Tarak Arfaoui écrit – La vague de froid qui frappe actuellement le pays semble avoir ankylosé les acteurs politiques, à commencer par le gouvernement, en mal de solutions. Il n’y a pas de quoi se réchauffer le cœur.
La vague de froid exceptionnelle qui s’est abattue sur la Tunisie en recouvrant d'un blizzard épais les régions du nord-ouest du pays n’est pas prêt de s’estomper.
Ironie des temps, ce blizzard semble envelopper les autres composantes du pays et en premier lieu le gouvernement provisoire qui paraît politiquement ankylosé et n’arrivant plus à percer le brouillard économique et social qui enveloppe le pays.
Plus de deux mois après la constitution du gouvernement, son programme en est toujours aux calendes grecques. M. Jebali et ses ministres, avec toute leur bonne volonté, tâtonnent et naviguent à vue en donnant l’impression de faire la politique du jour le jour et, à ce train là, le manque de visibilité pour les partenaires de la Tunisie reste total.
Sur le plan intérieur, aucun des problèmes aigus qui gangrènent la société tunisienne, comme le chômage, la reprise économique et l’insécurité, n’a commencé non pas à être résolu mais simplement à être posé et débattu.
Les débats stériles sont encore aux prérogatives de l’Assemblée nationale constituante (Anc), à la formation des commissions et aux nominations des copains-cousins aux postes ministériels.
Les actions et les déclarations des ministres trahissent un amateurisme et un manque d’expérience flagrants.
Sur le plan extérieur, c’est la débandade avec le virage à 180 degrés vers l’Orient de notre diplomatie, traditionnellement ouverte à l’Occident, qui est notre espace géopolitique habituel, et dont on a tiré de tous temps des bénéfices considérables. Quels dividendes politiques et économiques pourrions-nous récolter des monarchies du Golfe ? M. Jebali a beau se démener comme un beau diable en allant quémander de l’aide en Europe, après l’avoir ouvertement boycottée, mais comment serait-il crédible quand l’insécurité et les sit-in sauvages font fuir bon nombre d’investisseurs étrangers ? Comment serait-il crédible quand des salafistes, carrément hors-la-loi, terrorisent ses compatriotes sans qu’il ne lève le petit doigt pour arrêter cette gangrène qui fait peur aussi bien aux Tunisiens qu’aux Occidentaux ? Comment serait-il crédible quand l’une des figures notoires de son mouvement Ennahdha, Sadok Chourou, appelle du haut de l’assemblée à la répression, à la haine et à la tuerie sans qu’il ne présente la moindre excuse ? Comment serait-il crédible quand l’élu désigné d’Ennahdha pour la rédaction de la constituante annonce vouloir instaurer la charia ?
Les instances internationales commencent réellement à douter du double langage de M. Jebali, dans un poste aussi crucial, et la visite de Mme Lagarde, patronne du Fmi, a mis à nu, à son grand étonnement, en utilisant un langage très diplomatique, le manque de consistance du gouvernement dans la gestion du dossier économique.
Quant au président provisoire, et qui n’aime pas ce qualificatif qu’il trouve réducteur, Moncef Marzouki, et malgré le burnous dans lequel il est emmitouflé, le blizzard semble l’avoir frappé de plein fouet et il essaye de réchauffer la galerie par le feu peu ardent du populisme qui l’a porté au pouvoir et qui s’est rapidement éteint devant la dure réalité de l’exercice politique. Ses gesticulations sont très symptomatiques de son manque d’expérience dans un poste où le discernement, la pondération, le paraître et le charisme font la stature d’un chef d’Etat. Son dernier fait d’arme est vraiment caricatural : n’ayant pas pu expulser une poignée de Salafistes qui ont mis au pas des dizaines d’enseignants et des milliers d’étudiants à la faculté des lettres, son expulsion illico presto de l’ambassadeur de Syrie, faisant fi de toutes les procédures diplomatiques inhérentes à ce genre de situation, et sans se référer ni aux partis politiques ni à l’assemblée constituante est tout à fait symptomatique du brouillard qui enveloppe actuellement le palais de Carthage.
Le blizzard est bien là et nous attendons avec angoisse que la météo politique annonce, espérons-le, des jours meilleurs pour la Tunisie.