilitent pas l’instauration du climat de confiance réclamé par nos gouvernants et chacun est libre de juger si ce manque de confiance et de sécurité incombe à nos gouvernants actuels ou aux autres qui disent et pensent qu’il n’y a pas de CV dignes d’être étalés au grand jour.
Ceci étant, il n’est jamais trop tard pour bien faire et les remaniements ministériels pour corriger et rectifier le tir sont bien prévus pour ça, car ce serait un énorme gâchis de rater une occasion historique pour le pays de combiner une nouvelle démocratie en gestation à une gestion du pays par les meilleurs et ce pour de futiles motivations partisanes.
A bon entendeur car l’histoire ne le pardonnera sûrement pas.
* Diplômé en sciences économiques et planification.