Dr Moez Ben Khemiss* écrit – Pourquoi la France refuse-t-elle aux jeunes médecins spécialistes tunisiens l’opportunité de parfaire leur formation grâce à des stages dans les hôpitaux français.


Chaque année, un millier parmi l’élite des lauréats du Bac tunisien choisissent de faire des études de médecine. Chaque année aussi, un demi-millier de cette élite estudiantine entament, après avoir réussi le terrible concours du résidanat, une formation de médecins spécialistes. Formation qui se fera dans les différents services hospitalo-universitaires de notre pays, et qui durera quatre années.

Le système français… sans la France

Durant ces quatre années l’étudiant, ou résident comme on l’appelle, va devoir acquérir une formation complète, variée et pointue dans la spécialité de son choix pour terminer en apothéose et obtenir bravement son diplôme de docteur en médecine ainsi que son diplôme de spécialiste.

Bilan: onze années d’études, de stages, d’examens en tout genre et de sacrifices. Hélas derrière cette belle vision de la médecine se cachent bien des misères.

Il est sans doute évident qu’en Tunisie – pays «semi francophone» si on ose dire ; où la langue officielle est l’arabe – les études supérieures ne peuvent se faire que dans la langue de Molière. Particulièrement les études médicales. Il est à rappeler que le système des études médicales ainsi que la formation pratique qui s’en suit sont soigneusement copiés sur le système français. Aussi, toutes les reformes entreprises durant ces vingt dernières années ont été inspirées du modèle français à quelques différences près.

Force est de constater que la Tunisie est intimement liée à la France aussi bien  historiquement et géographiquement que culturellement et économiquement. Ce lien intime se traduit sur le terrain en ce qui concerne les jeunes résidents médecins spécialistes – pour ne citer que ceux là – par l’opportunité d’accomplir des stages de perfectionnement de leur spécialité dans le cadre d’une coopération franco-tunisienne, sur le sol français et dans les différents centres hospitaliers de renommée internationale tels que l’hôpital Henri Mondor ou l’hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris.

Des relations franco-tunisiennes à géométrie variable

Cette opportunité est unique et fort nécessaire pour les jeunes spécialistes tunisiens qui veulent assouvir leur besoin de sciences et d’instruction au plus haut niveau ; chose à laquelle ils ne peuvent hélas aspirer au sein des différents hôpitaux nationaux. Cette opportunité est aussi jugée légitime, oui légitime, en raison de tous les liens franco-tunisiens établis depuis l’ère Bourguiba et solidement renforcés jusqu’à nos jours.

C’est là que se pose la question : pourquoi la France veut-elle rompre avec ces liens de coopération professionnelle que nous jeunes médecins spécialistes tunisiens estimons utiles et fructueux pour les deux pays ?

En effet, voilà déjà deux années que la France ne cesse de refuser les dossiers des jeunes médecins candidats à des postes de stages de perfectionnement de leur spécialité sur son sol, communément appelés postes Ffi (Faisant Fonction d’Interne). Rien que pour 2011, année historique et pleine d’espoir pour tout le peuple tunisien qui s’est révolté contre l’oppression et la dictature, la France a répondu par un REFUS en caractère gras à tous les jeunes résidents qui sont sur le point de terminer leur formation et candidats en novembre prochain à ces postes Ffi.

Est-ce cela la nouvelle politique française vis-à-vis des relations franco-tunisiennes ? La France qui s’est toujours présentée comme pays donneur de leçons et de morales s’est bien grillée sur ce sujet. En effet cette politique d’exclusion des jeunes résidents tunisiens va certes à l’encontre des principes prônés par la France vis-à-vis de sa relation avec la Tunisie fraichement mise en valeur depuis le quatorze janvier 2011.

Nous, jeunes médecins spécialistes, nous restons sur notre faim et nous n’avons jusqu’à aujourd’hui reçu aucune explication valable ou crédible pour ce refus inexpliqué de notre candidature à un stage de perfectionnement en France que nous jugeons encore une fois légitime et absolument nécessaire. Et ce pour contribuer à l’amélioration de la qualité des soins prodigués au sein des hôpitaux tunisiens et relancer la machine du système de santé tunisien déjà enrayée voilà bien des années.

* Anesthésiste réanimateur.