Khedija Chahloul* écrit – Le «statut avancé» comme l’UpM ne présentent aucun intérêt pour les pays du sud de la Méditerranée, dont la Tunisie : seule l’union douanière pourrait éventuellement présenter un avantage.
Le désintérêt de la Tunisie pour le poste de secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée (UpM) et la nomination probable d’un Marocain Fathallah Sejlmassi à la tête de cette organisation, se justifient amplement. Et pour cause…
Je connais personnellement Fathallah Sejlmassi, il a été le chef de la délégation marocaine qui a négocié l’accord de libre échange tuniso-marocain de 1999 et qui est toujours en vigueur. C’est une personne très compétente et il représentera dignement le Maroc.
Pour ce qui est du statut avancé de la Tunisie avec l’Union européenne (UE), dont la négociation a pris du retard, il faut vraiment banaliser cette affaire pour plusieurs raisons :
1- les composantes de ce statut sont arrêtées par tous les pays membres du processus Euromed et il est à la disposition de tous ces pays ;
2- il s’agit d’un document standard et qui n’apporte pas de réels avantages pour les pays sud-méditerranéens étant une phase ultérieure aux accords de voisinage ;
3- l’UE n’a pas réservé des moyens supplémentaires pour accompagner la mise en œuvre des réformes que ces pays s’engageraient à réaliser ;
4- les principales composantes de ce statut sont la libéralisation du commerce des services et celle du commerce des produits agricoles et agroalimentaires. Pour ces deux secteurs, les négociations entre la Tunisie et l’UE sont assez avancées, seulement elles butent sur la position de l’UE qui veut continuer à appliquer la législation sur l’immigration aux déplacements des prestataires de services tunisiens en Europe ; ce qui n’est pas normal étant considéré que les avantages comparatifs de la Tunisie résident dans les services professionnels qui nécessitent des déplacements et des séjours plus au moins longs et que, d’un autre côté, elle demande l’ouverture à la concurrence européenne des secteurs clés de l’économie tunisienne comme le transport, les banques...
Pour ce qui est de l’agriculture, secteur très fragile en Tunisie, étant composé essentiellement de petits agriculteurs dont la production est destinée essentiellement au marché intérieur et dont les capacités d’exportation sont vraiment réduites, l’UE refuse de prévoir des mesures d’accompagnement adéquates pour préparer ce secteur à la concurrence et renforcer sa compétitivité. Faut-il rappeler que le Maroc, lui même, qui a signé le document statut avancé, n’a pas encore achevé les négociations sur ces deux secteurs ;
5- l’un des apports du statut avancé c’est l’éligibilité des pays méditerranéens à certains fonds de recherche européens qui sont réservés uniquement aux Européens, mais il sera demandé aux pays qui veulent y accéder de participer au budget de ces institutions ;
6- le document du statut avancé tunisien présenté à l’UE comprend des réformes structurelles autrement plus importantes que les réformes prévues par le Maroc sur tous les plans même politique et des droits de l’homme ;
5- pour ce statut avancé, la Tunisie a pressenti l’UE au sujet d’un réel partenariat consistant en l’établissement d’une union douanière à l’instar de ce qui existe avec la Turquie ; ce qui constituerait vraiment une réelle intégration nord-sud et un pas très avancé dans les relations Tunisie-UE, mais les Européens ont dit que ce projet n’est pas inscrit sur leur agenda.
En conclusion, le statut avancé comme l’UpM sont des dénominations grandiloquentes mais vides et ne présentent aucun intérêt pour les pays du sud de la Méditerranée, seule l’union douanière, véritable institution de droit économique international, à l’instar de la zone de libre échange (d’ailleurs considérée comme première phase de l’intégration économique régionale) ayant un caractère juridique et un contenu économique réel pourrait éventuellement présenter un avantage pour les pays du sud de la Méditerranée.
* Ancien chef de cabinet du ministre du Commerce, avant de diriger l’Office national de l’artisanat (Ona), Khedija Chahlou est, depuis avril 2009, directrice générale de la Société tunisienne de codification GS1 Tunsia (ex-Tunicode).
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