Mohamed Sadok Lejri* écrit – Il est grand temps que la direction de Tunisair et les responsables de la douane mettent en œuvre des mesures dissuasives contre les chapardeurs parmi leur personnel.
La révolution nous délivre d’un mal qui nous faisait tant souffrir : le pillage. Du moins, je l’espère. Elle ne peut à elle seule, hélas, débarrasser tout un peuple des difficultés qui relèvent des mentalités.
La Tunisie éprouve quelque peine pour se moderniser et cela n’est pas seulement dû aux structures économiques et sociales du pays qui sont obsolètes.
Pour ne plus subir à nouveau des épreuves pénibles et pour accéder à la dignité et à la prospérité, il faut en finir avec les mauvaises habitudes qui proviennent des traits les plus immatériels : préjugés, roublardise, probité mal portante, conscience professionnelle défaillante (voire inexistante dans certains cas)…
Ballotés d’un endroit à l’autre
Certains actes qui, pour d’aucuns, pourraient paraître insignifiants et isolés, intègrent en réalité une série d’événements qui portent préjudice à pas mal de personnes. Avec le temps, cela se répercute sur la collectivité, affaiblit le potentiel de la nation et nuit gravement à l’effort de redressement socioéconomique.
Dans le monde moderne, la puissance est fonction de la bonne marche du système économique lequel est, aujourd’hui, constitué d’entreprises de services notamment. En général, sur ce plan, avouons-le, nos sociétés de services peinent à répondre à ce qui est exigé d’elles.
Je voudrais m’intéresser, particulièrement, à une société qui travaille sous l’égide de l’Etat. Celle-ci, à certains égards, ne remplit pas toujours les conditions requises. A cet effet, l’exemple de Tunisair est des plus éloquents. Voilà une compagnie aérienne qui n’arrive pas à vaincre certaines difficultés dues essentiellement à une conscience professionnelle d’une partie de son personnel qui laisse à désirer et à la malhonnêteté de certains douaniers. Bien évidemment, tout le personnel de Tunisair n’est pas concerné par cette réprobation et tous les douaniers ne s’adonnent pas aux manœuvres les plus basses. En revanche, certains employés méritent d’être sévèrement blâmés de par leurs actes tout à fait répréhensibles.
En effet, les voyageurs qui voient leurs affaires disparaître à leur arrivée en Tunisie sont légion. Leur récupération se révèle, le plus souvent, une tâche impossible. Et cela est affligeant. En pareils cas, l’administration de Tunisair ne satisfait que rarement les réclamations des usagers lésés. Ces derniers sont ballotés d’un endroit à l’autre sans pour autant parvenir à leurs fins. A Tunisair, quand un objet disparaît, il disparaît de façon définitive. Obtenir gain de cause s’avère être un songe-creux.
Un billard à trois bandes
De nombreux usagers se font délester de leurs effets et objets personnels sans que cela ne suscite le moindre intérêt.
L’administration ne donne pas suite aux réclamations. La «procédure de réclamation», comme on l’appelle à Tunisair, est en réalité une juxtaposition d’obstacles qui débouchent à tout coup sur une déception. Pour signaler un objet perdu, il faut s’adresser au bureau des réclamations «litiges bagages». Celui-ci vous renvoie au siège de la compagnie, sis à Charguia II, lequel vous renvoie à son tour à l’aéroport. Ensuite, on vous propose de vous adresser à la douane laquelle déclenchera une vadrouille interminable et infructueuse de surcroît. Bref, un billard à trois bandes comme disent les amateurs de ce jeu.
Pour dédommager les usagers lésés, on leur propose de ramener leurs bagages à l’aéroport pour les peser à nouveau.
L’objectif est de déterminer l’écart entre la pesée qui a précédé le départ en voyage et celle de l’instant présent. On évalue, de la sorte, les pertes en kilo. Le kilo de survêtement, par exemple, vaut vingt dinars. Ainsi, à défaut de prendre soin des bagages de ses clients, Tunisair remet, en guise de compensation, une somme d’argent dérisoire aux usagers volés. Ceux et celles qui veulent à tout prix récupérer l’objet perdu, l’objet volé (appelons les choses par leur nom), sont invités à engager une procédure judiciaire («qadhiya âadliya»). Cela va sans dire que cette mesure est rédhibitoire.
L’hémorragie de chapardage doit prendre fin
Le plus affligeant dans cette affaire, c’est que ces vols occasionnent quelquefois de fâcheuses conséquences. En effet, une employée de Tunisair m’a fait part de son inquiétude causée par les pratiques déplorables de certains de ses collègues. Selon cette femme, depuis des années, le vol est devenu une habitude chez certains douaniers et employés de Tunisair. Pis, cela n’offense plus outre mesure. Ces mœurs douteuses s’inscrivent désormais dans le cadre du quotidien de notre compagnie aérienne nationale et de notre douane. Cette bonne dame a été témoin de deux mésaventures qui lui sont restées en travers de la gorge.
La première concerne un étudiant du Canada qui, de retour en Tunisie, s’apprêtait à soutenir sa thèse de doctorat. A son arrivée, il s’aperçut que son ordinateur portable (qui contenait son travail, fruit d’une recherche laborieuse), ses diplômes et le costard avec lequel il s’apprêtait à soutenir sa thèse, s’étaient évaporés. Le jeune homme en fut affecté mentalement et séjourna à l’hôpital psychiatrique en conséquence.
La seconde mésaventure est mortifère à vrai dire, et ce au sens littéral du terme. Elle fut fatale pour une vieille dame cancéreuse. Celle-ci, pour demeurer en vie, eut besoin de médicaments introuvables en Tunisie. Un membre de sa famille se rendit en France rien que pour se les procurer. A son retour en Tunisie, il s’aperçut de leur disparition. Quelques temps plus tard, la vieille dame rendit l’âme. Les médicaments auraient-ils pu la sauver ? Ce n’est pas certain, mais ses proches regretteront le restant de leur vie ces médicaments non administrés à temps.
Malheureusement, en Tunisie, les hommes et les femmes de bonne volonté, ceux qui essayent d’installer des dispositifs capables d’évacuer fraudes et malversations, sont constamment noyautés par des éléments malveillants.
Ce qui se passe à Tunisair signifie que les hauts cadres de la compagnie et les hauts fonctionnaires de la douane ont tendance à fermer les yeux face aux pratiques répréhensibles susmentionnées. Toujours selon l’employée de Tunisiair évoquée un peu plus haut, ceux qui volent dans les bagages des passagers vivent dans l’impunité et ne craignent aucun châtiment. C’est comme si l’Etat se rendait complice de ces agissements.
Il est grand temps que la direction de Tunisair et les responsables de la douane mettent en œuvre des mesures dissuasives. Le chapardeur a assez fait des siennes. Cette hémorragie d’escamotages doit prendre fin. Il y va de la renommée de notre pays. A bon entendeur salut.
* Z’étudiant.