Tarek Nachnouchi * écrit – Oui, la majorité d’entre nous sommes des intégristes qui s’ignorent. Certains argumentent avec leurs poings, d’autres avec leurs mots, la majorité le fait avec le dédain.
En commençant à rédiger cet article, je pense déjà à toutes les réactions de mes proches et des amis lorsqu’ils le liront. Beaucoup me traiteront certainement de tous les noms, d’autres me demanderont avec plus de tact mais néanmoins avec condescendance si je suis vraiment «sérieux là ?»...
Je débute donc ma pensée en leur demandant de ne pas trop m’en vouloir, et d’essayer simplement «d’envisager» mon opinion. A tous, je leur dis aussi que j’assume avec confiance et sérénité tous les propos à venir. Tout ce que je souhaite, c’est que nous devenions tous meilleurs.
J’essaie d’être «juste», et que dieu m’en soit témoin...
Mon constat actuel pour la Tunisie est le suivant : les vraies raisons et causes de la révolution sont depuis longtemps reléguées en second plan, la crise économique, le chômage, le niveau d’éducation, les besoins «primaires» de l’homme qui ont poussé ce dernier à se soulever contre le tyran et à oser crier sa rage et sa soif de dignité...
Islamistes contre libéraux-laïcs
Aujourd’hui, toutes les pensées, toutes les passions, toutes les énergies sont focalisées sur la confrontation de deux camps : les islamistes (salafistes ou nahdhaouis) et les libéraux-laïcs (au sens social et non économique j’entends).
Les premiers sont accusés par les seconds de n’être que des sauvages, ignorants, frustrés, violents, vils et hypocrites, alors que les seconds eux sont qualifiés par les premiers de n’être qu’une bande d’immoraux, mécréants ou quasi-incroyants, blasphémateurs, vendus à l’Occident et jaloux de leur succès électoral et, par conséquent, saboteurs et comploteurs, empêcheurs de gouverner en toute efficacité (là, je ratisse large).
Je fais abstraction ici de tout ce qui est nombre, taille du groupe ou appartenance géographique. Disons que c’est une image, grossière et caricaturale, je l’avoue, de ce que tout le monde pense ou dit (haut ou bas selon le courage).
Maintenant, ma question est toute simple, mais croyez-moi elle va en révolter plus d’un parmi vous, voire donner la nausée à certains (si si !!). La question, ma question pour vous tous est : seriez-vous prêts à envisager que l’autre ait raison ???
Sincèrement, pour une fois depuis longtemps, imposez le silence à vos émotions, recentrez-vous sur vous-même, et posez-vous cette question. Calmement. Honnêtement. Et écoutez, attentivement…
Si, toujours aussi sincèrement, vous êtes capables d’envisager une réponse positive à cette question, alors il y a encore de l’espoir, et l’ouverture d’esprit et la tolérance que vous défendez becs et ongles, vous y croyez réellement.
Par contre... Si vous sentez en vous se gonfler une vague d’indignation et de colère, si un flux de raisons, de causes, d’explications et d’arguments jaillit dans votre cœur à coup de «ce n’est pas pareil», de «rien à voir !!», de «comparer l’incomparable !» et autres semblables débuts de phrases... Alors je suis désolé de vous annoncer que vous êtes tout aussi «intégriste» que ceux que vous critiquez...
Cette balance intérieure que nous avons tous et que nous utilisons pour comparer «nos» valeurs et «leurs» valeurs, puis de rejeter d’un air dédaigneux celles qui ne sont pas nôtre. Penser que «nos» convictions, elles, sont justifiées, tout ceci, toute cette rage, cette frustration, ce flot d’émotions qui explosent en vous, sachez que ce sont exactement les mêmes qui motivent ceux que vous jugez être de «l’autre côte».
Oui, la majorité d’entre nous sommes des intégristes qui s’ignorent. Certains argumentent avec leurs poings, d’autres argumentent avec leurs mots, la majorité le fait avec le dédain hélas.
Dépasser le dédain mutuel
Y aurait-il un remède à tout cela ?
Personnellement, je ne crois pas qu’un homme doive renoncer à ses convictions et ses idées pour vivre dans une société de respect et de tolérance. Par contre, je suis convaincu que le premier pas vers le respect est l’acceptation de la différence de l’autre. Accepter ne signifie pas être d’accord, mais lui accorder le droit d’exister, l’étudier avec sincérité afin de ne pas le juger sur des présomptions, puis dialoguer et dessiner ensemble les frontières qui limiteront notre liberté et la leur.
Jusqu’au jour d’aujourd’hui, aucun parti tunisien n’a pris la peine d’inviter les salafistes, voir même, les islamistes d’Ennahdha à une table ronde, à organiser des rencontres avec eux, des débats publics... Nous pouvons aussi en dire autant au sujet les diverses associations islamistes radicales.
Ce dédain mutuel ne pourra jamais aboutir à bien pour la Tunisie.
Que celui qui se sent fort et noble en lui même fasse le premier pas.
Que celui qui a reçu un coup un jour tende l’autre joue.
Que celui qui n’a jamais péché lance la première pierre.
* Product & Ad Network Director - Dubai Media City