Tarek Besbes écrit – Depuis la chute de l’ancien régime, de pseudos promoteurs se bousculent au portillon pour proposer des projets faramineux. Les médias leur servent souvent de porte-voix… sans vérification aucune.


Tous les auditeurs et téléspectateurs ont constaté la médiatisation, il y a quelques jours, par la télévision et radio publiques des projets douteux du groupe Gmt, qui traîne dans son sillage l’homme d’affaires égyptien Bahguet, puis un obscur homme d’affaire français.

De faux projets et de vrais leurres

Le groupe Gmt, depuis le gouvernement Béji Caïd Essebsi, ne cesse d’instrumentaliser les médias publics. Son projet principal est la création d’une nouvelle chaîne de télévision. Il utilise une méthode de harcèlement médiatique pour obtenir une autorisation. La dernière trouvaille était de contenir ce projet dans un package, qui, ils l’espèrent, convaincra les autorités, qui cherchent désespérément des promoteurs de projets pour la création d’emplois.

Toutefois, le projet industriel (probablement un leurre) que se propose d’implanter le groupe Gmt avec M. Bahguet, ne sera pas installé dans les régions défavorisées, mais près de Bir M’chargua, zone proche de la capitale et dont les autorités devraient retirer le positionnement dans la liste des zones prioritaires.

Ces agissements douteux doivent être dénoncés, et ce n’est pas à cause de la panique générale et la psychose du chômage que le pays doit être livré aux lobbies et aux investisseurs véreux, qu’ils soient nationaux ou étrangers.

Depuis une année, les médias (naïfs ou intéressés surtout quand ils entendent parler d’un projet de télévision), ont relayé les intentions d’investissements de nombreux promoteurs. Parmi eux, de prétendus grands hommes d’affaires tunisiens résidents à l’étranger, et qui par patriotisme (éphémère) se bousculent au portillon pour réaliser des projets salutaires pour le pays.

Ces derniers mois, on nous a aussi bassiné avec les investisseurs des pays arabes, qui comme à leurs habitudes ne s’intéressent qu’aux projets pour lesquels sont affectés des terrains à vil prix, et qui ciblent encore et toujours l’immobilier, le tourisme, les télécommunications, et en final des produits à faible valeur ajoutée, à faible acquisition de savoir-faire technologique et de surcroît non destiné à faire un chiffre d’affaires à l’export, mais à grappiller une portion du pouvoir d’achat du Tunisien.

L’immobilier mégalomane n’est pas la panacée

Certains pensent que le modèle de Dubaï est à suivre pour la Tunisie. L’immobilier mégalomane, destiné aux stars et à la mafia russe, n’est pas la solution pour notre pays. Observez comment l’Europe et notamment la France s’activent à se réindustrialiser ; c’est le seul secteur à même de résorber massivement le chômage. Il est impératif de créer des industries en association honnête avec l’Algérie et la Libye. On ne doit pas attendre la solution pour le Sahara Occidental.

Un blâme doit être adressé aux dirigeants de la télévision et de la radio tunisienne, pour qu’ils cessent de faire de la publicité à ces opportunistes, et ils doivent vérifier que leurs services ne pratiquent pas le clientélisme, en identifiant les agents qui ont été approchés par le groupe Gmt.

Dans les démocraties naissantes, les médias, la culture et le cinéma sont les premiers secteurs convoités, infiltrés et noyautés par les lobbys étrangers qui trouvent sans difficultés des prête-noms nationaux.

La Tunisie doit être très vigilante et doit se munir de barrières à ce phénomène mondial, sinon on verra bientôt l’appartenance directe ou indirecte de ces secteurs stratégiques à des lobbys sionistes, des magnats tels que Rupert Murdoch, Al Jazira, Al Arabya, etc.

Ni encenser les autorités, ni leur servir de relais

Nos journalistes, qui ont beaucoup à se faire pardonner, doivent cesser de se présenter à nous en professionnels incorruptibles et indépendants. Ils doivent cesser de pousser des cris d’orfraie, dès qu’on leur exprime la moindre remarque. Actuellement, ils réagissent exagérément en se présentant pitoyablement comme irréprochables. Quand entendrons-nous, et en toute simplicité, que tel journaliste est marqué droite, gauche, Ennahdha, Pdp, etc. ? C’est normal, et heureusement que les journalistes ont des orientations intellectuelles et politiques différentes ; qu’ils cessent donc de s’en cacher.

Au même titre que les écrivains, philosophes et penseurs, ils ne doivent pas réclamer qu’ils pensent tous pareils. En revanche en ce qui concerne ceux qui travaillent dans le service public et particulièrement pour les infos et les reportages, ils doivent pratiquer à égale distance par rapport au gouvernement et à «la rue». Ils ne doivent ni encenser les autorités, ni servir de relais amplifiés du catastrophisme et du misérabilisme. Quand ils font un reportage sur mesure dans une montagne, sans eau courante ni électricité, ils doivent donner l’avis des services nationaux concernés, quant au coût et la priorité d’un éventuel projet d'équipement. Ces reportages qui sont devenus le fonds de commerce populiste notamment de la chaîne Hannibal, sont inadmissibles et surtout de la part de la télévision et de la radio publiques. Ils se sont multipliés sans discontinuer depuis la révolution, et d’ailleurs avec les 4 gouvernements successifs : un comportement très suspect.

Il ne s’agit pas de camoufler de nouveau les injustices et carences, mais de présenter les reportages étayés par des chiffres. Dans toutes les montagnes du monde, il y a des masures sans eau courante ; mais où sont les statistiques ?

Après les élections la plupart des journalistes se sont mis à animer des plateaux discutant de sujets inopportuns, et ils se sont auto-reproché quelques désorientations, alors pourquoi refaire les mêmes erreurs ? Où sont les débats sur la constitution, le nouveau modèle économique, en exposant les possibilités réelles du pays ? Quel est le taux de chômage internationalement admis, le vrai syndicalisme, etc. ?