Tarak Arfaoui écrit – Au parti Ettakatol, on ne compte plus les démissions, un peu partout dans le pays. Mais il n’y a pas de quoi inquiéter son fondateur et actuel président de l’Assemblée  constituante, Mustapha Ben Jaâfar. Qui ne regrette rien…


La participation du parti Ettakatol au gouvernement provisoire a fait couler beaucoup d’encre et continue actuellement de susciter la polémique au vu de la tournure que prennent les événements récents, avec les démissions collectives de ses militants, qui est minimisée voire carrément ignorée par les instances dirigeantes malgré la gravité du l’événement.

Qui a parlé d’alliance suicidaire ?

Personne avant les élections n’avait envisagé un scénario pareil. Du principe même du politiquement correct, l’alliance d’un parti social démocrate bien positionné à gauche avec un parti bien ancré à droite de l’échiquier politique était jugée carrément irréalisable et suicidaire par les observateurs. A Ettakatol, on n’en a cure.

Déjà bien avant les élections, les soupçons pesaient lourd sur son chef Mustapha Ben Jaâfar quant à son intention, pour des motifs électoralistes pour les uns, égocentriques pour les autres, de pactiser avec Ennahdha et on avait alors assisté à des chefs d’œuvres de dénégations et de démentis enrobés dans une langue de bois politique de bon aloi.

Personne n’a oublié les réponses évasives faites par M. Ben Jaâfar ni ses dérobades avec son fameux «nous ne sommes ni avec, ni contre Ennahdha» suivies quelques semaines plus tard de «la nécessité d’un gouvernement d’intérêt national» puis couronnées, après les élections, par une «l'alliance stratégique avec Ennahdha». Pas moins ?

Les électeurs d’Ettakatol, une fois l’effet de surprise passé, se sont sentis ignorés, délaissés voire floués. Ils n’ont pas du tout apprécié, dans leur grande majorité, le virage à droite de leur parti, ni la mollesse de leurs dirigeants, ni leur suivisme dans les prises de position très controversées d’Ennahdha allant jusqu’à dénigrer systématiquement l’opposition laïque et démocrate qui était en fait leur camp naturel.

Dix de perdus un de gagné !

Pire encore : le fait de minimiser les dissensions, qui sont apparues au grand jour avec leur cortège d’invectives et règlements de compte étalés dans les médias, le fait même de nier les démissions comme vient de le faire Khalil Ezzaouia, ministre des Affaires sociales et dirigeant historique d’Ettakatol, sur une radio locale, ne font que discréditer et ridiculiser davantage les dirigeants d’Ettakatol.

Quels dividendes pourrait tirer le parti de cette situation ? M. Ben Jaâfar, intransigeant et tenant bien la trajectoire qu’il a délibérément choisie, au lieu de justifier le virage qu’il a pris à l’insu de ses électeurs et des membres de son parti, a déclaré ne pas regretter les départs s’ils ont lieu (sic) puisque de nouveaux adhérents plus nombreux (re-sic) frappent tous les jours aux portes d’Ettakatol. En bon médecin, il est persuadé de détenir la potion magique quitte à sacrifier son parti sur l’autel de la «maslaha watania» (intérêt national). Quant aux militants récalcitrants, ils ne seraient que des arrivistes peu crédibles comme les a qualifiés le porte-parole du parti, Mohamed Bennour. Et, à ce titre, ils ne sont plus les bienvenus.

En d’autres termes, et pour pasticher Alphonse de Lamartine, un seul être vous planque et tout est repeuplé !